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Education prioritaire : Quelle réforme pour les Rep+ ? 

Le ministère a-t-il trouvé la clé du succès scolaire des enfants des milieux populaires ? Symboliquement, c'est la Sorbonne que Benoît Hamon et Jean-Paul Delahaye, directeur de l'enseignement scolaire, ont choisi pour de premières rencontres avec les responsables des 102 futurs Rep+. En janvier 2014, Vincent Peillon avait présenté un ensemble de mesures aboutissant à la création des Rep+. Ce 9 avril, dans le temple du savoir, il s'agit de savoir comment vont fonctionner les établissements et les écoles qui regrouperont à la rentrée les enfants les moins favorisés socialement et même quelle pédagogie ils vont appliquer.


Hamon : Priorité à la lutte contre les inégalités


"Toute notre politique vise à réduire les inégalités". S'exprimant devant les 300 représentants des 102 Rep+, en Sorbonne, le 9 avril, Benoît Hamon a redit sa détermination à lutter contre les inégalités sociales à l'école. Le ministre décrit la "double peine" que subissent les enfants des classes populaires pour qui "le déterminisme de naissance et des diplômes s'additionnent". "On ne peut pas continuer à organiser une course dont le ministre ou le professeur donnerait le signal de départ pour constater à la fin que ce sont toujours les mêmes qui gagnent", explique B. Hamon. Il promet de nouvelles mesures contre les inégalités "dans les semaines à venir". Mais déjà cela commence par la politique d'éducation prioritaire.


En janvier 2014, Vincent Peillon a présenté une nouvelle politique reposant sur un resserrement du réseau sur 102 Rep+ à la rentrée 2014, appelés à tripler à la rentrée 2015. Ces établissements seront prioritaires pour recevoir des maitres surnuméraires. Leurs enseignants bénéficieront d'une prime doublée et d'une pondération horaire à raison de 1,1h pour chaque heure travaillée. En même temps, V. Peillon a présenté le "référentiel de l'éducation prioritaire" destiné à orienter la pédagogie des Rep+.


Une doctrine pédagogique


Ce sont ces pistes pédagogiques que sont venus étudier les responsables des Rep+. "L'école qui prend en charge les enfants des pauvres ne doit pas être appauvrie dans ses ambitions. L'éducation prioritaire ne doit pas être une école à part", affirme Jean-Paul Delahaye, directeur de l'enseignement scolaire, en ouverture des Rencontres. Les Rep+ sont présentés comme le laboratoire de l'Ecole, l'endroit où s'élaborent les solutions aux maux de l'Ecole toute entière. Ne sont-ils pas "le miroir grossissant des problèmes du système éducatif" ?


Le premier instrument du changement pédagogique c'est la pondération horaire attribuée en Rep+ à raison d'1,1h pour chaque heure de cours. Ce temps dégagé "c'est ce que les professeurs des zep nous demandent depuis des années", nous dit JP Delahaye. "C'est la reconnaissance qu'il est plus important dans l'éducation prioritaire de se concerter. Ce temps est pour mutualiser les analyses des difficultés des élèves et concevoir des réponses. Il doit être bien utilisé pour que chaque enseignant se sente engagé dan le collectif". JP Delahaye précise : "on inscrit ce temps dans le service mais on va travailler sur la base de la confiance". Mais si l'on en croit le recteur de Lille, Jean-Jacques Pollet, répondant à une question de Louise Tourret lors de la table ronde, la question de la présence à des réunions éventuellement chronophages ne se pose plus."Ce n'est plus une option mais une obligation de service", répond le recteur. "Une dynamique collective ça ne se décrète pas. Vous la porterez avec bienveillance" affirme pourtant le directeur de l'enseignement scolaire....


Le second instrument c'est l'enseignement explicite. Selon le référentiel, il s'agit d'expliciter les objectifs du travail fait avec les élèves et d'enseigner explicitement aux élèves les "procédures efficaces pour apprendre. L'élève sait ce qu'il a vocation à apprendre et il vérifie lui-même après la leçon qu'il a retenu ce qu'il fallait". A l'appui de cette thèse Sylvie Cèbe, maitre de conférences à l'université de Saint-Etienne. "Ce qui pénalise l'enfant de milieu populaire c'est la difficulté à expliciter l'implicite de la classe, la méconnaissance des stratégies nécessaires pour comprendre et l'insuffisance du développement du lexique nécessaire à l'école. Ces trois aspects sont très sensibles aux efforts des enseignants", ajoute-elle. Pour elle, "l'enseignement explicite est déterminant". Comment faire passer des notions de pédagogie officielle dans les classes ? "Il n'y aura pas de dérapage", nous a confié JP Delahaye. "Nous allons former à partir de mai 90 formateurs de formateurs".


Et le numérique ? Peut-il aider les élèves des Rep+ ?, interroge L. Tourret.  "Je ne crois pas au numérique comme outil de motivation" répond S Cèbe. Dans la salle un intervenant fait remarquer la place de l'éducation aux médias dans l'école issue de la loi d'orientation. Mais les experts de la table ronde restent dans une position négative. Ce qui compte c'est bien expliciter les façons de faire. S'attacher aux processus cognitifs. Et pour cela il y a un outil magique : l'ardoise...


Et ses limites...


"Les remèdes sont connus mais insuffisamment partagés". Le directeur de l'enseignement scolaire ne profite pour annoncer une refonte du site ministériel sur l'éducation prioritaire qui devrait offrir de nouvelles ressources. Les rares questions de la salle montrent que même chez les responsables le credo pédagogique  du ministère n'est pas partagé à 100% Si le programme des Rep+ apporte des solutions à des problèmes réels (stabiliser les équipes avec des primes, donner avec la pondération un temps théorique pour le travail d'équipe), la généralisation de l'enseignement explicite présenté comme la solution pourrait bien réserver des surprises. Jusque là, les tentatives de pédagogie officielle n'ont pas réussi.


B. Hamon n'a pas abordé la question des moyens des Rep+.  Vincent Peillon avait annoncé 300 millions sans dire d'où ils viendraient. On sait que les tensions sont fortes dans certains départements sur les ouvertures de postes à la rentrée. Les enseignants nommées en Rep+ seront-ils volontaires comme cela aurait du être le cas des ECLAIR ? Avec la disparition de ces derniers on devrait revenir à des procédures de nomination ordinaires. Le ministère sera-t-il capable d'accorder aux Rep+ les moyens en maitres surnuméraires annoncés ?


François Jarraud


Dossier : Réformer l'éducation prioritaire

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2013/2013_12Re[...]

L'éducation prioritaire : Un continent

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2014/[...]

Le plan Peillon

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2014/01/17012014[...]

C Ben Ayed : Pour en finir..

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2014/022014_pri[...]



Prioritaire : Comment améliorer l'enseignement ?

La refondation du prioritaire va-t-elle remédier à ce qui caractérise le système éducatif français : le poids des inégalités sociales ? La question de l'efficacité de l'éducation prioritaire se pose dans des termes nouveaux depuis la publication de PISA 2012. L'étude de l'OCDE a mis en évidence le lien entre inégalité sociale et scolaire en France et, en même temps, le doublement du nombre d'élèves très faibles dans le pays en 10 ans. La France apparait comme un pays où le système éducatif est particulièrement inefficace et particulièrement injuste, deux caractéristiques qui sont à l'opposé des ses valeurs officielles. Mais pour y remédier comment faire ?


Stabiliser les équipes une première priorité


"Le prioritaire, c'est une sorte de purgatoire pour les enseignants". La formule d'Agnès van Zanten décrit bien le turn over perpétuel dont souffre le prioritaire. On y affecte les enseignants disposant de peu de points, c'est à dire les débutants. Ceux-ci quittent le plus tôt possible les établissements d'autant plus difficiles que ces jeunes enseignants ne sont pas formés à y enseigner et ont peu d'expérience. Selon les statistiques de léducation nationale, seulement un tiers des enseignants en éducation prioritaire ont plus de 5 ans d'ancienneté sur leur poste. Les statistiques ne disent pas combien ont plus de 5 ans d'ancienneté tout court... Le turn over empêche toute constitution solide d'équipe. Il limite la réalisation de projets interdisciplinaires. Il nuit aussi à la discipline et rend le travail de tous plus pénible.


Comment y remédier ? Aucun ministre n'a envisagé de revoir le dispositif de nomination et mutation... Luc Chatel a tenté d'apporter une réponse avec la mise en place de postes fléchés dans les réseaux Eclair. Cette mesure a échoué à trouver les enseignants nécessaires aux réseaux prioritaires même à une époque où les suppressions de postes rendaient les mutations très difficiles.  En janvier 2014, Vincent Peillon a pris deux mesures plus efficaces. D'une part il donne des avantages salariaux aux professeurs des Rep+. Leur prime est doublée. Et ils bénéficient d'une pondération horaire de 1,1 pour 1 heure. Cet avantage restera-t-il attractif si les professeurs ploient sous les réunions de concertation ?


Diminuer les classes ou encadrer davantage les enseignants ?


Comment rendre l'enseignement plus efficace ? Le ministère a choisi l'enseignement explicite. Cela permet de recréer un réseau de formateurs et de drainer des moyens vers les formateurs de formateurs, cet effort étant présenté comme "la plus rentable" par certains formateurs. Mais inciter ainsi à déployer une méthode pédagogique à une assez grande échelle rapidement c'est prendre de risque de dérapages ou d'impuissance. Une autre méthode est possible. En 2006, la célèbre étude de Piketty et Mathieu Valdenaire a calculé l'effet qu'aurait une réduction importante du nombre d'élèves sur la réussite scolaire. La grande force de ce travail c'est de s'appuyer sur une méthode incontestable. Elle joue sur les effets de seuil qui font que de façon aléatoire certaines classes sont éclatées en deux groupes classes. A l'école primaire, aujourd'hui, l'écart entre une école prioritaire et une non prioritaire est de deux élèves. L'étude a calculé l'effet de la suppression d'une diminution de 5 élèves en zep. " La diminution de 5 élèves des tailles de classes de ZEP conduirait, dans notre hypothèse basse, à une réduction des inégalités de 37% au primaire, 13% au collège et seulement 4% au lycée". Si l'impact est très faible au lycée, il est majeur à l'école. L'efficacité est facile à établir. Même si les enseignants ne tirent pas le maximum de profit de cette opportunité pour personnaliser l'enseignement, la réduction du nombre d'élèves change le climat dans la classe et augmente le temps consacré réellement à l'enseignement. Mais cette réduction a l'inconvénient d'être couteuse, non pour l'Etat, qui pourrait affecter moins de postes dans les quartiers favorisés et davantage dans les défavorisés. Mais pour les communes défavorisées qui doivent déjà faire face à la demande de classes de maternelle.


"On veut actionner tous les leviers ensemble", annonce JP Delahaye. Il a avec lui un ministre qui, depuis sa nomination, répète qu'il veut s'attaquer aux inégalités. Une forte volonté politique ne sera pas de trop pour briser ce qui ressemble à une fatalité.


François Jarraud



Le dossier du Café sur l'éducation prioritaire

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2013/2013_12[...]



Climat scolaire : Quelle prévention dans l'éducation prioritaire ?

Peut-on prévenir le harcèlement et la violence scolaire ? Invitée par l'Observatoire des zones prioritaires (OZP), Caroline Veltcheff, adjointe d’Eric Debarbieux à la délégation ministérielle pour la prévention et la lutte contre les violences en milieu scolaire, pense que oui. A quelques jours de la remise des prix du concours contre le harcèlement (le 7 avril), elle fait le point des connaissances et des recommandations de la délégation.


La lutte contre la violence scolaire revient de loin. Rappelons-nous les débats sur la sécurité à l'école entièrement tournés vers la clôture des établissements et la lutte contre les intrusions à grand renfort de caméras et  de présence policière. La grande réussite de la délégation ministérielle pour la prévention et la lutte contre les violences en milieu scolaire, dirigée par Eric Debarbieux, a été de détourner inlassablement les prurits sécuritaires vers les savoirs universitaires de façon à faire apparaitre les vrais enjeux de la violence scolaire, à commencer par la lutte contre le harcèlement.


Anticiper les phénomènes


"Ce n'est pas naturel de réunir 400 enfants dans un même lieu. Il faut penser le collectif", explique C. Veltcheff. Par conséquent, "agir sur le climat scolaire c'est d'abord anticiper". Elle montre l'impact des phénomènes de harcèlement sur le climat scolaire et sur les résultats des élèves. "Quand on travaille sur le climat scolaire on réduit les inégalités sociales et on produit une plus value scolaire".


"Le climat scolaire c'est d'abord un climat de classe", ajoute-elle. La lutte contre le harcèlement commence dans la classe où "on peut déminer des situations avec quelques gestes". D'où l'importance de la formation des enseignants à repérer les actes de harcèlement (vols de trousse par exemple) et à prévenir la dégradation du climat. "Quand on enseigne le français, par exemple, il y a mille façons de rédiger une appréciation ou de rendre des copies". On peut encourager ou décourager la coopération par ses pratiques pédagogiques. Pour C Veltcheff, l'enseignement est "un métier de l'humain", on ne le sait pas assez. "Il faut dire aux enseignants qu'ils auront 5% des élèves totalement rétifs à l'enseignement ayant besoin d'une prise en charge qui dépasse l'enseignant. Sur ceux là les punitions sont inefficaces".


"Seule une équipe stable et soudée peut permettre d'améliorer le climat scolaire", pense C Veltcheff. Or les phénomènes d'ostracisme sont très présents dans le monde enseignant, comme l'ont montré les enquêtes d'E. Debarbieux. Le sentiment de défiance envers la hiérarchie est très présent dan sle primaire, déclare C Veltcheff.  Dans le secondaire les visions entre chefs d'(établissement et enseignants sont très éloignées : le climat scolaire est jugé bon par la moitié des personnels de direction et 13% des enseignants... Elle donne en exemple les procédures d'accueil systématiques des nouveaux personnels mis en place dans quelques établissements.


Où en est-on ?


Assez optimiste, C. Veltcheff montre l'action de la délégation. En matière de formation des enseignants, elle travaille avec 7 Espé. La formation des chefs d'établissement et des CPE stagiaires devrait comporter une formation à la lutte contre le harcèlement scolaire. Pour les cadres rectoraux, une formation à la gestion de crise est prévue avec la gendarmerie...


Mais ce sont les solutions d'établissement qui intéressent les membres de l'OZP. Quel impact du plus de maitres que de classe, demande P Garnier du Snuipp ? La co intervention a été détectée comme un élément positif pour réduire les tensions en Finlande, répond C Veltcheff. L'importance de l'apprentissage du vivre ensemble est souligné par une directrice de maternelle. Comment désamorcer la violence des parents, interroge un principal du 92. C Veltcheff cite des exemples de stratégies de liens avec les parents en développant des moments conviviaux dès la rentrée. Sont soulevés aussi les questions de l'architecture scolaire qui facilite ou pas le bien être des élèves et la surveillance, et la multiplication des règlements dans els écoles. Au règlement intérieur s'ajoutent les règlements de classe, celui de la ville pour la cantine ou les animations souvent sans cohérence...


Le 7 avril, la délégation va remettre les prix du concours sur la lutte contre le harcèlement.  Selon C Veltcheff, 800 établissements ont participé et réalisé des affiches et des vidéos en s'appuyant sur les savoirs diffusés par la délégation et les outils de diagnostics téléchargeables sur son site. Le concours a donc fait progresser les connaissances sur le terrain. Des coups de coeur académiques ont aussi mobilisé des équipes rectorales.


Cela clôt un bilan très positif de l'action de la délégation qui en peu de temps a réussi une véritable révolution culturelle sur la violence scolaire. Mais il reste une part d'ombre, celle de la violence institutionnelle d'un système éducatif de plus en plus injuste socialement et qui amène à l'échec une part non négligeable des élèves sur des critères sociaux et ethniques. L'Ecole semble encore mal préparée à anticiper et agir sur ce terrain et sur les contestations radicales du type de la Journée du refus de l'école.


François Jarraud


Les guides sur le site de la délégation

http://www.cndp.fr/climatscolaire



Sur le site du Café


Par fjarraud , le lundi 14 avril 2014.

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