Le SNES demande un moratoire sur la mise en place du livret de compétences 

Par François Jarraud


Le livret personnel de compétences (LPC) devient cette année une pierre angulaire de l'évaluation de fin de 3ème. En remettant en question un livret dont l'évaluation prête aux critiques, le Snes manifeste aussi  son refus du socle commun.


"Dans les collèges où les personnels discutent actuellement du LPC, les interrogations restent entières sur la pertinence de bon nombre d’items et les modalités d’évaluation de la plupart", écrit le Snes dans une lettre ouverte au ministre. Le syndicat souligne que " les piliers (ou « compétences ») du socle continuent d’être déclinés en domaines qui comprennent des items tellement disparates et de conception tellement variés que personne ne sait définir « objectivement » à partir de quel seuil un l’élève est censé maîtriser chacun des piliers. Un certain nombre d’items renvoient à des connaissances qui ne figurent pas dans les programmes et ne s’enseignent pas en tant que telles, ou à des « compétences » générales que personne ne sait évaluer précisément. D’autres encore (notamment dans les piliers 6 et 7) renvoient à un jugement subjectif de la personne même de l’élève (comme par exemple « avoir une bonne maîtrise de son corps » ou « avoir un comportement responsable ») et non à une évaluation de son travail scolaire". Suit une série de remarques sur les conséquences matérielles de cette évaluation. " Les personnels ont bien compris que cette approche multiplie - notamment pour valider les items au carrefour de plusieurs disciplines - les réunions incessantes des équipes pédagogiques sans qu’elles ne bénéficient pour autant d’un temps de concertation dans leur service, et que tout serait fait in fine pour que la maîtrise du socle soit validée pour un maximum d’élèves, quel que soit leur niveau réel".


Cette " mascarade d’évaluation" amène le Snes à rejeter la logique du socle commun, " vision réductrice des savoirs qui marginalise plusieurs disciplines et écrase des pans entiers de la culture scolaire". Le syndicat affirme que  "les expériences déjà menées dans d’autres pays (Suisse, Belgique, Québec…) n’ont pas permis de conclure qu’une approche exclusive par compétences apportait des réponses pertinentes à la difficulté scolaire ni ne permettait pas aux parents de suivre mieux la scolarité de leurs enfants, bien au contraire". Pour le Snes, les enseignants " n’adhèrent pas à cette approche qui pose de redoutables problèmes pédagogiques et éducatifs, didactiques et d’évaluation qui n’ont jamais été valablement réfléchis ni débattus avec la profession". Il demande "un moratoire sur la mise en place généralisée du LPC en attendant les conclusions d'un débat approfondi au sein de la communauté éducative sur cette forme d'évaluation".


Le Café avait rendu compte de la stupéfiante mise en place du LPC dans une institution qui applique la loi de 2005 visiblement à reculons. Publié en avril 2010, le rapport du député Grosperrin sur le collège soulignait des difficultés déjà visibles. "Le nouveau « DNB » organise la « cohabitation » – plus qu’improbable – de deux formes d’évaluation a priori opposées et inconciliables : d’une part, l’évaluation traditionnelle, chiffrée, par le biais du contrôle continu et des épreuves du brevet, des savoirs disciplinaires et d’autre part, l’évaluation binaire, propre au socle commun, qui indique si chacune des sept compétences est validée ou non. Ce choix est à l’évidence absurde", écrivait-il, estimant que "le compromis précité remet en cause la valeur de cette attestation, voulue par le législateur". Il relevait " l'incompréhension des enseignants" qui "ne se sont pas appropriés le socle". Pour de nombreux enseignants", continue J Grosperrin, " l’attestation de la maîtrise du socle commun conduirait à altérer le travail d’évaluation, ainsi que la relation élève-professeur. Pour reprendre une expression très imagée entendue au Collège Françoise Dolto de Paris, le cochage des cases de validation des sous-compétences transformerait les équipes enseignantes en « poinçonneurs des Lilas ». Ce document a été même qualifié dans cet établissement « d’attestation Mc Gyver », ce qui en dit long sur son image dans la communauté enseignante". Le rapport demandait déjà du temps. " On ne peut réussir une mutation aussi importante que celle que représente la mise en place d’une évaluation par les compétences sans s’en donner le temps..."


A la mi-juin 2010, le brevet avait fait l'objet  d'une passe d'armes entre le Se-Unsa, favorable à son évolution, le Snes, très critique sur l'évaluation par compétences, qui y voyait "une dénaturation du collège", et le Sgen, méfiant devant la complexité de l'examen. Finalement le ministère a finalement choisi de conserver le « bon vieux » DNB en lui adjoignant l’attestation du socle et l’évaluation de l’histoire des arts". L'empilement ainsi réalisé pose effectivement problème, comme le reconnaissait Claire Krepper du Se-Unsa.  "Ce qui est particulièrement grave aujourd’hui, c’est que quatre ans après le vote de la loi d’orientation, à travers ce projet, le ministère refuse toujours de dire quelle logique doit primer à terme et maintient les enseignants dans une position schizophrène intenable". Les arguments du Snes devraient trouver un large écho dans les collèges.

Lettre ouverte

http://www.snes.edu/Livret-de-competences-lettre[...]

LPC : Un début ou une fin ?

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/laclasse/P[...]

Nouveau brevet : quelle place pour le socle commun ?

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme[...]

Sur le rapport Grosperrin
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/[...]



Sur le site du Café
Par fjarraud , le lundi 24 janvier 2011.

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