Par Antoine Maurice et Benoît Montégut
Conscience écologique, travail interdisciplinaire sur plusieurs années, ce projet « vélo écolo pour recharger les tablettes » ne manque pas d’ambition. En partant d’une idée pour rendre compte du développement durable, Sophie Volatier et l’équipe pédagogique du Collège du Sacré Cœur de Versailles ont abouti à la création d’un objet particulier, créé par et pour les élèves de l’établissement. Recharger sa tablette, son téléphone portable, c’est utile à tous, favoriser les transports neutres en carbone aussi. C’est finalement « joindre l’utile à l’agréable ».
Un vélo écolo pour recharger les tablettes… D’où vient cette idée ?
On nous a annoncé que cette année scolaire mettrait en avant le développement durable. Je me suis donc demandé comment pouvoir contribuer à cette thématique dans ma matière, en EPS. Je me suis rendue compte que les élèves laissent tout le temps les lumières allumées dans les vestiaires, sans véritable intérêt de les éteindre. Je me suis donc dit que s’ils se rendent compte de l’énergie qu’on use, on pourrait l’exploiter pour qu’ils puissent en comprendre le sens.
J’ai ainsi soumis une question à ma collègue de physique-chimie sur la faisabilité de réaliser un vélo écologique, où les élèves pourraient créer eux-mêmes leur propre énergie. Au début, nous souhaitions créer de la lumière, mais le projet a évolué sur la possibilité de recharger une tablette. En effet, dans mon établissement, on a des tablettes depuis deux ans et les élèves ont souvent besoin de les recharger. L’objectif serait donc d’exploiter les données de la production de cette énergie en sciences physiques.
Pourriez vous nous expliquer comment cela fonctionne ?
Le fait de pédaler produit de la puissance, notion travaillée en classe de 4ème. Ma collègue est donc en train de travailler à la création d’un boîtier électronique avec un port USB. En branchant l’oscilloscope et le multimètre, on pourra connaître l’intensité et la tension en instantané et ces données permettront de calculer la puissance.
Ce « vélo écolo » est-il en fonctionnement ?
Nous sommes actuellement en voie de développement. On a déjà le vélo (le home trainer), le compteur de vélo, le cardio-fréquencemètre. Il nous manque encore le boîtier, le prototype qui est train d’être finalisé par ma collègue. L’objectif sera que les élèves le réalisent eux-mêmes en travaux pratiques. Pour aborder le projet et inciter les élèves à y adhérer, on travaille actuellement sur la fréquence cardiaque des élèves, au repos et à l’effort. En attendant d’avoir les données sur la puissance, on associe le ressenti de l’effort avec sa fréquence cardiaque.
Vous devez avoir des inconnues dans la conception de ce vélo ?
Nous avons en effet encore des inconnues, notamment la principale entre le temps de pédalage (l’intensité développée) et la vitesse de recharge de la tablette ou du téléphone. J’ai appris qu’un tel vélo existe déjà à la gare Montparnasse, une personne l’ayant utilisé m’a indiqué qu’après 10 minutes d’effort, le téléphone s’était rechargé de 10%. Nous verrons bien ultérieurement et nous nous adapterons.
Dans quel cadre ce projet est-il développé ?
Des heures spécifiques sont allouées au développement du projet cette année. A terme, il sera intégré dans le cadre des EPI dans notre établissement, mais en gardant le concept de notre vélo écologique, en le mettant en libre accès pour tous dans la court de récréation. Il sera développé sur les heures d’enseignement, on utilisera aussi des données dans le cadre d’un travail interdisciplinaire, mais ces vélos sont voués à être utilisés par tous pour recharger leur tablette, leur téléphone. 4 vélos sont prévus au total.
Comment cet EPI va-t-il fonctionner ?
C’est un vrai projet interdisciplinaire et il peut être à l’interface de plusieurs EPI : les EPI « sciences, technologie et société », « corps, santé, bien-être et sécurité » et aussi « transition écologique et développement durable ». Nous avons choisi de nous intégrer dans les deux premiers, en 4ème, puis en 3ème.
C’est-à-dire ?
Je vais avoir une heure sur les trois prévue sur un semestre pour les élèves de 4ème. En demi-groupe, avec 4 vélos, j’utiliserai les données produites par les élèves pour travailler sur les filières énergétiques sur différents temps d’efforts. Sur 15 secondes, sur 45 secondes, les élèves devront trouver la puissance développée, la fréquence cardiaque. Ce comparatif de données sera exploité une séance sur deux, en alternant pratique physique et analyse de données. Ce travail sera ensuite repris en SVT autour d’un travail sur la ventilation pulmonaire.
Par la suite, en 3ème, nous poursuivrons ce projet dans le cadre de l’EPI « corps, santé, bien-être et sécurité ». En utilisant la base de données fréquence cardiaque, intensité, puissance, les élèves pourront le comparer aux pratiques de référence du haut niveau. Par exemple, je montrerai les limites de la performance humaine en exploitant l’image de Christopher Froome et sa fameuse accélération dans l’Alpe d’Huez, avec 446W et 100 tours par minute. Ca peut être une entrée pour parler du dopage, des conduites addictives.
Comment ce projet est-il perçu ?
J’ai de la chance d’être dans une équipe avec des idées qui foisonnent. Ce projet est très bien perçu, j’ai même des collègues qui se sont proposés pour me faire un boîtier étanche afin de poser les tablettes. Les élèves ont également perçu l’intérêt du projet. Recharger une tablette, un Smartphone, ça parle, c’est utile. En effet, ce projet facilite l’engagement des élèves, la finalité est porteuse de sens car immédiatement utile pour les élèves. Elle permet de plus de les sensibiliser au développement durable , problématique actuelle de notre société contemporaine, en les mettant en situation concrète de production d'énergie . En fin, il permet de joindre l'utile à l'agréable car l' activité physique et le vélo sont source de plaisir. L'objet est quasi existant dans tous les foyers, il participe à favoriser des attitudes ultérieures éco-responsables .
Le projet :
http://www.enseignants-innovants-2015.net/dux/view.php?id=20