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La Chronique de Lyonel Kaufmann 


Devant le sapin de Noël, alors que la fête bat son plein, l'heure est aussi à jeter un dernier regard sur l'année écoulée pour en faire un bilan. En parcourant, mois par mois, les articles publiés sur mon blog professionnel, les éléments suivants ont acquis suffisamment de relief pour s'y arrêter avant de s'engager résolument dans la nouvelle année.
a) Sur l'enseignement de l'histoire à l'ère du numérique
Que l'on soit pour ou contre le numérique à l'école, la question est dans tous les esprits sans attendre la prochaine réforme scolaire en France comme ailleurs. Il convient cependant de se méfier de ses zélateurs ou de ses détracteurs absolus. Ni âge d'or passé ni lendemains qui changent tout. À ce titre, je vous propose deux regards.
Le premier est celui d'Eric Sanchez qui en mai s'interrogeait sur les défis et les opportunités de l'enseignant à l'ère du numérique.[1] Eric Sanchez a le grand mérite de ne pas tomber dans l’idolâtrie béate devant le numérique, mais de jalonner et de documenter intelligemment le paysage de l’enseignement à l’ère du numérique. Si généralement, je décroche très rapidement lorsque je visionne une conférence mise en ligne tel n’est pas le cas avec cette intervention d’Eric Sanchez sur l’enseignant et l’enseignement à l’ère du numérique. Partant de son expérience dans l’enseignement supérieur, sa conférence interpelle tout enseignant et futur enseignant sur l’évolution de l’enseignement à l’ère numérique.  Au final, je vous propose la citation suivante issue de son intervention : « Il faut arrêter de se dire on va transposer des pratiques usuelles avec le numérique et on va faire moins bien finalement parce qu’on va forcer les choses, mais plutôt on va se dire « ok » ça nous offre des possibilités de faire des choses qu’on ne pouvait pas faire avant. »

Capture d’un slide de la conférence d’Eric Sanchez 

Le deuxième regard est celui porté depuis de nombreuses années par le professeur Larry Cuban et son concept organisationnel du « conservatisme dynamique ».[2] Ce concept  explique  à la fois la continuité et le changement à l’œuvre à l’école comme dans d’autres institutions qui permet de maintenir un équilibre fragile dans les salles de classe et les écoles. Ce concept, pour Cuban, explique la grande stabilité des pratiques scolaires malgré les réformes initiées par les autorités pour les faire évoluer.

L’école avant  l’arrivée des ordinateurs portables…

Prenant l'exemple de l'introduction et de l'utilisation des ordinateurs portables dans les classes états-uniennes, Larry Cuban observe que les enseignants ont apporté des changements dans la façon dont ils enseignent tout en conservant leur ordre habituel des tâches et des activités dans leurs cours. Ils ont mixé moyens traditionnels et non traditionnels. Si le changement se produit tout le temps dans les écoles et les salles de classe, il ne se produit ni à la portée, ni dans les conceptions, ni au rythme des réformes initiées par les décideurs politiques.

… et après l’arrivée des ordinateurs portables en classe… 
Dès lors, il est important de s'accorder sur les conditions optimales d'une intégration réussie des TIC en classe. Cela est, par exemple, l'objet de l'analyse menée par G. Béliveau au Québec sur l’impact des TICE au collégial, avec des références à des recherches françaises et américaines.[3]

b) Portable or not portable?
Aujourd'hui, ce n'est plus l'ordinateur portable que l'on interroge concernant son utilisation ou non en classe. Deux choses retiennent l'attention, les tablettes numériques et les portables que nos élèves amènent avec eux dans leurs cartables. Dans ce contexte, une autre étude québécoise a recueilli les avantages et les inconvénients du téléphone cellulaire en contexte scolaire.[4] Parmi les éléments négatifs, on peut noter le fait que si les phénomènes de médisance et d’intimidation ne datent pas d’hier,
« une cyberagression laisse plus de traces. Un nombre illimité de personnes en sont témoins, et même si l’auteur efface les photos ou les commentaires, des copies subsistent. Une seule photo compromettante ou dénaturée peut causer des dommages graves. »
En positif, je note les propos de Benoit Petit, conseiller au RECIT :
« On entend souvent dire qu’il n’y a pas suffisamment de technologie dans les écoles, mais c’est faux. C’est simplement qu’elle se trouve dans la poche des élèves et qu’ils n’ont pas le droit de s’en servir ! Un iPod Touch est un outil plus puissant que ne l’était un ordinateur de bureau il y a sept ans, mais les élèves n’en ont pas conscience, puisqu’ils l’utilisent seulement pour leurs loisirs. »
On lira ensuite avec attention Mario Asselin. Ce dernier fait le point sur les différentes attitudes possibles relativement à la place et à l’utilisation (ou non) du téléphone portable en classe. Il a notamment regroupé plusieurs vidéos et témoignages d’enseignants et il s’intéresse à cette question de l'école primaire à l’enseignement universitaire. Bien vu.[5]
De manière générale, avec ou sans les profs, le futur de l'école se conjuguera avec le portable de nos élèves.

c) Les blogs meilleurs que la dissertation
Si au départ, le blog était très personnel avec un côté assez péjoratif, l'arrivée de Facebook et des réseaux sociaux a quelque peu détourné l’utilisation du blog et l'a recentré sur ses vraies valeurs : produire du contenu (du vrai contenu), le commenter, le partager. Cathy Davidson — qui veut remettre au goût du jour certaines inventions pédagogiques plus anciennes — flingue même l’exercice de la dissertation et vante la plus-value des blogs pédagogiques :
« Les blogs destinés aux pairs présentent moins d’erreurs typographiques et factuelles, moins de plagiat, et sont généralement mieux écrits, en prose élégante et plus persuasive, que ne le seront jamais toutes ces dissertations rédigées en classe par les mêmes auteurs »
De plus, au contraire de la dissertation, les blogs offrent, par exemple, une solution adéquate à la question du plagiat.[6]
Les pratiques du blog se sont particulièrement bien insérées dans les pratiques universitaires. C'est ainsi que, depuis février 2011, Audrey Leblanc donne des cours à Paris 3 Sorbonne Nouvelle à un groupe de 35 étudiants en moyenne. Par commodité, elle a ouvert un blog comme support de ce cours. Un an après, il est toujours actif  et Audrey Leblanc nous offre quelques remarques fort instructives sur cet outil de travail.[7]
Pour prolonger sur l’utilité des blogs en éducation, je vous propose l’intéressante lecture de cet article récent « What are you writing for? » et qui rejoint les observations de Cathy Davidson. [8] Je vous renvoie également à ma chronique du numéro 132 : Piéger les élèves ou les former avec les médias sociaux ?  [9]

d) Pour quels contenus?
Nous terminerons ce regard dans le rétroviseur avec deux ressources et un clin d'œil.
À l'été 2012, le Moyen Âge se vendait très bien. En témoignait la « saga de l’été » Inquisitio de France Télévisions, diffusée à partir du 4 juillet 2012. Dans une volonté de produire un objet marketing évoquant le Moyen Âge du XIVe siècle et répondant au diktat de la sainte audience audiovisuelle ainsi qu’à la fascination populaire pour la période, Inquisitio nous proposait une approche de l’histoire religieuse méridionale des plus discutables, et qui s’inscrivait – comme d’autres productions mises à l’écran ces dernières années – dans les mésusages du Moyen Âge à la télévision. Le blog « Sources médiévales » nous proposait alors ses réflexions sur cette fiction historico-moyenâgeuse. [10]
Une équipe de l’Université de Villanova (Pennsylvanie – États-Unis) a réalisé une visite virtuelle en 3D de la chapelle Sixtine (Michel-Ange). À cette occasion, Eduscol nous propose une sélection de ressources en ligne sur la chapelle Sixtine, Michel Ange et la Renaissance italienne, avec quelques suggestions de recherche (affichage de la roue magique et de la frise chronologique sur Google) pouvant donner lieu à des scénarios pédagogiques. Des pistes pour l’enseignement, en histoire, histoire de l’art, arts plastiques, italien… [11]
En août, et ce sera notre clin d'œil, Slate nous annonçait que même Silvester Stallone avait abandonné l'utilisation des chiffres romains pour ses films avec la sortie de « Expandables 2 » alors qu'auparavant il trouvait que les chiffres arabes faisaient « efféminés ». Une raison de moins de faire apprendre les chiffres romains à l’école et une défaite de plus pour les chiffres romains. Comment une telle chose a pu arriver ? [12]
J'espère que vous aurez quand même plaisir à manger votre dinde de Noël. De toutes les façons, je vous adresse mes meilleurs vœux pour 2013. À bientôt.
Lyonel Kaufmann, Professeur formateur,
Didactique de l’Histoire, Haute école pédagogique du canton de Vaud, Lausanne (Suisse)

Notes
[1] Sa conférence sur Canal u-tv
Le blog portfolio d’Eric Sanchez :
[2] “Dynamic Conservatism” and Stability in Teaching | Larry Cuban on School Reform and Classroom Practice :
[3] Cursus.edu :
[4] Faut-il interdire le cellulaire à l’école ? | L’actualité :
[5] Cachez ce cellulaire que je ne saurais voir à l’école… | Mario tout de go :
[6] Son livre « Now you see it » (http://www.cathydavidson.com/), présenté par le New York Times
À lire également l’avis de Caroline Chanlon :
[12] A Hollywood, les chiffres romains ont perdu la bataille des titres | Slate 
http://www.slate.fr/story/61039/cinema-hollywood-films-titres-[...]


Par jeanpierremeyniac , le jeudi 20 décembre 2012.

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