Formation : IPR et députés critiquent la réforme de la formation des enseignants 

Par François Jarraud


 

Plus on se rapproche de sa mise en application, plus cette réforme mobilise contre elle. Après les syndicats, mouvements pédagogiques, experts, voilà que les IPR et même des élus UMP  la jugent négativement.


Dans une lettre à Luc Chatel rendue publique le 3 avril le syndicat des inspecteurs  (S.I.A.), qui syndique des inspecteurs d'académie et I.P.R., critiquent sévèrement la réforme de la formation des enseignants. " Les IA-IPR expriment de très fortes réserves quant à la pertinence de mesures qui conduiraient à une entrée périlleuse dans un métier difficile pour de jeunes collègues sans expérience". Robert Prospérini, secrétaire général du SIA, exprime clairement les réserves de son organisation. Le SIA avait écrit en janvier à Luc Chatel une lettre restée sans réelle réponse, ce qui l'amène à rendre ce courrier public. Le syndicat estime que " pour des économies à effets immédiats (avec cette réforme) nous engagerions un processus très coûteux pour l’avenir. Nous pensons donc que ce n’est pas sur la formation des enseignants que doit porter dans notre ministère la réforme destinée à optimiser les moyens de l’Etat".


Le SIA demande une retouche sensible à la première année de poste des nouveaux enseignants. " Une alternance régulière entre théorie et pratique est indispensable pour acquérir les repères professionnels fondamentaux et pour les assimiler de façon durable. Sans cette alternance, la construction d’une base solide de compétences professionnelles sera incertaine et aléatoire, nuisant à la qualité de l’enseignement et à la sérénité professionnelle des jeunes enseignants et faisant courir, à terme, le risque d’une augmentation du nombre de professeurs en difficulté en cours de carrière… Nous proposons que les professeurs stagiaires soient affectés sur un temps de service de 12/18e, le tiers restant (6/18e) étant dédié à leur formation en alternance (conformément à la circulaire n°2009-1037 du 23-12-2009). Cette modalité d’affectation est seule susceptible de garantir la continuité pédagogique due aux élèves et la qualité du service public d’éducation, d’apaiser les fortes tensions qui se manifestent de plus en plus dans les établissements scolaires et d’obtenir l’adhésion des professeurs tuteurs pressentis".


Un rapport sénatorial demande lui aussi une meilleure formation professionnelle des enseignants. Intriguée par les résultats du système éducatif finlandais, la commission de la culture; de l'éducation et de la communication du Sénat a demandé à 5 sénateurs, Mmes Mélot, Cartron et Malovry, MM Martin et Domeizel, un rapport d'information sur l'école finlandaise.


Les sénateurs français ont bien été intrigués par un système qui accorde beaucoup de liberté aux lycéens, qui évalue plus les progrès que le niveau, qui ignore les cours magistraux et la discipline formelle. Ils se sont entre autres inquiété de savoir si "le sens de l'effort" était assez encouragé…


Il faut croire que oui si on regarde les résultats : la Finlande a un système éducatif qui produit 3 fois plus de bons élèves, où l'écart entre bons et faibles est le plus resserré et où les écarts sociaux sont les plus faibles.


A travers cette étude ils ont identifiés plusieurs points qui expliquent le succès finlandais et qu'ils souhaitent voir transposer en France : "le développement de l’autonomie des établissements ; le renforcement de la formation des enseignants tout au long de leur carrière ; la nécessité de créer un système d’orientation efficace accessible à tous ; la réalisation périodique d’évaluations indépendantes des résultats au niveau des établissements et des académies".


Mais un facteur leur semble plus important : la formation des enseignants. " pour votre commission, la formation des enseignants doit mettre davantage l’accent sur le développement des compétences pédagogiques, et leur sélection doit mieux prendre en compte ces dernières. En effet, notre pays est culturellement très attaché à la formation disciplinaire de ses enseignants, trop souvent au détriment des principales qualités requises d’un professeur : le talent pédagogique, la motivation et la capacité à transmettre ses connaissances. Telle est la priorité affichée par la Finlande et votre délégation y voit l’une des raisons majeures de sa réussite éducative". Un avis qui prend évidemment à rebrousse poil la réforme de la formation des enseignants.

La lettre du SIA

http://www.syndicat-ia.fr/actualites/2010/31.mars2010_lettre_ouv[...]

Le rapport sénatorial

http://www.senat.fr/rap/r09-399/r09-3991.pdf

Un pont vers la Finlande

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2008[...]



La circulaire du 25 février publiée au B.O.

La circulaire sur le "dispositif d'accueil, d'accompagnement et de formation des enseignants stagiaires des premier et second degrés et des personnels d'éducation stagiaires" vient d'être publiée au B.O. du 1er avril. Le Café vous en avait donné la primeur dès le 2 mars. Il y a très peu de différences entre le document que nous avons publié le 2 mars et la circulaire parue au B.O. : il a simplement été ajoutée dans les objectifs de la formation "l'usage pédagogique des technologies de l'information et de la communication", "oubliée" lors du projet de texte…


Le texte rappelle que  "les lauréats des concours 2010 des premier et second degrés publics seront nommés fonctionnaires stagiaires dans l'enseignement public…  Ils auront en responsabilité une classe (premier degré) ou plusieurs classes (second degré) dans le cadre de leur année de stage". Mis devant les élèves dès la sortie d'université, les nouveaux enseignants bénéficient "d'un accompagnement et de périodes de formation organisées au cours de l'année scolaire. Le volume de formation et d'accompagnement dispensé sera équivalent à un tiers de l'obligation réglementaire de service (ORS) du corps auquel appartient le stagiaire".


Organisée dans chaque académie (second degré) ou département (premier degré) "selon les formes que vous jugerez utile», filées, groupées ou «par compagnonnage", cette "formation continuée" visera à améliorer la pratique d’enseignement" et "acquérir des connaissances dans les domaines non-maîtrisés". Cités dans la lettre, apprendre à lire ou à calculer pour les enseignants des écoles, prendre en charge les élèves handicapés, lutter contre les discriminations, gérer les conflits, pratiquer l’aide personnalisée.


"L’accompagnement" sera constitué à partir du «vivier» des "personnels expérimentés" : maîtres-formateurs et maîtres d’accueil dans les écoles, tuteurs et conseillers pédagogiques dans le second. Il fera partie du "tiers temps" de service consacré à la formation.


La circulaire entérine donc la particularité de cette réforme de la formation des enseignants : la formation professionnelle est réduite à pas grand-chose, une situation tout à fait exceptionnelle pour un pays développé.


Jean-Louis Auduc, directeur adjoint d'IUFM, l'avait commenté pour le Café début mars. " Oui, vraiment la circulaire du 25 février 2010 tourne le dos aux besoins du système éducatif et aux défis que nécessite la réussite de tous les élèves", a-t-il écrit. "Alors que des évolutions apparaissent nécessaires à tous les niveaux du système éducatif pour l’améliorer, ce n’est pas une génération d’enseignants parée pour répondre aux enjeux qui s’annonce, mais une génération d’enseignants sacrifiée dans leur formation par souci d’économies  à court terme et faute d’une véritable ambition pour une formation professionnelle de haut niveau".

La circulaire au B.O.

http://www.education.gouv.fr/cid50946/menh1005426c.html

Notre édition du 2 mars

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2010/Formati[...]

L'analyse de Jean-Louis Auduc

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/03/Formation1textequitourneledos.aspx



Formation : Le cauchemar

"En fait, le gouvernement renonce tout à la fois à l’idéal républicain des maitres-pédagogues longtemps incarné par les Écoles normales et au modèle européen des « praticiens réflexifs ». Mais ce n’est pas pour adopter un modèle alternatif. En vérité, il n’a en tête aucun modèle de formation". Dans un beau texte, documenté et accessible, André Ouzoulias, formateur en IUFM, fait le point sur la réforme de la formation des enseignants et ses perspectives. "Avec ce dispositif sans équivalent dans l’UE et dans les pays de l’OCDE, le pouvoir actuel a tout bêtement tiré un trait sur les dépenses de formation des maitres. Tout simplement parce qu’il désengage l’État autant qu’il le peut de l’investissement éducatif", conclue-t-il.


"Si cette réforme se met en place", continue A Ouzoulias, "pour les étudiants qui voudront devenir profs et dont les familles pourront soutenir la prolongation des études et l’augmentation de leur cout, il leur faudra entrer dans des masters qui ne seront ni des masters professionnels ni des masters recherche, mais des « mastersconcours ». Ils devront préparer et passer des épreuves qui ne seront guère liées aux enjeux réels et actuels de l’enseignement… Les lauréats seront enfin mis en responsabilité devant les élèves, sans véritable formation initiale, avec un accompagnement minimal. Avec une école meurtrie par tant de saignées (moins 80 000 postes en quelques années), une formation des maitres très dégradée, des IUFM vidés de leur substance, des universités déboussolées…, comment relever le défi de la démocratisation de l'enseignement ? Y a-t-il un seul responsable au ministère pour croire au réalisme de l’objectif, toujours énoncé par le gouvernement, de diviser par trois le taux d’élèves en grande difficulté à l’entrée au collège ? Il faut se rendre à l'évidence : le gouvernement ruine les chances d'évolution de l'école publique". Une perspective qui fait réfléchir.

La tribune d'A Ouzoulias

http://www.snuipp.fr/IMG/pdf/Ouzoulias-cauchemar-ferry.pdf


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Sur le site du Café
Par fjarraud , le jeudi 15 avril 2010.

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