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Chef d'établissement : Un métier sous pression ? 

Par François Jarraud


Dans la transformation de l'Ecole par le New Public Management, les chefs d'établissement sont aux premières loges. C'est peut-être ce qui motive la Revue internationale d'éducation  de Sèvres de consacrer un numéro (n°60) au "métier de chef d'établissement". Confié à Ghislaine Matringe, ancien chef d'établissement et ancienne directrice de l'encadrement au ministère, ce dossier analyse l'évolution du métier dans plusieurs pays, la France bien sûr mais aussi la Suède, les Etats-Unis, le Portugal, le Chili, l'Allemagne et la Slovénie. Au delà des différences, une certitude : le métier est coincé entre New Public Management et monde enseignant. Entre marteau et enclume.

"On ne peut plus faire reposer la réussite de l'Ecole sur les seules épaules des chefs d'établissement", écrit sans complexe Ghislaine Matringe en ouverture du dossier. C'est que partout le nouveau management public pousse en avant le rôle du chef d'établissement et particulièrement en direction des enseignants. Dans cette nouvelle optique, il est le leader d'un établissement doté de l'autonomie avec une double mission de leader pédagogique et de manager.

Voilà pour la théorie. Car la réalité est nettement plus complexe selon les pays et aussi, en France, selon les établissements. Cette nuance est apportée par Alain Bouvier dans une table ronde avec Bernard Toulemonde, Anne Barrère et un proviseur Pascal Bolloré. Il n'y a rien de commun entre le principal d'un collège de 60 élèves et d'une cité scolaire de 2000, entre un collège de ZEP et un établissement prestigieux de centre ville. L' idée d'autonomie elle-même est à nuancé selon B Toulemonde, le chef d'établissement croulant sous les directives. "Plus il y a d'autonomie, plus il y a de contrôle" , confirme Anne Barrère. Elle montre aussi que les chefs d'établissement restent attachés à la conception républicaine et étatique de leur fonction.

Mais le grand intérêt de cette revue ce sont les éclairages internationaux. Elle nous montre des chefs d'établissement américains bardés de tests et affirmant sans complexe leur leadership. Mais il sont surtout soucieux de réunir leur équipe autour d'objectifs communs. Ici la direction se partage. Autre cas intéressant : le Portugal. Le pays a été touché par le New Public Management mais il a gardé des chefs d'établissement élus par le conseil d'établissement.

Le cas le plus intéressant est surement celui de la Suède. Le pays a totalement appliqué les thèses du New Public Management. Les parents ont une liberté totale de choix de l'école, assurée par des chèques éducation, y compris dans le privé, ce qui entretient la concurrence. L'établissement ne dépend plus que d'autorités locales qui fixent le curriculum et salarient les personnels. Le Rektor, chef d'établissement,  fixe les salaires et licencie les enseignants. L'école centralisée et étatique a été totalement gommée. C'est sans doute le pays qui est allé le plus loin sur cette voie, nous explique la Revue. Mais le rêve a tourné au cauchemar. Les résultats dans PISA se sont dégradés. Le métier de chef d'établissement tout puissant n'attire pas; le chef d'établissement "primus inter pares" est devenu, nous dit avec humour Dan Collberg,  l'"ultimus inter superiores". Le grand chef n'est plus que le dernier des petits chefs de l'administration communale. Il a perdu la noblesse que lui donnait la fonction étatique. Le pays réfléchit à recentraliser et refonctionnariser son système éducatif.

De ce voyage au pays des chefs d'établissement, se dégage l'idée d'un métier qui reste en construction. Il est dommage que la revue ne s'attarde pas à explorer le paysage quotidien du chef d'établissement français. Comment se passent réellement les relations avec les autorités de tutelle et avec les enseignants ? Car c'est aussi dans ces confrontations que le métier se bâtit.
 
Le métier de chef d'établissement, Revue internationale d'éducation de Sèvres, n°60, septembre 2012.

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Par fjarraud , le jeudi 25 octobre 2012.

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