A la Une : Peut-on encore enseigner la morale à l'Ecole ? 

Par François Jarraud


Pour Xavier Darcos, c'était probablement tout un symbole, une façon de gommer Mai 68. Avec le retour de "l'instruction" civique (à la place de l'éducation civique), celui de la morale était le grand événement des nouveaux programmes du primaire de 2008. Deux ans plus tard, voilà que les éditions Tom Pousse publient un ouvrage qui prétend "former la conscience morale". Une façon de redescendre sur terre, dans la classe, avec des enseignants qui ignorent la blouse grise, mais aussi de s'interroger sur les risques de cet enseignement.


Sur quoi fonder l'enseignement de la morale ? Pour Marie-Noelle Mercier, l'auteur de "100 idées pour former la conscience morale", "on n'enseigne pas la morale; on forme des consciences". En expliquant que "la formation morale est très dépendante de l'attitude des adultes à l'égard des enfants", elle met en avant l'idée que la morale s'enseigne déjà par l'exemple. Car avant ou après Darcos, l'école est toujours obsédée de morale. Les écoliers n'en finissent pas d'interroger le maître et leurs camarades sur la justesse des notes ou des sanctions, sur la place de la violence et de la force ou encore sur les rapports entre filles et garçons. L'enseignement de la morale suppose un maître exemplaire, qui puisse servir de référence aux élèves. Le maître injuste ou menteur aura probablement plus de mal à donner vie à cet enseignement. Et le maître réel aura à se débrouiller pour asseoir sa moralité et son exemplarité en décryptant les 1001 faits divers de la classe où il doit intervenir…


Sur quelles valeurs ? Marie-Noelle Mercier énumère les valeurs qui doivent fonder cet enseignement : valeurs civiques républicaines mais aussi valeurs humanistes et hédonistes. Elles signifient que l'enseignement de la morale est autant un apprentissage de la vie avec les autres et avec soi et une mise en action des valeurs républicaines. C'est aussi bien apprendre à s'aimer soi-même et développer sa créativité que réfléchir à l'égalité devant la loi.


Un enseignement peut-il être conflictuel ? S'il est bon qu'un enseignement soit problématisé, la particularité de l'enseignement de la morale c'est qu'il peut entrer en conflit avec ce qui est appris à la maison. MN Mercier a la bonne idée de soulever la question des écoliers qui ont des parents qui ne respectent pas les valeurs de l'Ecole. La solution est-elle à trouver dans l'exclusion vers les écoles privées ? C'est faire peu de cas des inégalités sociales.


Un enseignement qui continue à interroger. En 2008, Benoit Falaize, spécialiste de l'éducation civique, nous disait : " Après tout ce n'est pas forcément choquant ces affichages tant qu'il s'agit d'une morale républicaine qui incite à la tolérance et au respect. Et à condition que le maître lui-même respecte les règles. S'il le fait ça peut être formateur. Si par contre il les piétine… ça n'a plus sens. Ce n'est plus que du formalisme éducatif." Au défi de l'exemplarité du maître s'ajoute maintenant un point inattendu, celui de l'évolution de l'Etat. L'Ecole doit déjà anticiper le fait qu'elle doive enseigner l'égalité et la fraternité dans un pays qui chaque jour s'éloigne de cet idéal. L'accélération des prises de position anti-républicaines donne à penser que les enseignants pourraient bientôt avoir à défendre les principes contre le devoir de fonctionnaire. Un cas de figure qui rend l'enseignement de la morale finalement plus sympathique

Marie Noelle Mercier, 100 idées pour former la conscience morale, Tom Pousse,Paris 2010, 182 pages.

Texte de B Falaize

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/schumaines/educationcivi[...]

G de vecchi

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/Programmes_Vecchi2.aspx



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Par fjarraud , le dimanche 19 septembre 2010.

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