Editorial : Un avenir plein de frustrations 

Par François Jarraud


Où est passé l'optimisme qui avait porté une majorité du Conseil Supérieur de l'Education à soutenir cette réforme ? Six mois après son lancement, on observe ni rejet massif, ni difficultés majeures. Juste la certitude que les frustrations sont à venir.

 

C'est en ce moment que les conseils de classe de seconde confrontent les premiers voeux des familles aux exigences des passages en première. Ils doivent le faire alors que des modes d'évaluation nouveaux, en langues, dans les enseignements d'exploration, coexistent avec les traditionnels. La petite minorité de lycées qui ont réussi à mettre en place une évaluation par compétences  doivent s'y retrouver. Ailleurs les familles et les élèves doivent s'arranger avec des notes qui ont des significations en fait différentes. Traditionnellement  65% des élèves demandent un passage en première générale, seulement 57% l'obtiennent et 18% redoublent (moyenne nationale). Cette année, le thermomètre étant illisible, on peut s'attendre à une poussée des demandes en première générale. Or il n'y aura pas plus de places dans ces classes et même plutôt moins. Il y a de fortes chances qu'après une seconde où souvent le climat scolaire a pâti d'emplois du temps interminables, l'année se termine dans la frustration et l'incompréhension pour une partie plus importante des famille et des jeunes. L'objectif d'améliorer l'orientation grâce aux enseignements d'exploration est-il encore à la portée de la réforme ?

 

Une autre frustration est en train de rattraper les profs. Ils ont mis en place les nouveaux programmes, inventé sur le terrain les enseignements d'exploration et l'accompagnement personnalisé. En récompense, voilà que les académies viennent reprendre une partie des moyens. Rappelons que la réforme s'est faite à moyens constants, une partie de ceux-ci n'étant pas fléchés sous prétexte d'encourager l'autonomie des établissements. La saisie de ces moyens, variable d'une académie à une autre, va décrédibiliser le projet pédagogique qui sous-tend la réforme. Ce qui risque d'en rester c'est qu'elle n'a été qu'un leurre pour diminuer les horaires d'enseignements et rendre le métier plus aliéné et plus difficile. L'Inspection générale a raison de souligner dans son rapport que la réforme risque de s'y fracasser.

 

Question de temps. C'est un classique de dire que le temps d'un ministre de l'éducation n'a rien à voir avec le temps long des réformes. Pour autant ces difficultés auraient pu être anticipées. La rue de Grenelle ne manque pas de cadres parfaitement capables de les prévoir. Mais on ne l'a pas fait. On donne ainsi l'impression que le temps du ministère est désynchronisé de celui de la classe. Ni les élèves, ni les professeurs n'ont mérité de faire "le crash test des réformes ministérielles", comme le dit l'un d'eux dans le rapport de l'Inspection. Au moment où j'écris ces lignes, les enseignants ne connaissent toujours pas l'ampleur des pertes d'heures l'année prochaine. Ils ne savent pas plus à quel bac ils préparent leurs élèves de seconde (rappelons qu'une partie des épreuves a lieu en première). Qui jugera utile d'ajuster les montres ? A quoi sert de lancer une réforme pour l'annuler administrativement au bout de 6 mois ?



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Par fjarraud , le dimanche 20 mars 2011.

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