Seconde Carrière 

Par Rémi Boyer de l’association Aide aux Profs


Ce mois-ci nous attirons votre attention sur :


-       Les effets du stress au travail, à travers le combat mené par Bernard Salengro, Secrétaire National CFE CGC. Les Bandes Dessinées que diffuse la CFE CGC sur ce point peuvent rendre de nombreux services à ceux qui se sentent concernés,


-       La baisse de la sélectivité au CAPES de Mathématiques : ce phénomène progressif depuis 1997 annonce-t-il une pénurie d’enseignants qui s’étendrait ensuite aux autres disciplines ?


-       De nombreux postes en détachement sont parus depuis le 7 décembre sur www.biep.gouv.fr  Pour ceux en quête d’une seconde carrière, pensez à postuler très vite !


-       Le socle de compétences, qui a fait l’objet d’un colloque : la diffusion de ce nouvel outil d’évaluation peut constituer un moyen, pour les enseignants, de mieux connaître les compétences qu’ils développent dans leur métier.


Ce mois-ci, nous avons recueilli le témoignage d’un professeur de Français, Pierre Mathues, devenu Conseiller Pédagogique et acteur, dont le travail sur scène permet de combattre le stress en classe !


Les cadres, mais aussi les enseignants, sont souvent confrontés à des situations de stress : le travail conduit par Bernard Salengro (CFE-CGC) peut les aider


Le stress est un ennemi du bien-être qui s’insinue progressivement dans le quotidien sans que l’on y fasse suffisamment attention. Un jour, alors que les acteurs du quotidien professionnel se sont habitués à des situations de dégradation lancinantes des conditions de travail, le pire se produit, mais n’étonne plus personne, même si chacun se renvoie les responsabilités, ne s’estimant pas en cause. France Télécom défraie régulièrement la chronique à ce sujet, mais dans l’Education Nationale, bon nombre de situations de stress perdurent malgré l’existence de « Directions des Ressources Humaines ».


Dans la vie professionnelle des cadres, mais aussi des enseignants confrontés à des publics difficiles, le stress peine à être reconnu comme une maladie professionnelle. Aussi, le travail de Bernard Salengro, Secrétaire National de la CFE-CGC chargé de la santé au travail, et qui a créé l’Observatoire du Stress en 2000 et a publié plusieurs ouvrages sur cette thématique, est-il capital, pour mieux comprendre les mécanismes qui finissent par atteindre les individus au plus profond d’eux-mêmes, sans qu’à aucun moment leur proche entourage professionnel se soit douté de quelque chose. Prochainement, vous pourrez consulter sur www.aideauxprofs.org une interview de Bernard Salengro, que nous avons rencontré à Educatec Educatice sur le stand d’Avenir Ecoles CFE CGC le 25 novembre 2010 :

http://www.aideauxprofs.org/index.asp?affiche=Ne[...]


Sommes-nous assez civilisés pour supporter de pareilles situations ? Bernard Salengro a supervisé la conception d’une série de Bandes Dessinées sur cette problématique, qui aideront toutes les personnes à savoir comment réagir face au stress, et notamment, face :

-      « A la surcharge de travail, du fait d’une diminution d’effectifs par exemple,

-      A l’isolement sur le lieu de travail pour ceux qui ont des difficultés à trouver leur place,

-      Aux changements structurels profonds qui soulèvent des incertitudes sur l’avenir, et génèrent des situations de concurrence interne (pour savoir qui va garder ou perdre son poste),

-      Aux changements fréquents d’activité, de projets, qui contribuent à la démotivation collective,

-      Aux manques de reconnaissance des efforts de chacun, à travers les évaluations individuelles, qu’il s’agisse des entretiens professionnels avec des objectifs inatteignables ou d’inspections laminantes,

-      Aux comportements inadmissibles de dirigeants ou de personnes qui pratiquent des formes de discrimination physique, de harcèlement moral sous toutes ses formes (dessaisissement de dossiers, « mise sous tutelle », culpabilisation pour des broutilles, attitude de dépréciation en réunion devant d’autres collègues, etc.) , de rudoiement psychique avec rabaissement systématique de la personne, de violence dans les échanges professionnels. »


Pour Bernard Salengro, les indicateurs du stress sont :


-       « Le présentéisme : une présence anormalement prolongée au travail est une alerte, car elle peut s’accompagner d’une baisse de la motivation, provoquant un absentéisme virtuel,


-       Le surtravail : lorsque les capacités personnelles ne suffisent pas à assumer la charge de travail, certaines personnes se surinvestissent, attribuant aux problèmes professionnels des préoccupations démesurées. Du coup, la personne est encore plus en situation de vulnérabilité psychique.


-       Les appels à l’aide : ils ne sont jamais à prendre à la légère !


-       La violence dans les comportements : elle peut être physique, certes, mais elle est le plus souvent psychique, et s’exprime par la disparition des civilités entre collègues,


-       Le dysfonctionnement du groupe : il peut engendrer une tension, une difficulté, et devenir un facteur de stress,


-       L’organisation et les processus de travail : ils peuvent générer du stress, et provoquer de ce fait une mauvaise productivité. A ce stade, cela signifie que c’est l’ensemble du système qui fonctionne mal. »


Quel est le remède à tout cela ? Une volonté collective d’y réfléchir et de rechercher des solutions, tout simplement.


Lorsque nous avons lu la série des 3 BD diffusées sur le site de la CFE CGC, nous avons immédiatement pensé à toutes ces situations très actuelles :


-       Cadres d’entreprises publiques ou privées que leur direction soumet à une charge de travail de plus en plus grande, avec des outils qui ne leur laissent jamais de répit : ordinateur portable, blackberry ou Iphone de fonction…


-       Salariés affectés (contractuels, MAD, détachés…) par les restructurations dans les ministères et les Etablissements Publics Administratifs qui font l’actualité éducative depuis plusieurs mois : INRP, CNED, CRDP, ONISEP…


-       Enseignants du collectif « mutez-nous » contraints à un éloignement de leur famille inacceptable,


-       Enseignants en RASED, en MAD, en PACD, en PALD, dont les postes sont supprimés peu à peu par une administration qui ne cherche qu’à faire des économies de postes,


-       Enseignants en TZR, TRS, Brigade, qu’ils soient dans le 1er ou le 2nd degré, affectés par leur IA ou leur Rectorat dans un ou plusieurs établissements sans se soucier des problèmes que peut générer une telle affectation,


-       Enseignants malmenés par une administration qui manque d’humanisme quant à leurs problèmes personnels de santé psychique ou physique,


-       Enseignants qui subissent encore des inspections de nature punitive, alors que l’inspecteur devrait devenir un accompagnateur de leurs difficultés, à une époque où la formation initiale des jeunes enseignants fait cruellement défaut !


Pour tous ceux qui se sentent concernés, il est nécessaire :


-       D’en parler autour de soi, pour y sensibiliser ses collègues de travail et réagir collectivement,

-       De ne surtout pas minimiser les faits dont on se sent victime, car les choses ne peuvent dans ce cas qu’empirer : même s’il s’agit souvent d’un problème collectif, il touche les individus un par un,

-       De proposer de passer d’une « gestion des ressources humaines » à une « gestion humaine des ressources »,

-       D’alerter la médecine du travail et les comités spécialisés (Comité Hygiène Sécurité et des Conditions de Travail),

-       De solliciter l’aide du syndicat auquel on est affilié, le cas échéant,

-       De saisir la justice, si aucune solution n’a pu être trouvée.


Pour approfondir :


-       Livrets sur le stress de la CFE CGC :


Chapitre 1 : Frédéric :

 http://www.cfecgc.org/e_upload/pdf/BDStress1sept08.pdf

Chapitre 2 : Paul :

 http://www.cfecgc.org/tchgcgc/BD2StressOct08.pdf  

Chapitre 3 : Réagir :

 http://www.cfecgc.org/e_upload/pdf/stressbd3.pdf


-       Etude de l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) appelée « les indicateurs » :

http://www.inrs.fr/inrs-pub/inrs01.nsf/Intranet[...]


-       Les risques psychosociaux au travail :

http://www.inrs.fr/inrs-pub/inrs01.nsf/Intranet[...]


-       Combattre le harcèlement moral :

http://www.inrs.fr/dossiers/harcelement.html  et

 http://fr.wikipedia.org/wiki/Harc%C3%A8lement


Bernard Salengro a publié « Le stress des cadres » en 2005 et « Le management par la manipulation mentale » (2006) aux éditions de l’Harmattan afin de dénoncer les diverses formes de pressions psychologiques qui s’exercent sur les salariés.



S’achemine-t-on vers une pénurie d’enseignants en mathématiques ?


Dans l’expresso du 14 décembre 2010, Didier Missenard nous interpelle sur :


-       La baisse progressive depuis plus de dix ans des candidats au concours du CAPES de Mathématiques : en 2010-2012, il évoque le spectre prévisible de la pénurie,


-       L’accroissement du pourcentage de reçus au concours : le risque d’une moindre sélectivité, donc une diminution de la qualité de la professionnalisation des futurs recrutés, est sous-jacente de cette évolution.


Aide aux Profs s’interroge sur les effets déjà perceptibles de la masterisation, et sur ceux qui pourraient se produire dans les années à venir :


-       Une élévation du niveau de diplôme pour devenir enseignant peut diminuer le  nombre de candidats, du fait d’une moindre attractivité d’un métier devenu trop exigeant (2 ans d’études en plus pour les certifiés, 1 année pour les agrégés), en regard de l’évolution prévisible de sa rémunération,


-       Une diminution de la formation les premières années peut générer un turn-over plus important, avec des démissions précoces qui se multiplient (les chiffres sont difficiles à connaître),


-       La « revalorisation » financière des néo-recrutés frustre les professeurs plus anciens qui n’en bénéficient pas, tandis que cela introduit un lissage de la rémunération, qui ne sera plus appelée à doubler en 41.5 années de carrière, sauf si le MEN décidait de la création d’un 12e échelon ou l’accès à la hors classe pour tous,



-       Le recours de plus en plus grand des IA et des Rectorats aux antennes du Pôle Emploi afin de recruter temporairement, en fonction des absences, des vacataires, qu’ils soient des candidats malchanceux aux concours ou des retraités qui auraient un besoin urgent de compenser une pension de retraite bien en-deçà de leurs espérances.


Pour Aide aux Profs, toutes les décisions de ces deux dernières années, avec les effets de la Loi sur les parcours de mobilités interministériels, contribuent à insécuriser ce métier devenu synonyme de précarité, de pénibilité, alors même que le MEN promettait une « rénovation de la Gestion des Ressources Humaines ». Il semble que la définition de cette expression ne soit pas la même dans tous les esprits.


Sur le Café, le dossier complet :

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/[...]



De nombreux postes en détachement sont parus depuis le 7 décembre : pensez à postuler très vite !


Chaque semaine, Aide aux Profs réalise une veille documentaire sur un panel de 50 sites clés pour optimiser les recherches de nos adhérents. Il vous reste à concevoir très rapidement (vous avez moins de 8 jours pour la majorité des postes cités ci-dessous) votre CV et votre lettre de motivation en vue de la prochaine étape du recrutement: celle de l'entretien.

Aide aux Profs prépare habituellement chacun des adhérents dont nous choisissons d'accompagner le projet dans toutes les étapes d'un recrutement:


- aide à la conception du CV,
- aide à la conception des lettres de motivation,
- préparation à l'entretien de recrutement,
- analyse post-entretien de recrutement,
- aide à l'intégration sur le nouvel emploi.

Ainsi, avec un soutien logistique à distance par les bénévoles expérimentés d'Aide aux Profs, nos adhérents ont-ils de meilleures chances de réussir leurs projets de reconversion.

De la page 4 à la page 15 de la Bourse Interministérielle de l'Emploi Public ont été publiés, entre le 7 décembre et le 15 décembre, de nombreux profils d'emplois fort intéressants pour des enseignants ayant réalisé en parallèle des projets en équipe et maîtrisant d'autres savoirs que ceux de leur propre discipline (TICE notamment).

- Ainsi, le CNDP recrute pour son centre situé à Poitiers sur le site du Futuroscope des chargés de mission en histoire-géographie, en mathématiques, en lettres, en Arts et TICE, en Sciences de la Nature et de la Vie.

- Le CRDP de Montpellier recrute son directeur.

- L'IGN de Saint-Mandé (Paris)
recrute des compétences dans les domaines de l'édition et du conseil en Ressources Humaines.

- Le GIP de Bourgogne situé en Côte d'Or recrute un chargé de développement durable et un chargé de communication, un chargé de mission sur la biodiversité.

- Le Secrétariat à la jeunesse, aux sports et à la vie associative recrute un adjoint au chef de mission sport durable, tandis que le Ministère de la Santé et des Sports propose plusieurs emplois de chef de projet.

- Le Ministère de la Culture et de la communication propose un poste exceptionnel : Administrateur (rice) du monastère de Saorge, du Trophée des Alpes à La Turbie et du cloître de cathédrale de Fréjus (situé en page 2 au 13.12.2010)


Pour tous ceux intéressés par une activité professionnelle différente de celle du face-à-face pédagogique, c’est le moment de commencer à prospecter… sans vous limiter à la BIEP qui ne publie pas encore tous les postes que nous repérons ça et là : www.biep.gouv.fr 



En pratiquant le socle de compétences pour leurs élèves, les enseignants pourront mieux comprendre les leurs !


Le socle de compétences nous interpelle : il constitue l’excellente occasion, pour des enseignants qui n’ont pas travaillé dans l’ingénierie de formation, mais qui oeuvrent néanmoins dans la pédagogie jusqu’au cou, de s’approprier le langage, et la connaissance, des savoirs, savoir-faire et savoir-être, toutes ces compétences que développent leurs élèves, mais qu’ils possèdent eux aussi.


Aide aux Profs estime que le socle des compétences est l’occasion pour les enseignants de se motiver pour comprendre en auto-formation leurs compétences transférables : les nommer, leur donner une autre dimension dans leur CV en fonction des projets pédagogiques réalisés, nous semble une approche intéressante.


Ainsi, alors que bon nombre d’académies ne financent pas de bilans de compétences, estimés trop coûteux, et que les conseillers mobilités carrières ne sont pas en nombre suffisamment important pour traiter toutes les demandes de renseignements avec une grande réactivité, le socle de compétences peut devenir une démarche constructive pour tout le système éducatif, en supposant que le DIF puisse être utilisé par les enseignants pour réaliser en parallèle les formations professionnalisantes et certifiantes de leur choix.


Les 3 et 4 décembre 2010, le socle de compétences a fait l’objet d’un colloque organisé par l’IREA du Sgen-Cfdt, et dont le Café Pédagogique a publié les principaux moments :

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2010[...]



Une rencontre avec Pierre Mathues : de la salle de classe à la salle de spectacle, pour aider les enseignants à combattre leurs stress !


Pierre Mathues est prof de français depuis 1980.  Aujourd’hui, il est conseiller pédagogique, coach d’équipes de direction et aussi  … comédien.   Avec son spectacle « Silence dans les rangs ! » il passe l’école à la moulinette du rire.  Rencontre d’un prof passé de la salle de classe à la salle de spectacle.


« Je suis  devenu professeur de français en 1980.  C’était dans un lycée de jeunes filles,  une section coiffure.  J’étais très jeune et mes élèves aussi.   Déjà à l’époque, ce n’était pas facile d’être un jeune prof. J’ai travaillé ensuite près de 20 ans en collège et lycée en passant de sections bureau, couture à des sections plomberie, construction ou électricité... J’enseignais entre 20h et 22h par semaine, dans des classes de 15 à 25 élèves. Durant ma carrière, j’ai mené des projets pédagogiques axés sur le théâtre  et les marionnettes dont je suis passionné depuis l’adolescence et aussi beaucoup de projets écriture avec pas mal de publication de journaux scolaires.  J’ai aussi accompagné des voyages scolaires et même organisé un défilé de mode en collaboration avec des collègues de couture.  Tous ces projets étaient des soupapes pour tenir le coup et surtout des façons extraordinaires de motiver les élèves.


En 1998, j’ai eu la chance d’être sollicité pour un détachement de l’enseignement comme conseiller pédagogique. J’ai donc quitté le face-à-face pédagogique. Je travaille en Belgique pour l’enseignement catholique. Mon rôle est d’accompagner les professeurs débutants pour leur mettre le pied à l’étrier dans le métier.  Je suis devenu aussi « coach » de directeurs, « pilote » pour que les écoles soient mieux autogérées afin que le directeur ne soit plus seul dans son bureau, mais qu’il y ait une direction collégiale, pour que les décisions soient mieux acceptées, que les professeurs soient associés aux décisions de leur direction ».


(Lorsqu’Aide aux Profs a rencontré Josette Théophile le 20 avril 2010, c’est l’une des idées que nous lui avons soumises, sans savoir que cela se pratiquait déjà en Belgique. Créer une direction collégiale présente en effet l’avantage, lors de l’arrivée d’un nouveau chef d’établissement, de disposer d’un noyau de personnes soudées, constructives, plutôt que de rencontrer comme c’est parfois le cas une « volée de boucliers » face à un nouveau changement de management).


« Je continue à travailler de temps en temps avec des groupes d’élèves.  L’an dernier, par exemple, j’ai supervisé un projet Jacques Brel ironiquement rebaptisé « Bracques Jel » avec des élèves de 18-20 ans d’une section infographie.

C’est une vie un peu compliquée et bien remplie … Conseiller pédagogique, coach, encore un peu prof, mais aussi comédien quasi à mi-temps. Je jongle avec des congés sans solde pour mener cette vie que j’aime. »


Depuis quand vous passionnez-vous pour la comédie ?


« Depuis l’adolescence, dans des mouvements de jeunesse. Depuis 30 ans, j’ai mené des projets théâtraux de toutes sortes.  Un exemple ?  « Insolent.be » une troupe de café-théâtre à l’humour décalé basé sur l’actualité. Je n’ai pas de formation théâtrale mais je me suis professionnalisé au fil des ans au contact de metteurs en scène, de régisseurs…  J’ai tout appris sur le tas, en pratiquant.  J’ai participé deux fois au festival d’Avignon avec  « Les Speculoos ». Avec mes élèves, en parallèle, je faisais aussi du théâtre, et je produisais 40 à 80 spectacles par an avec un statut d’amateur, juste par plaisir.

Un jour, j’ai eu un déclic pour un ouvrage de Boris Seguin et Frédéric Teillard : « Petit manuel de savoir-vivre à l’usage des enseignants ». C’est un texte noir, assez désespéré sur ce métier. Mais je l’ai trouvé très drôle.  Alors je l’ai décliné en sketches, j’ai eu envie de regrouper des textes, et j’ai écrit moi aussi beaucoup de sketches sur l’école,  une chanson, un « Haka » à la manière de l’équipe des All Blacks. Le Haka de mon spectacle, c’est « Va chercher ta classe !  Il va falloir faire face ! ». Cette vidéo réalisée récemment à Rouen au lycée Providence-Miséricorde vous donne un aperçu de l’énergie développée par une centaine d’enseignants, la pratique de ce Haka au quotidien pourrait se révéler stimulante avant d’aller chercher chacune de ses classes, avant le face-à-face pédagogique qui est parfois déstabilisant, notamment pour les jeunes enseignants.  Je ne pense pas que beaucoup d’écoles seraient prêtes à faire ça, c’est un peu une provocation souriante :

http://www.youtube.com/watch?v=0uW_LASFk98


Quand j’ai découvert le livre, j’en ai pleuré de rire, et maintenant, je fais rire des salles d’enseignants, au rythme de 50 spectacles par an environ (www.silencedanslesrangs.be).  Je joue dans des théâtres mais aussi des lycées, des IUFM, en France, en Suisse, en Belgique…l’existence de ce spectacle se transmet par  un bouche à oreille assez réjouissant pour moi, je reçois de plus en plus de demandes pour le produire ici et là. En Suisse, à l’université de Lausanne, j’ai joué devant 350 instituteurs, et à Vevey devant 250 professeurs ».


Quelles ont été vos motivations pour enseigner ?


« Je voulais être professeur d’histoire et de français. Je suis fils d’enseignants et j’ai vu mes parents instituteurs heureux dans cette profession. Durant ma scolarité, j’ai eu de très bons enseignants qui ont su me transmettre leur passion pour leur discipline. Alors aujourd’hui j’aime écrire des textes, faire de l’improvisation. Je dis sur scène des choses que je  n’oserais jamais aborder comme conseiller pédagogique et ça fait rire ! C’est un défouloir, c’est une thérapie et en même temps, tout mon spectacle est rempli de bienveillance et d’empathie. »


Et quelle a été votre motivation pour quitter la classe ?


« Je n’ai pas cherché à quitter ce métier, même s’il est devenu très fatigant. Mon tempérament me fait souvent dire « oui » à la vie, aux choses qui arrivent. Quand la chance passe, il faut la saisir.  Quand le train passe, il vaut mieux être sur le quai que dans la salle d’attente, non ? Il y a 12 ans, mon directeur est venu me proposer, alors que je préparais ma rentrée en repeignant les coulisses de mon petit théâtre à l’école, un poste de conseiller pédagogique pour le 1er degré professionnel, pour des élèves à partir de 12 ans. C’est une structure pour ceux qui ont raté le primaire, qui arrivent au collège sans diplôme, sans le Certificat des Etudes de Base que l’on obtient en Belgique. Il fallait que je prenne ma décision dans la journée, et j’ai quitté mon poste d’enseignant le 28 août. »



Quelles compétences avez-vous développées comme enseignant ?


« Pour les savoirs, ceux des différentes matières que j’ai enseignées, notamment les Lettres. J’ai un diplôme d’agrégé de l’enseignement secondaire. J’ai aussi enseigné l’histoire, l’économie sociale et familiale, le théâtre. J’ai peu à peu inventé mon métier, car je suis curieux, et j’aime, lire, apprendre, me former, chercher…

Au niveau des savoir faire, je sais animer des « hordes » d’adolescents 7h à 8h par jour, rédiger des rapports de réunions, préparer un ordre du jour, mener des conseils de direction. J’ai participé à des Comités de Sécurité et d’Hygiène, je sais anticiper, réaliser des médiations dans des groupes, lorsqu’il y a des conflits.

En termes de savoir être, je sais mener des projets... »


Avez-vous rencontré des difficultés en tant qu’enseignant ?


« Enormément. Quand on est jeune prof, tenir un groupe est difficile. Il faut trouver sa place, car les traditions sont étouffantes dans les différents établissements au niveau des relations entre collègues. Il y a des codes à respecter, des habitudes… Le plus difficile au début est d’obtenir le silence en classe, d’être respecté, de gérer les punitions. On commet toujours des erreurs… Par exemple, il ne faut pas donner tout de suite des punitions, il faut savoir établir une gradation des sanctions, pour qu’elles aient plus d’impact, que pour certaines, l’élève ait bien conscience qu’à un moment donné il a vraiment franchi une limite.


Cette période difficile a duré 2 à 3 ans. Etre enseignant, c’est savoir préparer des documents attrayants, un cours intéressant, installer un climat de travail, de confiance aussi, et obtenir le silence qui favorise la concentration de tous, facilitant les apprentissages. Actuellement, on ressent en Belgique une pénurie d’enseignants et les directeurs sont devenus plus attentifs aux difficultés que rencontrent les jeunes, alors que dans les années 1980, le credo c’était un peu « bonne chance, tu te démerdes… ».


Faites-vous une comparaison entre votre pratique de l’enseignement il y a 20 ans et maintenant ?


« Il y a des ressemblances : toujours des chahuteurs dans les classes, des freins. Mais je dispose d’un confort plus grand pour préparer, et je n’ai pas de face-à-face pédagogique pour enseigner une discipline donnée.

Les différences, c’est que mon travail est très diversifié. Je mène des réunions, je fais de la scène, c’est plus amusant. Je travaille autant qu’avant, je fais des formations aussi…mais je trouve globalement que mon travail est devenu « plus cool ». C’est devenu un rythme très différent par rapport aux enseignants soumis aux sonneries pour changer de classe… »


Que conseilleriez-vous à une personne qui souhaite faire ce métier en première ou en seconde carrière ?


« Comme dans toute profession, il faut s’accrocher au début, au moins pendant 2 à 4 ans, s’investir, trouver son style. On n’y arrive pas du jour au lendemain. C’est comme le bon vin, il faut beaucoup de temps pour en produire un. Il faut savoir s’entourer, faire équipe, dire bonjour le plus vite possible à un maximum de gens dans les couloirs, pour avoir des amis, des soutiens. Il faut montrer aux élèves que l’on a des alliés dans l’établissement, être en forme physiquement, bien dormir, être d’attaque et de bonne humeur au quotidien, mener un projet dès sa première année d’enseignement (sortie, excursion) pour voir ses élèves différemment… ou simplement manger ses tartines avec ses élèves, ce sont des détails importants. Je ne conseille surtout pas de donner aux élèves son numéro de portable ou son profil sur Facebook. Il ne faut pas être copain avec ses élèves. Les anciens, oui, mais pas ceux que l’on a devant soi en classe. 

Pour ceux qui ont envie de devenir enseignant, je leur dis « pourquoi pas ? » Même si le travail semble « cool » au niveau des horaires, il faut s’armer de courage, ce n’est pas si simple, on peut avoir parfois des classes de 25 à 38 élèves. Il faut donc savoir faire du lien avec les autres, être solidaire, avoir une discipline posée, régulière, être constant dans ses exigences


Une association qui accompagne les enseignants dans leurs projets professionnels de reconversion, vous en pensez quoi ?


« Pour quitter ce métier, il faut avoir de l’audace. En effet, que faire après ? Mais pourquoi pas ? En Belgique, on devient professeur soit en faisant un « régendat » (3 années avec beaucoup de stages) soit un « master » (5 années et paradoxalement très peu de stages).   Le drame, c’est qu’entre 1 et 5 ans de travail dans une école, un prof sur deux arrête ce métier.  Les fins de carrière ne sont pas non plus idéales.  Il faudrait inventer une sortie en souplesse avec pour ceux qui le souhaitent un coaching des plus jeunes profs par les aînés et donc moins de face-à-face pédagogique pour les aînés…  Il y a la possibilité de prendre des mi-temps avec une indemnité, de faire une pause carrière de 2, 4 ou 6 ans en conservant ses droits, mais sans être payé, pour aller faire autre chose, puis revenir.   Donc, une association qui aide les enseignants, c’est utile, car beaucoup ne se sentent pas d’attaque pour mener leur projet seuls.»


Que souhaitez-vous ajouter ?


« Pour que l’Ecole décolle, il faut des idées folles ». Pour être prof aujourd’hui, il faut être un peu fou, être « allumé » par sa discipline, passionné. Les élèves le sentent très vite. Si le prof est « éteint », ça va être très dur pour lui, il vaut mieux qu’il ne soit pas prof. Il faut de l’élan dans cette profession, ne pas hésiter à se déplacer dans les rangs, être actif, il faut savoir « sortir du rang », se démarquer des autres enseignants face à ses élèves. Chaque enseignant construit ses propres recettes, en fonction de sa personnalité et de ses classes, pour survivre au fil des ans dans ce métier. Pour durer, il faut aussi savoir désobéir, trouver les marges de liberté dans les programmes


Contact : Pierre MATHUES www.silencedanslesrangs.be et mathues@skynet.be



Sur le site du Café
Par rboyer , le samedi 18 décembre 2010.

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