Le bac pro en 3 ans, une motivation pour les élèves de LP ? 

Martine Druenne, proviseure du lycée professionnel Paul Bert de Maisons-Alfort (94) et secrétaire départementale du SNPDEN, a bien voulu nous expliquer sa position, personnelle et syndicale, sur la mise en place des filières Bac pro en 3 ans.

 

 

Que pensez-vous des filières Bac pro 3 ans ?

MA Pour ma part, j’estime qu’il est illogique de faire subir à des élèves, qui sont déjà en plus ou moins grande difficulté avec le système scolaire, un cursus de 4 ans. Je note souvent un changement d’attitude chez les élèves qui ont eu leur BEP et qui commencent leur 1ère année de Bac pro. Ils retrouvent un certain nombre de notions déjà acquises et cela ne les motive guère. Comme ils ont souvent déjà redoublé au niveau du collège, ils ont 18 ans et d’autres soucis en tête, y compris d’ordre économique. Ils décrochent très facilement ou adoptent une attitude absentéiste, voire « j’menfoutiste ».

 

Avez-vous déjà ouvert ou allez-vous ouvrir ces filières dans votre établissement ?

Nous avions demandé une ouverture pour la rentrée 2007, mais elle nous avait été refusée pour des raisons administratives. Nous en ouvrons 4 à la rentrée 2008 (nous avons en fait des filières tertiaires et industrielles). Je pense que c’est important que tous les élèves sortants de 3ème puissent être mis sur un pied d’égalité. Cela devrait contribuer à changer leur attitude.

Je crois que le baccalauréat est à portée de beaucoup de nos élèves et ce sera sans doute plus motivant pour eux d’entrer directement dans une préparation de baccalauréat, comme les élèves de LGT. Le problème principal du lycée professionnel, c’est l’absentéisme, préalable au décrochage. C’est d’ailleurs un axe prioritaire de notre nouveau projet d’établissement.

Par ailleurs, surtout dans les formations tertiaires, le BEP est loin de garantir une insertion professionnelle facile.

 

Pourtant, nombre d’enseignants et de chefs d’établissement estiment que tous les élèves sortants de collège ne seront pas capables d’entrer avec profit dans ces nouvelles filières.

Pour l’instant nous conservons 2 BEP. Mais je ne crois pas qu’une 4ème année d’enseignement soit une bonne solution pour faire réussir la majorité des élèves. Je pense qu’il faut plutôt chercher des solutions pédagogiques, comme par exemple des dispositifs de coenseignement. Nous avons expérimenté cela cette année, à très petite échelle, car nous n’avions pas les moyens nécessaires pour plus. Je suis persuadée que cette organisation (2 profs de discipline différente ou non, 1 classe, 2 salles) permet de s’affranchir des problèmes de discipline et aux élèves de travailler différemment.

Je pense aussi que la formule de l’alternance pourrait être intéressante pour des élèves en grande difficulté. Mais ce sont des projets longs à faire aboutir et difficiles à mener.

Je crois que l’ouverture des filières 3 ans est l’occasion de revaloriser les formations en LP. Les élèves y seront des lycéens à part entière. Certes, il y a des élèves en grande difficulté avec le système scolaire, mais ils sont loin chez nous d’être la majorité.

 

Y-a-t-il selon vous des conditions à la mise en place de ces filières ?

Il faut que nous ayons les moyens d’aider les élèves. Un protocole de discussion avec le ministère a été signé en décembre par différentes organisations syndicales dont le SNPDEN, des commissions se sont réunies et un relevé de conclusions a été adopté le 30 avril, mais il n’y a pas encore réellement de mesures très concrètes.

Il faudra que des passerelles soient mises en place. On parle de 2nde indifférenciée, mais cela n’est pas toujours possible dans les différentes filières et quel choix auront effectivement les élèves, hors les formations préparées dans l’établissement ?

Il ne faut pas non plus oublier la question de la poursuite d’études. Il serait temps que la possibilité d’intégration des bacheliers professionnels dans les BTS soit réelle. Aujourd’hui il n’y a pas de philosophie par exemple dans les enseignements professionnels, et les élèves manquent souvent de culture générale par rapport à ceux du LGT. Il n’y pas non plus de 2ème langue, ce qui interdit l’accès aux formations du secteur tourisme.

Il y aura de nombreux arrangements à imaginer et il faudra que tout le monde joue le jeu pour que cette opération réussisse. C’est une véritable possibilité de revalorisation de la voie professionnelle, mais qui n’a pas été bien présentée en terme de communication ministérielle. Il y a eu une regrettable coincidence entre l’annonce de l’ouverture des filières Bac pro 3 ans et le suppression des 11 000 postes dans l’éducation nationale..

 

Y-aura-t-il dans votre établissement des modalités spécifiques d’accueil des élèves dans ces nouvelles filières ?

Les entrants seront reçus individuellement pour confirmer leur orientation. Ils seront ensuite soumis à une évaluation, ce qui nous permettra de définir des groupes de travail pour des thématiques particulières. Je tiens beaucoup à ce qu’on ne considére pas ce travail plus individualisé comme du soutien, car ils sont dans le soutien et la remédiation depuis la 6ème ! Il est temps qu’ils en sortent. C’est aussi à ce moment que nous procéderons aux réorientations, si elles s’avèrent nécessaires. Nous avons un atout considérable, c’est que les élèves qui arrivent ont dans leur très grande majorité choisi ce lycée. Pas forcément la formation cependant et à ce niveau notre conseillére d’orientation joue un rôle très important. 

 

Comment avez-vous organisé l’information auprès des familles et comment ont-elles réagi ?

Nous avons fait une information systématique, avec un autre lycée du secteur, auprès des professeurs principaux de 3ème des collèges du district. Lorsqu’il ya eu des parents présents à ces réunions, nous leur avons parlé plus précisémet ainsi qu’à l’occasion de nos journées portes ouvertes. Cetains étaient très satisfaits de cette réforme, d’autres exprimaient des craintes par rapport au niveau de leurs enfants.

Nous n’avons pas le droit de ne pas réussir cette opération, mais je suis optimiste. L’équipe des enseignants est partante et les chefs de travaux très impliqués. J’espère très sincèrement que cette première expérience sera un succès.

 

Entretien : Françoise Solliec

 

 

 

Par fsolliec , le dimanche 01 juin 2008.

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