Lecture 

Par Didier Missenard



Une critique, celle du dernier livre de J-P. Boudine et A. Bodin qui proposent un catalogue de mesures à prendre pour éviter la faillite du système français d’éducation.

 

« Le Krach Éducatif, 32 propositions pour tenter de l’éviter »

Jean-Pierre Boudine, en collaboration avec Antoine Bodin (qui a écrit le chapitre sur les enquêtes internationales), publie un livre au titre inquiétant, puisqu’il contient un constat effectivement implacable de notre système d’enseignement, mais néanmoins optimiste puisque les auteurs proposent des pistes pour y remédier.

Cet ouvrage n’est pas le premier du genre, mais il trouve son originalité dans l’expertise de ses auteurs.

Tous deux furent enseignants de mathématiques, mais se sont beaucoup impliqués dans la définition et l’évaluation du « Socle commun de connaissances et de compétences ».

J-P. Boudine est auteur de plusieurs ouvrages, a œuvré pour la mise en place de l’évaluation informatisée au sein du programme européen Leonardo da Vinci ; A. Bodin est un spécialiste reconnu de l’évaluation en générale, et des travaux de Régis Gras en particulier.

À ce titre, ils ont en particulier une très bonne connaissance des modes de fonctionnement des systèmes hors de France (et pas seulement relativement à l’évaluation), ce qui leur permet un regard intéressant sur cette thématique.


Le livre est scandé en sept chapitres : « Éléments de diagnostic ; comparaisons internationales », « À propos du socle de base », « Pour un collège pluriel », « Qu’est-ce qu’évaluer ? », « D’un enseignement plus rationnel », « Quels enseignants pour quelle école ? », « Quelle gouvernance pour les institutions scolaires ? ».

Après une analyse critique du système éducatif français, les auteurs formulent ainsi, au fil des chapitres, une série de 32 propositions.


Parmi ces 32, certaines étonnent : « enseigner la philosophie dès 14 ans » quand beaucoup de pays ne l’enseignent pas du tout, et que notre enseignement ne concerne qu’une année. Mais il est vrai que les questionnements métaphysiques sont souvent présents plus tôt chez les jeunes, et qu’une réflexion sur les grands thèmes philosophiques peut être intéressante, et permettrait peut-être que les jeunes soient davantage accompagnés dans la mise en place de leur représentation du monde.

Étonnante aussi, mais plus discutable, l’idée de proposer un module intensif de calcul littéral sur deux mois : ce que la didactique semble montrer, c’est au contraire qu’un apprentissage long et progressif est incontournable dans ce domaine, où la contextualisation est seule à même de permettre aux élèves de donner du sens à ces techniques. L’idée leur en est venue de techniques en œuvre au Québec, où l’apprentissage de la langue anglaise (pour des écoliers francophones), se fait sur un bloc « intensif » de 5 mois groupés, où quasiment aucune autre matière ne leur est enseignée pendant ce laps de temps. Si l’idée se conçoit bien pour l’apprentissage d’une langue vivante, elle paraît plus discutable pour l’apprentissage de l’algèbre (encore que…).


Beaucoup d’autres propositions sont davantage plausibles : certaines font référence à des dispositifs passés (pré-recrutement des enseignants à l’Université). D’autres sont complètement innovantes : création d’une propédeutique entre le Bac et l’entrée à l’Université, par exemple.

Les auteurs insistent sur la nécessaire autonomie des acteurs, le rôle de l’État devant d’abord être de contrôler le recrutement des enseignants, et les modalités des examens nationaux.


À la lecture de ce livre, vous apprendrez bon nombre de faits peu connus sur les autres systèmes éducatifs, ce qui vous permettra de prendre un recul de bon aloi, et réfléchirez aux solutions proposées, dont beaucoup de celles qui sont proposées sont innovantes, ou étonnantes.

On pourra néanmoins reprocher aux auteurs le caractère un peu hétéroclite des mesures préconisées, qui ne permet pas bien de voir un projet d’ensemble, et son écologie sous-jacente, apparaître. Certaines idées ne sont guère argumentées de manière convaincantes, et d’autres sont quand même au moins surprenantes : l’utilisation des jeux-concours pour repérer les élèves précoces ne pourrait-elle vouloir refonder une école élitiste, la réintroduction de l’enseignement technique à 14 ans est-elle vraiment plausible.

L’ouvrage nous paraît devoir être lu, plutôt que comme un programme, comme une invite à une réflexion, sans tabous. Modeste, il ne nie pas le fait que les inégalités sociales sont à la racine de la plupart des difficultés des élèves, et que l’école ne peut y remédier qu’à la marge ; ce qui n’empêche en rien les auteurs de vouloir faire évoluer les choses, tant elles en ont besoin.

Vous pourrez juger vous-même des 32 propositions, puisqu’elles figurent sur le blog de l’ouvrage, qui est publié aux éditions L’Harmattan.
Ce livre de 253 pages coûte 23,50 €.

Le blog de l’ouvrage

http://le-krach-educatif.over-blog.com/

La page du livre, aux éditions L’Harmattan

http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&ob[...]



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Par dmissenard , le jeudi 18 novembre 2010.

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