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Primaire : Les directeurs d'école n'en peuvent plus 

Par François Jarraud


"On est en train de passer du malaise à la souffrance au travail". Dossier oublié de la concertation, l'évolution du statut des directeurs d'école est interrogée à travers une large enquête menée par le Se-Unsa dont les éléments ont été dévoilés le 18 octobre. D'après elle, les directeurs d'école souffrent cruellement d'un manque de moyens et de reconnaissance et le métier est devenu générateur de souffrance. Le Se-Unsa envisage de poursuivre l'administration devant les Comité d'hygiène (CHSCT). Le syndicat souhaite des expérimentations pour faire évoluer un statut resté inchangé depuis Jules Ferry.

 Ludivine est directrice d'école depuis 5 ans. Elle bénéficie d'une indemnité de 128 euros et gagne royalement 1800 euros nets par mois et n'a aucune décharge. Benoit a plus d'ancienneté. Il est directeur depuis 15 ans et enseignant depuis 29 ans. Il dirige une école de 13 classes avec 13 enseignants et 8 personnels communaux. Il gagne environ 2500 euros nets et fait classe 3 jours par semaine. Aucune de ces deux directeurs n'a d'adjoint administratif. Alors que la majorité des directeurs disposaient de cette aide administrative au début du quinquennat Sarkozy, ces emplois aidés ont été redéployés pour l'accompagnement des élèves et les directeurs se sont retrouvés tout seuls pour gérer des écoles qui ont parfois la taille d'un collège. Un directeur dur huit seulement bénéficie d'une décharge complète. Elle est de droit quand l'école a plus de 13 classes. Les autres n'ont rien (moins de 4 classes) ou une décharge partielle (de 4 à 13 classes). Il faut donc à la fois faire cours et faire face à tout ce qui peut arriver dans l'école.

Une vraie souffrance au travail

Justement les directeurs n'y arrivent plus. L'enquête menée par le Se-Unsa auprès de 8300 directeurs (sur 45 000) révèle les difficultés à vivre et travailler des directeurs. "On est en train de passer du malaise à la souffrance au travail", nous dit Christian Chevalier, secrétaire général du Se-Unsa. "On a passé le cap du malaise", confirme Dominique Toby, secrétaire nationale.

Pourtant les directeurs aiment leur travail. 98% le jugent intéressant87% aiment animer une équipe ou diversifier leur activité professionnelle, 81% apprécient le suivi des élèves. Mais 73% estiment trop lourd d'avoir à la fois à faire clase et à exercer la fonction de directeur, 60% se plaignent du courrier à traiter,  67% du projet d'école. Enfin 59% se plaignent du harcèlement par des enquêtes administratives. "On nous envoie des enquêtes à traiter tout de suite dont la finalité n'apparait pas ou qui nous heurtent. Par exemple on va nous demander combien de PPRE on a mis en oeuvre avec Rased, alors que justement il n'y a plus de Rased et qu'on les regrette"', explique Ludivine. "On va ensuite nous reprocher de ne pas avoir mis en place ce qu'on aurait aimé faire !"  Chaque semaine l'administration lance une enquête sur la semaine du goût, ou de la sécurité routière... "On me demande si on a effectué une action en matière de sécurité routière avec le nombre d'élèves et de diplômes distribués. Il faut répondre tout de suite. Mais je suis en classe incapable d'en discuter avec les collègues", explique Benoit.

Le syndicat envisage de saisir les nouveaux CHSCT. "Si on met en évidence des indicateurs reconnus on pourra obtenir des évolutions de l'administration", estime D Thoby.

Statut : "Le tabou est levé"

Personnel de direction ou enseignant parmi ses pairs ? D'après l'enquête, la question de leur statut est aussi posée ouvertement. 52% des directeurs disent souhaiter un pouvoir hiérarchique. Pour le Se-Unsa les directeurs veulent pouvoir être entendus des partenaires de l'école comme des collègues. "Ils veulent qu'on assoie la fonction". Plus qu'un statut de personnel de direction, les directeurs veulent rester des enseignants parmi leurs pairs mais avec un statut lié à l'emploi et une autorité par rapport au projet de l'école. Une position différente de celle du GDID, une association regroupant des directeurs, qui milite pour un corps de directeurs d'école.

70% des directeurs veulent une évolution de la structure administrative de l'école. Le Se-Unsa souhaite des expérimentations pour trois formules :  l'établissement du premier degré (epep), le regroupement (RPI) d'écoles avec un seul directeur ou encore d'autres formes de regroupement.

Enfin, les directeurs veulent une revalorisation financière pour 90% d'entre eux. 89% veulent une décharge plus importante. 74% souhaitent un guide précis de leurs attributions. 58% attendent un secrétariat permanent.

Consulté sur ce dossier, Vincent Peillon estime que c'est un vrai problème mais préfère ouvrir le dossier plus tard. Pour le Se-Unsa, sans motivation des directeurs d'école la refondation pourrait bien tomber à l'eau.

François Jarraud

L'enquête du Se-Unsa
Le statut pour le GDID


Les projets d'école allégés eux aussi
Selon le Snuipp, les écoles n'auront pas l'obligation de réécrire leur projet d'école cette année. Dans le tiers des départements astreints à la réécriture de leur projet, un simple avenant suffira. Pragmatique, le ministre lève ainsi une obligation qui était devenue souvent pure formalité administrative détachée des objectifs  réels des écoles.
Communiqué Snuipp


Pour le Snuipp, il faut une "certification directeur"

L'enquête réalisée par le Snuipp en 2010 auprès des directeurs mettait déjà en avant les difficultés du métier. Pour Sébastien Sihr, secrétaire général du Snuipp, il faut maintenir les directeurs sous leur statut actuel tout en reconnaissant leur fonction...

L'enquête de 2010

"Je veux être déchargé et protégé juridiquement tout en restant un collègue comme les autres". Selon un sondage réalisé par le Snuipp en juin 2010 auprès de 10 000 enseignants, 72,5% des enseignants, 69% des directeurs ne veulent pas d'établissement de l'enseignement primaire (EPEP),  des structures imaginées par le gouvernement Fillion. Très majoritairement les enseignants veulent un directeur qui soit aussi un enseignant, sans pouvoir hiérarchique. Les Epep ne sont acceptés que dans les seules écoles comptant 10 classes et plus. "Pour moi la question centrale, ce n'est pas le statut mais le fonctionnement de l'école", explique un sondé. Le modèle de direction que veulent les instits c'est pour 73% un fonctionnement d'équipe plus collectif. Ils revendiquent plus d'autonomie pédagogique.

Quel statut ?

Interrogé par le Café pédagogique, Sébastien Sihr partage de nombreux points avec le Se-Unsa. Pour lui aussi il y a "maltraitance" des directeurs d'école. Les directeurs manquent de reconnaissance et de formation aux aspects particuliers du métier (animer l'équipe, échanger avce les partenaires). Ils manquent aussi de temps.

"On se méfie de l'idée de regroupement d'école", nous dit S Sihr. "L'école doit rester à taille humaine". Pour lui, les maires sont très attachés à leur école qui est un élément important du projet communal. Pas question donc d'aller dans le sens des Epep ou des regroupements. "On est contre l'idée d'un supérieur hiérarchique. Mais comme il est nécessaire de reconnaître la fonction, le Snuipp propose une "certification directeur". Obtenue comme la certification formateur, elle permettrait que la fonction soit reconnue.

François Jarraud

Le sondage Snuipp

Sur le site du Café

Par fjarraud , le jeudi 25 octobre 2012.

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