Morgane Chenilleau-Grelet, 31 ans 

Par Rémi Boyer de l’association Aide aux Profs



de l’enseignement des SVT à la création d’entreprise

Quel a été votre parcours de carrière depuis la fin de vos études ?


«En 1999, alors que je prépare une Licence de Biologie Cellulaire, j’effectue un remplacement comme enseignante à l’Institut Public des Jeunes Sourds et malentendants (IPJSM), la Persagotière, à Nantes. Puis, en parallèle d’une maîtrise de Biologie Générale et de la préparation au CAPES de SVT, jusqu’en aout 2002, je reste y enseigner pendant 3 ans différentes matières. Je fais le choix de quitter cet établissement et en septembre 2002, je déménage à Lyon dans le seul but d’enseigner dans une école internationale de l’enseignement privé hors contrat (pour le collège) où je suis professeur de Sciences de la Vie et de la Terre jusqu’en 2008. J’ai tenté cinq fois de passer le Capes du Public mais je ne l’ai pas réussi. Comme j’étais passionnée par l’enseignement, j’ai préféré consacrer mon énergie à me former au sein de mes établissements et seule dans des domaines variés.

Dans mes différents postes, j’ai enseigné la technologie pendant 2 ans, mais aussi la physique-chimie et les mathématiques, les SVT et ai fait des remplacements très « variés ». Quand on enseigne dans l’enseignement privé hors contrat ou dans le Public sans avoir obtenu de concours, il faut s’adapter et s’autoformer. Cela peut paraître un inconvénient au début, mais c’est en fait un atout pour la poursuite de la carrière et même après.

Fin février 2008, j’ai démissionné de mon poste pour suivre mon époux. J’ai décidé de réaliser un bilan de compétences pour bien préparer une nouvelle étape dans mon parcours professionnel et ai ensuite entrepris une formation en gestion pour les créateurs avec l’AFPA. J’ai aussi suivi des formations ponctuelles auprès de la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) dans le domaine de la création d’entreprise. »



En quoi consiste votre projet de création d’entreprise ?


« Accompagner les parents, les enfants dans la compréhension du système scolaire, mettre en œuvre les méthodologies d’apprentissage et l’orientation. Le principe de mon action : Que chaque parent soit à même d’accompagner son enfant et que chaque enfant puisse acquérir le maximum d’autonomie dans son parcours scolaire. Pour ma part, je considère que le soutien scolaire tel qu’il est délivré aux enfants n’est qu’un leurre pour les parents et conditionne souvent une dépendance entre enfant/parent/professionnel… très profitable aux professionnels du soutien scolaire. L’enfant a très souvent les clefs de sa propre réussite, il lui suffit simplement de savoir les utiliser. »


Accompagner les enseignants dans leur prise de fonction, dans la compréhension des mutations sociologiques, des différentes intelligences et des méthodologies d’apprentissages qui leurs sont propres.

Accompagner les enseignants qui souhaitent évoluer dans leur parcours professionnel ou ceux qui rencontrent des difficultés dans le placement de leur autorité, l’utilisation de leurs compétences. Le principe de cet accompagnement : Rien n’est inéluctable car tout résulte de l’interaction Elève/parents – Enseignant.


L’objectif général de toutes ces actions restant de réconcilier l’ensemble des intervenants du système éducatif avec l’Ecole, je souhaite ainsi permettre à chacun de s’épanouir.»


Quelles démarches avez-vous réalisées jusqu’ici pour réaliser votre projet ?


«Cela faisait déjà de nombreux mois que je maturais mon projet. J’ai d’abord réalisé pendant 14 semaines mon bilan de compétences. Ensuite, pendant 3 à 6 mois, je suis allée à la rencontre de différents professionnels pour prendre conseil, évaluer la viabilité de mon projet, comprendre ce que signifie créer une entreprise dans tous les sens du terme. C’est une période où j’ai commencé à prendre mes repères, en réalisant notamment une étude de marché pour tester la validité des services que je vais mettre en œuvre. Durant les 3 mois suivants, j’ai suivi une formation de gestion pour repreneurs et créateurs d’entreprise, à plein temps, avec des notions de droit, de comptabilité, de marketing et de management d’entreprise mais aussi comment réaliser des fiches de paie ou encore ce que signifie diriger une société. Il a fallu aussi que je fasse appel à un juriste pour rédiger les statuts de ma future entreprise et obtenir des conseils. Au total, mes frais de création s’élèveront à minima à 2000 euros, dont 1800 euros pour un peu de conseil et l’enregistrement obligatoire de ma société pour démarrer mon activité. »


Cette nouvelle aventure, c’est un grand saut hors de l’enseignement ?


« Je le vis très bien, c’est une opportunité de carrière. Je me suis senti l’envie et la force de quitter l’enseignement. Je suis en bons termes avec l’Ecole. C’est d’ailleurs ce que je souhaite favoriser par ma pratique.

Je sais que certains professeurs n’osent pas réaliser cette étape alors qu’ils disent qu’ils n’aiment plus leur métier, d’autres y pensent simplement mais ne passent pas le pas.

Pour ma part, j’ai préféré quitter l’enseignement « classique » avant de ne plus aimer enseigner et je vais pouvoir continuer à partager des savoirs mais, autrement, au sein de ma structure.

J’ai pris le temps de suivre des formations pour acquérir de nouvelles compétences et continuerai à le faire. J’ai confiance en mon projet. Je vais droit devant puisque désormais, je ne peux compter que sur mon entourage professionnel et personnel et sur moi-même. Je dois être autonome mais en contrepartie, je suis libre ! »


Quelles compétences avez-vous développées dans l’enseignement ?


« Mes savoirs-être sont la facilité à communiquer, la capacité à travailler en équipe et la persévérance, aptitudes souvent acquises par un parcours d’enseignant.

Mes savoirs-faire comprennent la maîtrise des TICE et l’aisance en expression orale et écrite, deux compétences que mon parcours universitaire et professionnel m’ont permis d’acquérir.

Au niveau des savoirs, à Bac + 4, je suis capable de m’adapter et ce, avec une grande aisance dans le domaine de la formation et dans des domaines variés puisque j’ai eu l’opportunité d’enseigner plusieurs disciplines pendant plus de neuf ans. Mon adaptabilité est, à mon avis, l’un de mes meilleurs atouts. »


Quelles compétences vous semblent les plus utiles pour créer votre entreprise ?


« Le dynamisme car il faut de l’énergie positive pour y croire dès le départ et sur la durée ! L’autonomie avec un sens aigu de l’organisation et de la gestion de son temps sont aussi utiles puisque créer une entreprise nécessite de nombreuses démarches et aussi d’être intellectuellement apte à comprendre les textes de lois, les réformes et tout ce qui entoure les entreprises. »


Quelles sont à votre avis les contraintes et les difficultés que peut rencontrer un enseignant lorsqu’il décide de voler de ses propres ailes ?


« Quitter le rythme scolaire n’est pas évident, surtout si la personne est devenue enseignante après avoir été étudiante, sans avoir connu d’expérience significative de la vie active en entreprise. C’est d’ailleurs souvent le cas des enseignants.

Il faut, à mon avis, se donner au moins deux ans pour réussir et se permettre de survivre financièrement lors de la période de transition. Créer son entreprise, cela se prépare, il faut économiser pour disposer d’une réserve de trésorerie personnelle afin de parer aux coups durs et de s’offrir du conseil, des ouvrages… »


Quels conseils donneriez-vous à une personne qui souhaite enseigner ?


« D’abord, de faire des remplacements dans différents établissements. Je ne lui conseillerais pas de tenter le concours tout de suite.

Il y a un grand fossé entre avoir acquis des connaissances, très universitaires et théoriques et être capable de les transmettre aux élèves. Curieusement, les concours d’enseignement ne comprennent pas une épreuve face à de « vrais élèves ». Malgré l’obtention du concours et les formations qui précèdent et/ou qui suivent l’obtention de celui, la réalité du terrain, est parfois toute différente de ce que l’on s’était imaginé. Il est mieux de le savoir avant et de l’avoir vécu.

Pour se préparer à une mutation n’importe où en France, le futur enseignant devrait, dans un premier temps, s’éloigner de sa famille, par exemple en allant faire ses études dans une autre ville pour voir l’effet que ça lui fait d’être tout seul face à d’éventuelles difficultés. En effet, certains jeunes enseignants commencent leurs carrières dans des postes difficiles et sont, à ce moment là, loin de leur famille voire même de leurs concubins.»


Quels conseils donneriez-vous pour quitter l’enseignement ?


« Il faut bien prendre le temps de préparer son départ, bien réfléchir, peser le pour et le contre. Il faut surtout s’imaginer ne plus avoir les vacances scolaires, renoncer à son salaire voire même à une quelconque rémunération pendant plusieurs mois et accepter ainsi de quitter la sécurité dans un premier temps. Il faut aussi faire le deuil de la relation privilégiée que nous avons avec les élèves.

A mon avis, il faut faire un bilan de compétences pour bien se connaître, pour trouver en soi certaines ressources indispensables à la réussite de son projet et déterminer ce qui est perfectible voire ce qui fait défaut.


Que pensez-vous de la création d’une association comme Aide aux Profs ?


« C’est très bien car cette association marche sur un terrain complètement tabou jusqu’ici. Quand on est enseignant, on n’ose pas trop parler de ses difficultés et encore moins de l’envie qu’on peut avoir de partir, de quitter les élèves et les collègues (qu’on aime encore enseigner ou pas).

De plus, les professeurs ignorent bien souvent ce à quoi ils ont droit. Ils méconnaissent les textes et sont en quête de personnes ressources pour les aider. Je pense que le dispositif de seconde carrière qui a été créé par le ministère, avec un système de détachement, ailleurs, dans un autre ministère, en quittant complètement et brutalement sa discipline, tout en demeurant fonctionnaire, n’est pas la démarche la plus facile à réaliser ou à vivre pour un enseignant. Il y a certainement des voies plus faciles et moins décourageantes à trouver, à permettre voire encourager pour le bien de tous. »


Morgane Chenilleau-Grelet rejoindra prochainement le réseau des adhérents référents d’Aide aux Profs, puisqu’elle a été enseignante, et a décidé de consacrer sa seconde carrière à créer son entreprise dans l’aide aux personnes. Le lien créé avec notre association concerne tous les enseignants qui rencontrent des situations difficiles face à leurs élèves (problèmes de discipline, gestion de stress, gestion des conflits), afin qu’enseignement ne rime plus, pour certains, avec souffrance au quotidien.


Sur le site du Café

Par rboyer , le dimanche 15 février 2009.

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