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Actualités : Une évaluation qui fait débat !  

Par Antoine Maurice


On n’arrête plus de parler de l’évaluation… pour les uns elle témoigne de la pertinence du cadre disciplinaire commun, du curriculum de formation, quand pour les autres, elle est avant tout contrainte et empêche de répondre à la spécificité et à la singularité des établissements. Une phrase revient régulièrement ! Quelle est la part laissée à l’innovation dans un cycle en classe de terminale !?
Pour l’AE-EPS mais également pour le SNEP, l’heure est aux rencontres, afin de faire des propositions sur ce sujet !

Rencontre avec Christian Couturier, au sujet de la publication d’un projet de « manifeste pour l’EPS »

Le SNEP veut donner la parole aux enseignants ! C’est en ces termes de Christian Couturier secrétaire national du Syndicat National de l’Education Physique s’exprime au sujet de la refondation de l’école mais également au sujet de l’EPS. « Les enseignants d’EPS ne sont pas de simple applicateur de programme, et en tant que fonctionnaire de catégorie A, ils sont également des concepteurs ». Nous avons au café voulu en savoir un peu plus, sur le pourquoi et le comment de ce manifeste !

Vous venez d’afficher sur votre site un projet de « manifeste pour l’EPS » ? Quel en est le sens et pourquoi ce projet maintenant.
Il y a deux raisons essentielles. La première est le temps politique dans lequel nous sommes : celui de la réforme de l’Ecole. Il n’a échappé à personne que le terme employé est celui de « refondation ». Au stade où nous en sommes et en fonction des éléments dont on dispose, à savoir le projet de texte sur la loi d’orientation, la notion de refondation nous parait un peu exagérée. Disons qu’il y a une réforme effective, dont le principal atout est de redonner des moyens à l’éducation nationale. Compte tenu des dernières années, c’est un changement de cap salutaire. Pour le reste, nous sommes loin d’une transformation en profondeur et l’on sait d’avance que certaines choses ne changeront qu’à la marge l’Ecole française. Nous voulons donc affirmer avec la profession, ce que nous entendons par transformation et comment l’EPS peut y contribuer, dès maintenant. La seconde raison est plus professionnelle : les enseignants d’EPS ont été progressivement, mais surement, « débarqués » de la réflexion et des choix sur l’orientation de la discipline. Ils sont sommés d’appliquer des textes, dans un contexte plus ou moins autoritariste selon les académies, alors même que ces textes posent des problèmes de cohérence et de faisabilité. Le projet de manifeste a une fonction simple : redonner la parole aux collègues.

Quel est donc le rapport de l’EPS à la « refondation » de l’école ?
Souvenons-nous de la situation précédente. L’EPS n’est pas dans le socle commun de connaissances et de compétences et ne fait donc pas partie des « fondamentaux » de l’école. La réforme des lycées avait comme objectif de réduire les moyens du second cycle : cela s’est traduit par de gros problèmes d’emplois du temps, la diminution des options. Les lycées professionnels se sont vus amputer une année (Bac pro en 3 ans au lieu de quatre) avec une évaluation négative de la part même du ministère (fiche de la direction de l’évaluation du MEN), la formation des enseignants a été sacrifiée… on pourrait énumérer l’ensemble des mesures du gouvernement Sarkozy qui ont lourdement contribué à détruire l’école française. Il fallait donc, effectivement, reconstruire et refonder, tous les syndicats ont approuvé cette idée. Pour ce qui est de l’EPS proprement dite, les combats restent les mêmes que ceux menés depuis de nombreuses années par la profession et qui consistent principalement à prouver par la pratique l’intérêt de la discipline, d’abord au développement de l’enfant et de l’adolescent, mais également au système scolaire tout entier. Que ce soit par les cours obligatoires ou par le sport scolaire, l’EPS est une discipline qui rythme la semaine scolaire en proposant un rapport aux apprentissages particulier, un rapport à la culture originale qui permet « d’incorporer » au sens propre du terme, de vivre intensément au plus profond de sa personne, des valeurs auxquelles nous tenons. Elle propose surtout, dans le contexte d’une société individualiste, d’apprendre ensemble et de valoriser le collectif de travail. C’est donc une discipline fondamentale qu’il faudrait renforcer dès la maternelle et particulièrement dans les lycées où les horaires sont très insuffisants pour équilibrer la vie des jeunes.
Rappelons également que l’accès à la pratique sportive est toujours très inégalitaire et fonction du capital socio-économique des familles (et encore plus chez les filles). L’EPS est un facteur de démocratisation dans l’accès aux loisirs physiques, sportifs et artistiques. Nous proposons à tous les enseignants de soutenir un véritable projet social et culturel autour de l’EPS et du sport scolaire.
Enfin, si l’on regarde l’implication des enseignants d’EPS dans les collèges et lycées, il est clair qu’ils peuvent être initiateurs de dynamiques locales. Ils se sont investis, historiquement, pour la réussite des élèves, pour des projets spécifiques à l’EPS, pour des projets inter ou transdisciplinaires, pour des sorties scolaires, ouvrant ainsi l’école sur la vie environnante. Ils ont accumulé expériences et expertise qu’il serait bon de reconnaitre. C’est sans doute le bon moment.
Nous attendons donc du ministère qu’il se prononce sur la place fondamentale de l’EPS et du sport scolaire dans un nouveau projet pour l’Ecole. Nous réaffirmons nos ambitions et mettons en débat des propositions concrètes. Et dans la perspective de l’ouverture de discussion sur le métier d’enseignant, nous entendons faire valoir certaines spécificités de notre profession : travail en extérieur,  déplacements vers les installations sportives, manipulation du matériel, etc. entrainant des problèmes physiques et accentuant la pénibilité des fins ce carrière. Nous avons fait des propositions à ce sujet au ministère.

Dans votre projet de manifeste, vous parlez du sentiment d’un métier « empêché ». Que voulez-vous dire par là ?
La notion de métier « empêché » vient des études sur l’ergonomie et la psychologie du travail.  Les problèmes et la fatigue professionnels viennent autant de ce que l’on ne peut pas faire, que de ce que l’on fait concrètement. Il y a depuis quelque temps une augmentation démesurée des tâches, parfois formelles, à accomplir dans le cadre de l’établissement auxquelles s’ajoutent toutes celles liées à l’EPS, et dans le même temps une surabondance de prescriptions, des programmes aux évaluations en passant par les injonctions locales, qui toutes, limitent les possibilités concrètes d’action et d’intervention des enseignants d’EPS. Les référentiels pour le DNB et la circulaire BAC parus au mois de juillet font déborder le vase. Les l’enseignants, pour reprendre l’expression imagée de Yves Clot, se sentent à l’étroit dans leur métier, dont la richesse a été gommée au nom de l’homogénéisation, principe auquel nous adhérons, mais qui revêt davantage aujourd’hui un caractère d’uniformisation et de normalisation que nous dénonçons.
Les enseignants se sentent de plus en plus considérés comme des applicateurs. Par exemple dans mon académie on vient de recevoir un courrier des IPR pour préparer les inspections : outre le fait qu’il faut présenter un dossier qui justifie quasiment tout ce que l’on fait en partant des contrats d’objectifs, on nous explique en plus pourquoi et comment il faut que nous fassions attention à l’échauffement dans nos cours. Ça va ! A quoi ça sert d’être formés aujourd’hui à BAC + 5, d’être des cadres A de la fonction publique si c’est pour qu’on nous dise comment il faut s’échauffer, comment et quoi évaluer etc. Dans ces conditions, une formation à BAC+2, d’animateurs un peu éclairés, devrait suffire pour appliquer « l’EPS d’en haut ». Nous sommes arrivés à un stade où c’est allé trop loin. La profession a déjà contourné le problème pratiquement, en détournant les textes. L’exemple du BAC est le plus évident et le plus connu. Tout le monde sait que les référentiels sont transformés. Quant aux référentiels du DNB, n’en parlons même pas. On nous demande sans arrêt : mais qui a bien pu « pondre » des trucs pareils ? Nous n’en savons rien. Il faut revenir à un fonctionnement plus raisonnable et démocratique. Nous entendons aussi faire passer ce message au ministère.
Mais ce qui est le plus important, c’est de discuter le projet de « Manifeste » que nous proposons, pour le critiquer, le faire évoluer. Que l’on soit d’accord ou pas, il faut débattre, c’est comme ça que nous avancerons ensemble. Les débats ont déjà commencé, et se poursuivront dans l’année qui vient dans toutes les académies. Il y aura un temps fort au mois de mai : nous organiserons des Etats Généraux de l’EPS et du sport scolaire, dont l’objectif sera de synthétiser tous les échanges et faire des propositions alternatives et une publication ensuite pour toute la profession, le gouvernement, les parents. Est-ce que l’institution sera présente à ce rassemblement ? Nous invitons toujours l’Inspection Générale à nos rencontres, nos séminaires. Mais ces dernières années elle a délaissé le débat avec la profession…

La page du manifeste
Le site du SNEP


Rencontre : Denis Abonnen et le bureau national de l’AE-EPS donnent rendez-vous aux collègues pour discuter de la nouvelle évaluation au DNB et au BAC.

Ce mois-ci, nous avons rencontré Denis Abonnen président de l’AE-EPS. Pour lui, la nouvelle évaluation au DNB et au Bac crée un trouble au sein de la profession. Ainsi, depuis la rentrée, l’association est interpellée par des collègues qui éprouvent des difficultés pour appliquer les textes parus pendant les vacances. Plusieurs raisons sont avancées par les enseignants pour rendre compte de leur malaise, notamment celle de la faisabilité. Logiquement, nous avons voulu en savoir un peu plus sur ces raisons.

La nouvelle évaluation au DNB et au BAC semble poser de nombreux problèmes, pouvez vous nous en parler, et quels sont les retours des collègues sur celle-ci ?
Bien que nous n’ayons pas encore de nombreux retours, car la procédure d’organisation des journées d’action sur le thème de l’évaluation vient d’être lancée, des responsables régionaux nous ont donné des éléments de réponse partiels mais qui peuvent permettre de mesurer l’état d’esprit dans lequel se trouvent certains collègues.
En premier, un constat général commun au BAC et DNB s'impose chez la grande majorité des collègues : la parution des textes est beaucoup trop tardive par rapport à leur application pratique. Cela pose des problèmes au niveau des équipes pédagogiques pour régler les problèmes d’installations qui se posent (le relais 4x50 m par exemple pour le bac impossible à réaliser sur une piste de 100 m alors que l’épreuve du 2x40 m le permettait). Or l’utilisation des installations sportives est généralement négociée en Mai-Juin. Difficultés également pour construire dans l’urgence les procédures d'évaluation (Indicateurs retenus, fiches de recueil, etc...) pour bon nombre d'activités sans barèmes.
Pour ce qui concerne les fiches DNB, il est signalé une part peu importante concernant les "compétences générales" qui souvent sont notées sur 4 points. Cela représente 1/5ème de la note finale ! C'est bien peu au regard de l'importance des compétences méthodologiques et sociales pour l'enjeu social et sociétal de l'EPS. C'est nettement moins que la précédente évaluation au brevet de 1987 qui accordait alors 1/3 des points aux connaissances-participation-progrès !
Autre problème important : la temporalité ! En effet, bien souvent les équipes n'ont pas eu le temps de se concerter suffisamment avant la première épreuve d'évaluation. De plus des conceptions et des appréciations différentes des textes nécessitent de nombreuses réunions et discussions avant d'aboutir à un projet partagé.
Pour résumé, ce n'est pas normal que les équipes n'aient pas au moins une année scolaire de recul par rapport à la sortie de textes d'évaluation aux examens !

Il semble que la problématique se situe autour des contraintes qu’imposent les protocoles, par rapport à la nécessité pour l’enseignant d’avoir une « certaine liberté » afin de concevoir et d’adapter son évaluation à la singularité des contextes ?
En effet, pour le BAC par exemple, on note une complexité des protocoles et un nombre important d'indicateurs. De plus, la complexité de certains protocoles (ex en badminton, en musculation, ...) ne permet pas d'évaluer raisonnablement une classe sur le temps imparti de pratique de 1h30 correspondant à la majorité des établissements. Tout ceci risque d'inciter les équipes pédagogiques à faire fonctionner la technique  de « l’œil du maquignon ». On met la note et puis on valide les critères à postériori, alors que c'est tout le contraire que l'on souhaiterait : des protocoles simples avec des aménagements facilitant l'observation d'indicateurs pertinents de compétence.
Autres remarques : le nombre de joueurs est imposé en sports collectifs sans tenir compte des spécificités des établissements et des élèves. De même les barèmes fixés ne permettent pas de prendre en compte les conditions différentes d’enseignement (qualité des installations : par exemple,  nombre de terrains, piste synthétique ou en  cendrée).
Au final c’est bien la rigidité des « principes d'élaboration de l'épreuve » qui est amplifiée par le fait que les niveaux à atteindre sont souvent trop difficiles et mettent de nombreux élèves de lycées en difficulté notamment dans certaines activités : de performance (4x50 m) ou de confrontation (Volley-ball, Badminton, Basket-ball, Handball, ...). On n'évalue plus ce qui a été appris pendant le cycle, mais les qualités physiques de l’élève ou ses compétences acquises en dehors de l'école.
Au sujet du 4x50 m, cette épreuve pose un réel problème et est boycotté par de nombreux établissements. Il apparait comme une épreuve extrêmement difficile à enseigner (complexité liée au virage, à l'organisation des différents rôles), peu porteuse de progrès (répétitions quantitatives et qualitatives difficiles), difficile à évaluer (notamment les entrées et sorties de zone de transmission) et injuste (la note d'un élève dépend pour 75% de l'efficacité ou l'inefficacité des autres). Au final, les enseignants laisseront-ils les vraies notes aux élèves ?
En ce qui concerne le DNB, la différence est nette avec le BAC. Alors qu'il n'y a pas souplesse dans les "principes d'élaboration de l'épreuve" pour le BAC, de nombreux aménagements sont possibles pour le DNB. La relative souplesse introduite dans les fiches DNB facilitera l'évaluation de la compétence car elle permettra aux équipes de construire des contextes permettant de cibler l'objet d'enseignement à évaluer.
D’une façon générale, d’autres réflexions viendront sans doute compléter ce tableau provisoire et partiel après nos journées d’action régionales consacrées à la thématique de l’évaluation au BAC et au DNC.

Face à ces problématiques, que faire?
Notre association, comme l’ensemble de la profession le sait, est totalement investie dans le secteur de la formation pédagogique en EPS. Reconnue comme association de professeurs spécialistes, son secteur d’activité et d’intervention est l’ensemble des questions pédagogiques et didactiques se rapportant à l’enseignement de l’EPS. Aussi nous prenons en considération ce problème de l’évaluation du BAC et du DNB qui relève de l’organisation pédagogique de l’EPS dans les établissements scolaires et des choix méthodologiques et didactiques devant être décidés en équipe pédagogique d’établissement. Nous estimons qu’il mérite d’être débattu sereinement. L’opinion des enseignants qui mettent en œuvre les directives pédagogiques réglementaires de l’EPS doit pouvoir être exprimée.
C’est la raison pour laquelle nous avons dernièrement invité nos différents responsables régionaux à organiser une action (bistrot pédagogique, atelier de pratique, conférence) sur le thème de l’évaluation au DNB et au BAC afin de favoriser des échanges entre collègues. La synthèse de ces débats nous permettra ainsi de pouvoir argumenter sur le plan de l’organisation et de la pédagogie de l’EPS lors d’une rencontre auprès de l’Inspection générale.

Merci au Bureau national de l’AE-EPS : Denis Abonnen, François Lavie, Bruno Méar

Le site de l’AE-EPS

L’évaluation en débat

La rencontre avec l’association dans le mensuel 132
http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/eps/Pages/2012/132_1.aspx


Sur le site du Café


Par antoinemaurice , le jeudi 20 décembre 2012.

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