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Troisième journée Réussite pour tous en Ile-de-France 

 

Par Françoise Solliec

 

 

Lutter contre les sorties sans qualifications et élever le niveau de qualification sont deux des objectifs que se fixe le conseil régional d’Ile-de-France. Plus de 160 lycées y travaillent au travers d’actions, souvent innovantes, soutenues dans le dispositif partenarial Réussite pour tous. La journée d’échanges du 30 janvier a été l’occasion de faire le point sur le dispositif et de présenter quelques-unes de ces actions.

 

Initié avec deux actions soutenant des structures de raccrochage scolaire en 2000, le dispositif francilien Réussite pour tous porte aujourd’hui sur 130 actions de 10 types différents, concernant 4 000 lycéens, non inclus le soutien à la MGI qui concerne également 4 000 jeunes. Une aide financière, liée à l’action, permet de aux établissements de rémunérer des intervenants extérieurs, formateurs spécialisés, professionnels ou membres d’associations. Elle vient parfois en complément d’autres moyens (rectorats, subventions d’autres collectivités, aides d’entreprises, etc.).

Dans son allocution d’ouverture, le président Jean-Paul Huchon a rappelé la volonté forte de la Région de s’investir, avec les académies et la direction régionale de l’agriculture, dans la lutte contre le décrochage scolaire « qui représente un gâchis humain et économique considérable ». Rappelant combien l’échec scolaire peut être désastreux dans la construction d’un jeune, il s’est réjoui de constater que nombre des actions portaient sur la connaissance et la restauration de l’estime de soi. Il a également noté que de gros efforts étaient entrepris à la fois pour amener plus d’élèves à des qualifications de niveau V et pour susciter plus d’ambition dans les poursuites d’études, voire pour favoriser l’accès des élèves des milieux les plus défavorisés à des formations d’excellence. Mais il y a aussi beaucoup à faire en amont du lycée et une convention sera signée prochainement avec les départements pour faciliter le passage du collège au lycée. De même, l’Ile-de-France souhaite prendre une part active à la démocratisation de son enseignement supérieur.

 

Comme il avait été annoncé l’an dernier, les actions du dispositif sont suivies par deux groupes de chercheurs (université Paris 10 et Paris 13). Ils devraient prendre prochainement contact avec une quinzaine d’établissements pour établir un questionnaire qui sera ensuite transmis à l’ensemble des établissements, dans le but de définir un premier ensemble d’indicateurs d’évaluation des actions (pertinence, résultats qualitatifs, résultats quantitatifs).

 

Le moment fort de la matinée fut l’intervention d’Eeva Penttillä, directrice de l’éducation de la ville d’Helsinki, pour décrire les évolutions du système éducatif finlandais et l’importance primordiale attachée au bien-être de l’élève et à la construction de son projet personnel. Nous y reviendrons en détail, dans le dossier consacré à l’évolution du métier d’enseignant du mensuel 90.

 

L’après-midi fut l’occasion de présenter, en ateliers, trois expériences très différentes : la lutte contre l’illettrisme menée au lycée professionnel du Château d’Epluche de Saint-Ouen-l’Aumône, le lycée de la solidarité internationale installé au lycée Jean Lurçat de Paris et les secondes expérimentales du lycée Jacques Feyder d’Epinay-sur-Seine.

Cette dernière action a été initiée sur l’année scolaire 2006-2007, dans le cadre de la convention passée entre le rectorat de Créteil et l’IEP Paris (Sciences-Po), concernant 4 établissements de Seine-Saint-Denis. Quatre classes de seconde, accueillant des élèves « ordinaires » et non informés avant la rentrée, ont bénéficié d’une équipe pédagogique d’enseignants volontaires décidés « à travailler autrement » et à modifier leurs pratiques pédagogiques pour que cette année de 2nde - notamment le premier trimestre, si décisif dans la poursuite ultérieure des études - ne se solde pas pour un tiers des élèves par un redoublement ou une réorientation en lycée professionnel.

Dans l’emploi du temps, deux demi-journées (6 heures) ont été aménagées, en récupérant des heures hebdomadaires d’enseignement dans 8 des 10 matières, que les professeurs ainsi dégagés réinvestissent dans ces demi-journées. Les contenus enseignés portent soit sur des thématiques interdisciplinaires (masculin/féminin, science/conscience), soit sur des outils méthodologiques (lecture de graphiques, savoir exprimer une réponse argumentée). Ils sont préparés en commun par l’équipe des professeurs, mais généralement enseignés par un seul au nom de tous les autres. Par ailleurs les professeurs principaux animent en TD des activités amenant les élèves à mieux se connaître et à mieux comprendre la société qui les entoure, « toute une culture que les élèves de milieux favorisés acquièrent tout naturellement, mais que les élèves ne milieux défavorisés ignorent totalement ». Enfin, des modules de découverte des métiers sont organisés avec des intervenants extérieurs.

Les moyens supplémentaires accordés à l’expérimentation comportent une dotation rectorale de 18 hsa, partagée pour moitié sous forme de décharge entre les 3 coordonnateurs de l’action et pour moitié en hse pour les autres enseignants (près de 40), une subvention de la région et l’aide financière ou humaine des nombreux partenariats (19 entreprises dont Air France, la Fnac, IBM et Axa et 7 universités et grandes écoles) apportés par la convention avec l’IEP qui se traduit en tutorat, activités culturelles et financements de voyages lointains comme la Guyane ou la Chine.

Les coordonnateurs insistent sur l’importance du travail en équipe, « nécessaire pour éviter que les enseignements ne soient pas simplement juxtapositions disciplinaires » et pour qu’ « on ait un même regard sur un élève en difficulté et qu’on lui apporte une réponse globale ».

Bien qu’il y ait très peu de recul sur les résultats, les enseignants s’estiment satisfaits : toute l’équipe a été volontaire pour recommencer cette année et élargir l’action à des élèves de 1ère. Pourtant ils ont été en butte à des appréciations très négatives de certains collègues. « On est mal vus, parce qu’il s’agit d’une convention avec l’IEP, et que dans ce projet on est amené à avoir des partenaires privés ou prestigieux et à en recevoir des fonds, à travailler avec le rectorat, à être cités dans les medias… ». En réponse à ces critiques, ils ont été très attentifs à ce que l’établissement tout entier bénéficie de certaines retombées, telles l’envoi d’un journal à toutes les familles, la tenue de forums des métiers ou de conférences d’intérêt général. Ils sont aussi persuadés que la seule vraie réponse « c’est le temps qui la fournira ».

Même si l’équipe ait été abondamment visitée par l’inspection, elle s’est parfois sentie un peu seule au début. Il n’y a pas eu de formation spécifique et il a fallu tout inventer, aussi bien les façons de travailler ensemble dans les approches interdisciplinaires que des contenus propres à faciliter aux élèves la connaissance de soi ou la connaissance des métiers. Les enseignants ont néanmoins bénéficié d’une aide importante du CIO d’Epinay et des réunions globales d’échanges mensuels avec la fondation des sciences politiques. Les partenariats offrent beaucoup de possibilités, à tel point qu’il y a pratiquement trop de projets d’accompagnement proposés au lycée par les entreprises.

Les familles restent néanmoins les grands absents de l’opération et ce sont envers eux que sont dirigées nombre d’initiatives, telles l’envoi d’un journal sur la vie du lycée dont la réalisation est confiée à une agence professionnelle ou le cycle annuel de conférences.

Les coordonnateurs sont enfin très conscients de la nécessité de généraliser cette expérimentation. Ils pensent qu’ « il ne sert à rien de le décréter par le haut » car « c’est difficile et déstabilisant de changer ses pratiques pour un enseignant » et espèrent beaucoup « d’une diffusion par capillarité ». Ils estiment cependant qu’il n’y a pas encore un recul suffisant et qu’il faudra bien 3 ans avant d’envisager cette généralisation.

 

 

 

 

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