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Les mathématiques à l'école primaire 

Faire passer les élèves du sensible au conceptuel permettrait de changer leur rapport au savoir sur cette discipline. C'est l'objet de réflexion de Sophie Soury-Lavergne, enseignante-chercheure. Dans le cadre de la semaine des mathématiques, elle a répondu à quelques questions du Café.


La géométrie à l'école, comment est-elle enseignée ? Comment passer du sensible au savoir conceptuel ?


Lorsque la géométrie est réduite à la présentation de quelques configurations de droites et à l’introduction d’un vocabulaire spécifique, c’est bien dommage car il s’agit d’un domaine non seulement conceptuellement très riche mais aussi directement en lien avec notre espace sensible, celui dans lequel on se déplace, les objets qu’on voit et qu’on manipule. Les connaissances spatiales de chaque enfant sont fondamentales pour la construction des connaissances géométriques et en retour les connaissances géométriques vont permettre à l’enfant de mieux maîtriser les contraintes de l’espace qui l’entoure. Ce sont deux domaines distincts et en étroite interaction, qu’il faudrait travailler à part égale à l’école.


L’élève passe du sensible au conceptuel et revient au sensible grâce aux situations que lui propose l’enseignant. Par exemple, au cycle 3, construire deux droites parallèles sur une feuille de papier paraît très technique et abstrait, cela conduit l’élève à essayer de deviner l’attente de l’enseignant. Mais s’il s’agit de construire une piste dans la cour, alors c’est au départ un problème de l’espace sensible. A travers les stratégies de résolution des élèves, la notion d’écart constant va pouvoir émerger et finalement l’enseignant pourra introduire la notion de parallélisme. Bien sûr c’est l’enseignant qui introduit le parallélisme, mais il l’introduit en réponse à un problème rencontré pour de vrai par les élèves. Et tous les élèves pourront constater finalement si la piste est correctement construite ou pas, c’est le retour à l’espace sensible. La géométrie est, entre autre, un modèle de l’espace, que l’on utilise pour produire des réponses aux problèmes posés dans l’espace.


En quoi la géométrie dynamique est-elle un levier pour changer le rapport au savoir sur les mathématiques pour les élèves de l'école primaire ?


La géométrie dynamique, comme d’autres environnements informatiques pour l’apprentissage, a au moins trois caractéristiques propices aux apprentissages.  Elle offre une réelle liberté à l’élève dans son choix d’une stratégie de résolution. En cela, c’est un environnement bien différent des simulations ou animations interactives avec lesquelles l’utilisateur n’a qu’un seul choix d’action, cliquer sur un bouton, et doit ensuite observer ce qui se passe (les élèves ne voient jamais la même chose que les enseignants en particulier parce qu’ils n’ont pas les mêmes connaissances).  Ensuite, la géométrie dynamique permet de nombreux essais, l’erreur n’est pas un problème car elle n’est pas définitive, on peut recommencer à moindre coût et répéter. Enfin, avec la géométrie dynamique, l’élève peut valider lui-même sa stratégie de résolution, indépendamment de l’enseignant. En déplaçant les figures dynamiques dans la page, il peut vérifier que sa construction se comporte bien comme il l’attend. C’est lui qui détient les clefs pour valider ou invalider sa construction et donc la stratégie qu’il a mise en œuvre.


En conclusion, c’est parce que l’élève peut faire des choix, peut anticiper la recherche d’un effet voulu, peut recommencer et relier ses décisions à leurs conséquences qu’il apprend. Mais aussi, avec la géométrie dynamique, les connaissances géométriques deviennent des outils de résolution de problème. Par exemple, une voiture est dessinée à l’écran mais il lui manque une roue. L’enjeu du travail de l’élève est de reconstruire la roue avec les outils de la géométrie dynamique de façon à ce que la voiture roule à l’écran sans perdre sa roue. L’élève saura tout seul quand il a réussi et pour réussir il va devoir utiliser des connaissances géométriques, en l’occurrence la propriété du centre du cercle qui est le milieu d’un diamètre (voir l’article sur les cahiers pédagogiques).


Des logiciels ont été publiés il y a 3 ans. Qu’en est-il de leur usage dans les classes ? Comment les technologies peuvent aider les enseignants à enseigner et les élèves à apprendre ?


Cette collection, qui traite de tous les domaines mathématiques de l’école, a rencontré un grand succès auprès des enseignants puisque c’est l’une des ressources les plus achetées dans le cadre sur Plan Ecole Numérique Rurale. Mais en fait, je ne connais pas les usages réels qu’en font les enseignants, à part pour les quelques enseignants qui travaillent avec moi en particulier en CP. Nous avons retenu la même technologie pour concevoir d’autres cahiers d’activités informatisés, car il y a un gros potentiel. En particulier les enseignants pourront modifier les cahiers existants pour les adapter aux spécificités de leur contexte d’enseignement. C’est pour très bientôt j’espère.


Quels sont vos travaux actuels sur la question de la géométrie ? Sur la démarche d'investigation en mathématiques ? Quels liens avec les mises en situations-problèmes ?


Pour la géométrie et d’autres domaines des mathématiques, je travaille sur la combinaison entre usage de matériel pédagogique concret et usage de l’informatique. Par exemple, avec mes collègues enseignants, formateurs et chercheurs, nous concevons une séquence qui utilisent des polydrons (des plaques en plastiques permettant de former des solides) et des cahiers d’activité informatisée sur les patrons du cube. Les élèves apprennent différentes propriétés dans un cas et dans l’autre, réinvestissent les acquis d’une situation à l’autre. C’est la combinaison des deux qui est productive. Nous développons cette idée avec d’autres notions, par exemple l’utilisation de la pascaline (une petite machine arithmétique à engrenage) et de la e-pascaline pour l’apprentissage de la numération décimale et des opérations. Tout notre travail repose sur la conception de situations-problèmes. Le lien avec les démarches d’investigation est à plusieurs niveaux. Celui de l’autonomie de l’élève : c’est l’élève qui choisit comment faire et qui teste son choix de stratégie de résolution, il y a plusieurs réelles possibilités. Celui de l’exploration et de la manipulation : exploration des propriétés des matériels pédagogiques concrets comme des environnements informatiques. Les questions de formulation sont aussi cruciales dans les démarches d’investigation : formulation des anticipations (si je fais ça je vais obtenir cela), formulation des stratégies, formulation des conclusions. A partir de ces formulations d’élèves, l’enseignant peut introduire les formulations, écrites et orales, plus conformes au savoir mathématique partagé.


Vous êtes impliquée dans un plan Sciences en Côte d’Or. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ? Comment faire travailler ensemble les enseignants de l'école et du collège dans une continuité des apprentissages ?


La continuité des apprentissages dans le plan Sciences en Côte d’Or, au delà d’une thématique commune retenue comme la thématique de l’eau en sciences, se situe dans les outils et les démarches proposés aux élèves par tous les enseignants du projet. Par exemple, l’accent est mis sur le travail des différentes représentations possibles et complémentaires des questions scientifiques rencontrées. Les tout-petits de la maternelle produisent des premiers codes (oraux ou même écrits) pour décrire une situation. A partir de l'élémentaire, le travail porte sur les différentes représentations des situations expérimentales (dessins, schémas, textes, tableaux…) et ce qu’elles disent ou cachent de la situation et des solutions possibles. Il faut aussi faire évoluer ces productions d’élèves vers des représentations plus conformes et opérationnelles, propres à chaque discipline. La continuité, c’est aussi à l’école et après l’école, notamment pendant le temps périscolaire. Nous démarrons une action au niveau du périscolaire sur trois écoles de Dijon centrée sur l’usage de tablettes numériques. Les tablettes seront utilisées pendant le temps scolaire et pendant le temps périscolaire, sur des contenus différents mais qui s’articulent du point de vue de l’enfant.  L’objectif du plan sciences est aussi la formation des enseignants grâce à la conception collaborative et au partage de séquences pédagogiques. L’année prochaine, nous aborderons la phase de mise en commun des différentes séquences élaborées et de leur diffusion au niveau du département.


Sophie Soury-Lavergne est maître de conférence en didactique des mathématiques et TICE, chargée de recherches à l'Institut français de l'Éducation, ENS de Lyon, dans l'équipe EducTice, travaille sur les continuités et ruptures des enseignements et des apprentissages des mathématiques dans le contexte éducatif français. Ses recherches concernent la géométrie dynamique du CP à la terminale et plus récemment, elle a participé à la création de petites « apps » pour la classe regroupées au sein de la collection « 1,2,3 Cabri… je fais des maths ». Ses projets actuels, réalisés en collaboration avec des enseignants de primaire, à Dijon, Lyon et Grenoble, concernent l'usage didactique d'une petite machine arithmétique, la pascaline et de sa version informatisée la e-pascaline..


Propos recueillis par Isabelle Lardon


Voir l'article du Café

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/primaire/elemen[...]

Un exemple de travail en géométrie dans la cour, sur papier et avec informatique est présenté sur le site MAGESI. C’est leur utilisation combinée qui est productive pour les élèves.

http://magesi.ens-lyon.fr/

Dossier L'école numérique dans L'école aujourd'hui – Nathan n°17 de mars 2011

http://www.nxtbook.fr/newpress/Nathan/Lea110317_S4T5A2Z9B3  


Sur le site du Café

Par fjarraud , le dimanche 31 mars 2013.

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