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Les raisons de l'excellence finlandaise 

 

 

Par Françoise Solliec

 

Des élèves heureux, maîtrisant remarquablement à 15 ans les compétences de base, tant pour la compréhension de l’écrit que dans les domaines scientifiques, des enseignants respectés, à l’aise, travaillant en équipe dans leurs établissements … Une utopie ? Non, car c’est bien ainsi que se présente le système éducatif finlandais, décrit par Eeva Penttilä, directrice des affaires internationales au département de l’éducation de Helsinki. Mais, comme le souligne Monica Gather Thurler, les modèles sont rarement transférables d'une culture à une autre...

 

 

Eeva Penttilä, qui fut enseignante à la fin des années 60, puis 25 ans chef d’établissement à Helsinki, avant de passer de l’autre côté de la barrière pour rejoindre le département de l’éducation, était le 30 janvier l’invitée du conseil régional d’Ile-de-France à la journée d’échanges du dispositif « Réussite pour tous. » Habituée à recevoir de nombreuses délégations internationales, dont récemment celle menée par Xavier Darcos, et forte de son expérience à la tête de l’association européenne des chefs d’établissement ESHA, c’est avec une aisance consommée qu’elle a présenté les modalités, sans doute uniques au monde, selon lesquelles est dispensé l’enseignement primaire et secondaire finlandais. Interrogée ensuite par le Café, elle a volontiers accepté de compléter sa présentation par quelques réflexions sur la profession enseignante.

 

Une réforme qui date des années 70

Avant 70, la Finlande se trouvait en assez mauvaise position dans le palmarès éducatif international. La réforme imposée par le gouvernement s’est fondée sur trois principes, la définition nationale d’un socle commun de compétences et de connaissances, la totale hétérogénéité des classes et, surtout, la prise en compte de l’enfant dans la globalité de sa personne, allant jusqu’à un objectif de bien-être, en passant par l’élaboration très progressive d’un projet personnel. Les établissements, placés sous la responsabilité directe de la municipalité, ont toute latitude pour définir les modes de travail et répartir les moyens alloués.

Les enseignants, habitués à des fonctions de transmission des savoirs, furent au début extrêmement réticents et marquèrent une opposition nette à la nouvelle loi sur l’éducation, du fait de l’obligation d’hétérogénéité, d’une part, et de celle du « bien-être » de l’élève, d’autre part, obligation qui leur paraissait bien davantage être du ressort des assistantes sociales que de la leur.

"Mais les politiciens ne nous ont pas écouté", sourit Eeva Penttilä, "et ce fut tant mieux. Je suis devenue chef d’établissement et, effectivement, j’ai commencé par me confronter à des problèmes sociaux puisque mon école fut la première à accueillir des réfugiés. Dans tous les établissements, le principal  a la charge d’assurer l’éducation et la formation des élèves et il lui est interdit d’exclure. Dès 13 ans, chaque élève dispose d’un tuteur conseiller et, pour assurer leur bien-être, nous avons constitué des équipes avec des infirmiers, des psychologues, des travailleurs sociaux. Nous passons beaucoup de temps en discussion avec beaucoup d’experts pour trouver une solution pour chacun, car si un élève a un problème, c’est dans l’école qu’il doit être traité".

 

Un système très individualisé

"Dans chaque établissement", nous explique-t-elle, "existe un système d’aide aux élèves en difficulté, intervenant le plus tôt possible en cas de besoin (en fait dès 7ans, l’âge d’entrée). Comme ce sont les municipalités qui financent, elles donnent davantage de moyens aux établissements qui accueillent les publics les plus difficiles et les plus défavorisés. En moyenne, près de 30 % des élèves reçoivent une éducation spécifique à temps partiel. Les premières classes accueillent une vingtaine d’élèves et l’on y met les meilleurs professeurs, car rien ne serait pire pour le nouvel élève que de subir un mauvais enseignant qui le dégoûterait du travail scolaire. Les établissements disposent d’assez d’argent et de personnel pour assurer un traitement individualisé à chaque élève. Cela coûte très cher à la société, mais cela coûterait encore plus cher si les élèves ne réussissaient pas".

En cas de crise personnelle ou familiale d’un élève, l’établissement intervient très vite pour le soutenir et peut même être amené à se substituer à la famille (divorce par exemple, ou enfant un peu abandonné par deux parents à carrière prenante). Pour les immigrants, il existe de nombreux dispositifs et on met l’accent sur l’enseignement de leur langue maternelle, car l’attachement aux racines et à la culture d’origine est considéré comme important. "Dans mon établissement", ajoute Eeva Penttilä, "il y avait un enseignement religieux différencié (9 religions différentes) qui aidait aussi à la construction identitaire".

 

Des conseils personnalisés pour aider l’élève à définir son projet

A chaque rentrée, les parents reçoivent un fascicule d’orientation. Le choix de l’établissement est libre, et, pour garantir une place à chacun dans l’établissement de son choix, la municipalité met quelques moyens supplémentaires (1,2 dotation par élève). Comme il n’y a pas d’inspection, mais une procédure d’auto-évaluation, celle-ci prend en compte la légère concurrence entre établissements. Cependant l’établissement devra s’interroger fortement si sa capacité d’accueil n’est pas remplie.

Les choix d’options sont faits au début de la scolarité par les parents mais, vers 13 ans, ce sont les élèves qui se les approprient. Ils sont guidés par des conseillers d’orientation, recrutés parmi les enseignants, qui ont reçu une formation spécifique d’une année et demie.

Le programme national d’information et d’orientation des 13-15 ans prévoit 3 cours hebdomadaires pendant 3 ans, en groupes de 25 et des séances individuelles en tant que de besoin. Si beaucoup d’élèves nécessitent un suivi individuel, ce sera au chef d’établissement de trouver les moyens nécessaires, en économisant sur les manuels scolaires par exemple, ou sur d’autres charges de fonctionnement. Les cours en groupe portent sur de la méthodologie (enseignée dès l’âge de 7 ans), sur du bilan de compétences, de la connaissance de soi, etc. Dès 10 ans, les élèves travaillent un jour par an en entreprise (le salaire étant reversé à de bonnes causes) et à partir de 13 ans ils consacrent une journée hebdomadaire à des visites d’entreprises

Au lycée (16-19 ans) les élèves assistent à 1 cours hebdomadaire en groupe  et peuvent continuer à bénéficier d’entretiens individuels. Dans chaque période d’enseignement de 6 semaines (plus 1 pour l’évaluation), il choisit de 4 à 8 cours (pour chacun 3h45 dans la semaine), de manière à accumuler au moins 75 cours, dont 45 obligatoires. Les options sont très larges, mais l’entrée dans une filière  particulière d’enseignement supérieur peut en privilégier certaines. Comme en France, il existe des lycées généraux et des lycées professionnels et le taux d’accès dans chacune des voies est sensiblement identique, bien que l’orientation soit conseillée et non imposée. La fin du cursus général est sanctionnée par un diplôme (matriculation) au printemps que les filles réussissent nettement que les garçons, ce qui n’est pas sans poser problème. Les élèves passent la fin de leur année scolaire à préparer l’examen d’entrée dans l’université de leur choix. Ceux qui n’obtiennent pas le diplôme de fin d’études secondaire peuvent repasser 3 fois les épreuves. De même ils peuvent tenter plusieurs fois l’entrée à l’université. Entre temps, ils effectuent souvent un an d’études à l’étranger, très prisé, ou l’année de service national pour les garçons.

 

Une profession socialement valorisée

Les enseignants finlandais justifient actuellement tous de 5 à 6 ans d’études supérieures (dont 1 à 2 ans de pédagogie) et doivent être titulaires d’un master, en sciences de l’éducation ou dans une discipline. Le recrutement est très sélectif car la profession est très attirante, non pour le salaire, qui est dans la moyenne des pays de l’OCDE, ni pour les heures de présence (qui correspondent à peu près à un temps plein dans l’établissement bien que la seule référence de service soit les heures enseignées), mais bien pour l’aura qu’elle conserve. L’éducation est vraiment inscrite comme une affaire nationale de première importance et ceux qui participent à sa réussite sont respectés de tous.

La déconcentration quasi-totale de la gestion (recrutement des enseignants par l’établissement et la municipalité, salaire versé par l’établissement) et la liberté pédagogique totale dont jouissent les enseignants pour définir leur cours n’empêchent pas de nombreuses rencontres, généralement au niveau régional, pour faire le point sur les évolutions des programmes nationaux ou pour traiter de thématiques particulières (nouveaux outils d’enseignement, intégration des TIC, etc.). Les enseignants peuvent également participer à des séminaires universitaires ou être eux-mêmes appelés comme experts dans la formation des plus jeunes. Le lien avec l’université perdure de façon naturelle après leur recrutement.

Les chefs d’établissement, élus parmi les enseignants, continuent d’enseigner. Ils ont ainsi une vue directe des collègues et des élèves et peuvent sans doute plus aisément qu’en France assumer un rôle de responsable éducatif et pédagogique. Ils ont beaucoup de rencontres entre eux pour éviter une concurrence trop importante et se partagent souvent les réunions thématiques en se représentant les uns les autres. L’administration centrale est très peu importante et le lien direct avec la municipalité renforce les possibilités d’efficacité locale.

 

C’est sans doute cet équilibre entre une préoccupation nationale et la dimension de responsabilité et de liberté locale, conclut Eeva Penttilä, qui fait que l’établissement tout entier se sente investi dans la réussite des élèves qu’il accueille et remplisse tout naturellement ses obligations de résultat.

 

 

 

 

 

Par fsolliec , le mardi 01 avril 2008.

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