Sorties sans qualification ? 

Le protocole qui vient d’être signé par un organisation syndicale de professeurs (SNETAA) et deux de chefs d'établissements (SNPDEN, ID-FAEN) se fixe comme objectif de valoriser la voie professionnelle pour assurer au moins une formation de niveau V à tous les jeunes. Si l’ambition est noble, elle n’est pas nouvelle.
La loi de 89 prévoyait déjà cet objectif (Extrait : « la nation se fixe comme objectif de conduire d’ici dix ans l’ensemble d’une classe d’âge au minimum au niveau du certificat d’aptitude professionnelle ou du brevet d’études professionnelles »).


Cet objectif a été réaffirmé dans le Programme « NouvelleS ChanceS » de 1999  : « À l’aube du XXIe siècle, nous devons, plus que jamais, donner une priorité à l’objectif fixé par la loi d’orientation sur l’éducation de 1989 : conduire l’ensemble d’une classe d’âge au minimum au niveau du CAP ou du BEP. 
Mais que signifie exactement le terme de « sortie sans qualification » ?
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Cela correspond au fait de sortir du système sans être parvenu au minimum à une classe de niveau V, c’est-à-dire à l’année terminale de CAP ou de BEP, avec ou sans le diplôme, ou à la seconde ou à la première générale et technologique. De 1989 à 1999, le nombre de jeunes sortant sans qualification a diminué presque de moitié. Mais 58 000 jeunes, soit 7 % des jeunes sortants du secondaire, quittent l’école sans qualification. En 2005, cette proportion tombe à 5%.


ssqIl est intéressant de comprendre que l'évolution du nombre de "sans qualification" tient à plusieurs variables : d'abord, l'évolution du nombre d'élèves d'une classe d'âge (en jaune sur le graphique, en plus ou en moins), et ensuite la part de la cohorte qui va rester chaque année "sur le chemin" (en rouge). On voit nettement que sur le graphique des dix dernières années, le taux se réduit grâce aux réussites dans la scolarité plus qu'à cause de la baisse démographique.


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On peut aussi constater, grâce aux études de la DEPP, des écarts extrêmement importants entre les académies sur ces "sorties sans qualification. Le graphique ci-contre permet deux éclairages importants :

- d'abord, le constat que quelques académies ont à gérer, en volume, une part très importante de ces élèves, conséquence directe de l'urbanisation, ou des structures sociales de la populations dans ces régions,

- mais aussi la mise en évidence que certaines académies, au-delà de leur sociologie propre, semblent mieux éviter ces "nons qualifiés".

Conséquence d'un dynamisme éducatif plus grand ? De meilleures procédures d'orientation ou de prise en charge des élèves ?

L'effet semble suffisamment massif pour que chaque académie, mais aussi le niveau central s'y intéressent de près...

Processus de Lisbonne : changement de lunettes...
Mais les exigences de « l’économie de la connaissance » validée par le « Processus de Lisbonne" (2000) impliquent désormais de changer d’instrument de mesure : l’Union Européenne demande que moins de 10% d’une classe d’âge quitte l’école sans l’obtention d’un diplôme d’études secondaires ou un diplôme professionnel (pas simplement de la fréquentation d'une classe de niveau V). En France, ils sont actuellement 17% à sortir de l’Ecole sans en avoir acquis, ce qui correspond grosso-modo à la part d’élèves qu’on nomme, à chaque niveau du système éducatif, et dès le primaire, comme « en difficultés » ou « en échec ».


Peut-on, dès lors, penser que les mesures préconisées, dans le protocole sur l’enseignement professionnel, pour réduire ces bataillons indociles vont être suffisantes ? Une fois de plus, « prise en compte du rythme d’apprentissage des élèves », « individualisation des parcours », « modules de remédiation », « tutorat » et « aide individualisée » sont convoqués.
On croirait lire les préconisations pour lutter contre l’échec scolaire en primaire. Sans doute ces pistes ne sont-elles pas à balayer d’un revers de main méprisant. Mais pour de nombreux chercheurs, c’est du côté du « rapport au savoir » que de nombreux enfants des milieux populaires butent sur le sens scolaire. Ces élèves « qu’on n’arrive pas à faire réussir » ont besoin de mieux comprendre ce qui les relie à la « culture commune », au « socle commun » de connaissances.
Ils interrogent l’école, les professeurs et les orienteurs… Pas sûr qu’ils ne résistent pas un peu à la nouvelle injonction d’une circulaire… 

Par ppicard3 , le dimanche 01 juin 2008.

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