L'école menacée par le communautarisme ?  

Par François Jarraud



Publié par le Journal du Dimanche, un rapport du Haut Conseil de l'Intégration (HCI) dénonce le développement du communautarisme dans l'école française  et estime que l'école a plus de mal à intégrer les enfants immigrés. Du coup elle demande d'étudier "d'autres modalités de paiement des aides financières" versées à ces familles et ne remet pas en cause la carte scolaire, pourtant reconnue ségrégatrice…


Le Haut Conseil à l’intégration a pour mission de "donner son avis et de faire toute proposition utile, à la demande du Premier ministre sur l’ensemble des questions relatives à l’intégration des résidents étrangers ou d’origine étrangère". Le document publié par Le journal du dimanche est un document de travail non définitif mais déjà très développé. Sa publication avant même qu'il soit remis officiellement au premier ministre, vise à forcer sa sortie. Dans quel but ?


Un "diagnostic". "L’école française a de plus en plus de mal à exercer ces missions" (d'intégration) affirme le rapport. "Les études de l’OCDE1 font valoir des résultats qui marquent le pas par rapport à ceux produits par d’autres systèmes éducatifs développés, en dépit des moyens importants que la Nation investit. L’école s'essouffle et tout particulièrement vis-à-vis des publics socialement défavorisés, notamment ceux issus de l’immigration", estime –t-il. "L’espace scolaire est fortement exposé aux tensions ethno-culturelles. L’école donne des signes de souffrance. Elle est aujourd'hui le lieu de revendications nouvelles qui ressortent de l'expression du communautarisme, d'une identité religieuse, voire, au rejet de la culture et des valeurs de la République française". Il cite l'impossibilité d'enseigner la Shoah, la laïcité et la mixité mises à mal, et maintenant la langue française, les élèves demandant à ce que le parler des banlieues ait force de loi à l'Ecole.


Les "solutions". Le rapport se prononce pour la suppression des ELCO, le renforcement de l'apprentissage du langage et de l'instruction civique chez les élèves et les parents. Le HCI demande le rétablissement de l'autorité dans l'école ("Depuis plus d’un quart de siècle, l’école ne fait plus autorité car elle a progressivement laissé la place à la négociation au risque de mettre à mal le principe d’égalité… Le HCI rappelle que l’école et ses principes ne sont pas négociables. Ses acteurs, qui doivent agir en "fonctionnaires de l’Etat de façon éthique et responsable", doivent être soutenus dans leur position vis-à-vis de l’élève et de sa famille, surtout quand il s’agit de défendre et de promouvoir les fondements de la République.") et le renforcement de la transmission. Il préconise encore la mise à l'écart des élèves les plus doués des quartiers populaires pour qu'ils puissent vraiment apprendre. Alors qu'il reconnaît que la suppression de la carte scolaire a aggravé la ghettoisation, il s'oppose à son rétablissement ("Ces quelques éléments, s’ils étaient confirmés par des études complémentaires en cours, pourraient conduire certains à conclure à l’inefficacité voire aux dangers de l’assouplissement de la carte scolaire. Le faire d’emblée serait une erreur car cela nierait les bénéfices que peuvent tirer des élèves qui en bénéficient"). Et surtout il demande que soient encadrés les versements sociaux donnés à ces familles immigrées ("Le HCI souhaite que soient étudiées d’autres modalités de versement des aides financières qui orientent plus délibérément les sommes versées vers des services ou des produits éducatifs").


Un rapport très orienté. En s'appuyant sur certains faits réels, le rapport leur donne une dimension qui ne manquera pas d'étonner le lecteur connaissant un peu l'Ecole. Il y a en effet dans ce texte une volonté de grossir les phénomènes désagréables et beaucoup d'approximations. Un exemple en est donné déjà par l'absence de cadrage du sujet d'étude. Qui sont ces enfants immigrés ? Le rapport compte 12 millions de personnes immigrées en France, soit 20% de la population française. En effet il additionne les immigrés proprement dits (c'est-à-dire ceux qui sont nés ailleurs qu'en France) aux "descendants d'immigrés" qu'il chiffre, on ne sait comment, à seulement 6 millions de personnes.  Ce flou nourrit la vision d'une France envahie par des barbares. Car le rapport présente des problèmes réels mais locaux comme des faits de société importants. Il présente ces "immigrés" comme contestant et mettant en danger les valeurs "françaises". Un exemple intéressant concerne les ELCO (enseignements de langue et culture d'origine) présentées comme une menace pour l'intégration. Or les statistiques montrent que si les familles les utilisent un peu au primaire pour transmettre un peu des cultures d'origine, l'érosion de l'école au collège est massive. Ainsi s'il y a 13 114 enfants qui suivent les ELCO algériens au primaire, ils ne sont plus que 450 au secondaire. Pour les Marocains les chiffres sont de 27 504 et 2574. Tout en reconnaissant que ces populations sont socialement défavorisées, il présente les difficultés scolaires comme culturelles et non sociales. Le HCI aurait pu s'intéresser à la ghettoïsation qui est bine réelle et proposer des solutions. Or il défend la carte scolaire, dont même le rapport de la Cour des comptes souligne les effets négatifs et propose de fragiliser davantage les familles en contrôlant l'utilisation des droits sociaux. 


Ce rapport alarmiste, approximatif, ne fait donc en rien avancer la question des difficultés sociales et d'intégration des habitants des poches de pauvreté. Il participe un peu plus de leur stigmatisation. Il propose même sans vergogne d'accélérer la détresse scolaire en mettant à l'écart les meilleurs élèves des écoles des ZEP.

Le rapport

http://www.lejdd.fr/divers/rapport-college-22102010.pdf



Sur le site du Café
Par fjarraud , le jeudi 18 novembre 2010.

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