Deux Journées pour l'innovation 

Par François Jarraud


Les 28 et 29 mars, le ministère de l'éducation nationale a organisé, en partenariat avec la Commission nationale française de l'Unesco, des "Journées de l'innovation". Deux journées où la vingtaine d'enseignants innovants invités étaient dans les couloirs pendant que défilaient en amphithéâtre les invités officiels...



"Le temps est révolu où la hiérarchie s'opposait à l'innovation" promet Jean-Michel Blanquer, directeur général de l'enseignement scolaire en ouvrant le 28 mars les Journées de l'innovation. "Il y a maintenant un encouragement à innover". Selon JM Blanquer, 2500 écoles ou établissements scolaires seraient "innovants", faisant de l'innovation  un point fort du ministère. Avec quels projets ? Quel accompagnement ? Quelles équipes ? On ne le saura pas car, après JM Blanquer, les conférences reviennent sur quelques idées du patron de la Dgesco en matière d'innovations : le jeu d'échec et les neurosciences.


L'école en échecs ? C'est Garry Kasparov, ancien champion du monde d'échecs qui parle juste après JM Blanquer. En janvier, une circulaire ministérielle a vivement invité les écoles à introduire le jeu d'échecs. Le texte dote le jeu d'échecs de toutes les vertus dont l'école a besoin. " La pratique du jeu d'échecs conduit à développer des compétences mobilisant logique, stratégie, rigueur, concentration, mémoire et capacité d'abstraction, qui sont toutes des facteurs de réussite. Il convient d'ajouter certains bienfaits observés sur les apprentissages et en particulier sur l'apprentissage de la citoyenneté, par le respect des règles et d'autrui. Certaines retombées positives peuvent également être attendues dans certains cas sur la prévention contre le décrochage scolaire ou la qualité des liens parentaux, par l'introduction ou la réactivation du jeu au sein des familles". Garry Kasparov est plus modeste mais il parle longuement des effets sur la concentration, l'estime de soi de son jeu préféré. Mais comment introduire ce jeu dans les enseignements ?  La pratique est renvoyée aux "clubs d'échecs" et le lien avec l'innovation pédagogique semble ténu.


On entre davantage en terrain scolaire avec l'intervention de Bruno Della Chiesa (CERI, OCDE) sur les neurosciences. Dans un exposé à la fois très drôle et très riche, B Della Chiesa a transmis une vision très humaine des neurosciences. "Les neurosciences ne résoudront pas tous les problèmes de l'école" a-t-il affirmé d'emblée. Il s'est longuement attaché à détruire les "neuro mythes" qui circulent des médias vers les journées de formation. Non on n'utilise pas que 10 à 20% de son cerveau, affirme B Della Chiesa, ajoutant qu'il y a des exceptions chez les politiques... Non il n'y a pas de différence entre un cerveau masculin et féminin. Non il n'y a pas un âge au-delà duquel on n'apprendrait plus. Bien au contraire, "il n'est jamais trop tard pour apprendre", même s'il y a des âges plus propices pour certains apprentissages.


Il revenait à Anthony Salcito, vice-président de Microsoft, de conclure la matinée en nous emmenant dans la classe. Grand, jeune, athlétique, à la tête d'un empire, A Salcito a parlé avec modestie. "Ce ne sont pas des machines qui sont l'avenir de l'école mais ses élèves", explique-t-il. Si la technologie doit entrer dans l'école comme elle a pénétré toute la société, à elle seule, elle ne peut pas changer l'Ecole. "Il faut revoir les paradigmes éducatifs et pas seulement mettre de la technologie dans les salles de classe", affirme-t-il. Il en donne un exemple en montrant les apports possibles de jeux sérieux pour motiver les élèves. Il s'appuie sur  les programmes éducatifs financés par Microsoft un peu partout dans le monde.


Dans les couloirs, une vingtaine de projets innovants sont présentés par une poignée d'enseignants perdus dans un océan de Cardie, d'inspecteurs et de cadres du système éducatif.


Liens :

Le programme

http://www.eduscol.education.fr/cid59102/les-journees[...]

Comprendre le cerveau

http://www.oecd.org/document/40/0,3746,en_21571361_49995565_38[...]

Circulaire sur le jeu d'échec

http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_offici[...]

Le blog d'A Salcito

http://blogs.msdn.com/b/microsoftuseducation/

Le programme de recherche de Microsoft Education

http://www.pilsr.com/



JM Blanquer : "L'innovation : un état d'esprit insufflé dans le système"


" On ne peut pas compter seulement sur l'innovation spontanée des acteurs". Jean-Michel Blanquer, directeur général de l'enseignement scolaire, montre les objectifs du Département de l'innovation (DRDIE) du ministère et de l'article 34. Encourager les acteurs et aider à la réussite éducative de tous...


Pour vous, où en est l'innovation dans le système éducatif français ?


Nous avons promu l'innovation au coeur du système éducatif avec la création du Département de la recherche et du développement, de l'innovation et de l'expérimentation au ministère (DRDIE) et la mise en place de Cardie dans les académies. Si l'innovation est consubstantielle à l'éducation, c'est surtout un état d'esprit qu'il faut insuffler dans le système. On ne peut pas compter seulement sur l'innovation spontanée des acteurs. Les innovations véritables nécessitent un écosystème qui repose sur la stimulation entre les niveaux concernés. Il est donc inévitable d'institutionnaliser l'innovation. C'est ce qu'on fait avec le DRDIE et en insufflant l'état d'esprit dans le réseau avec des écrits sur l'innovation, notre méthodologie de l'innovation et les Journées de l'innovation.

Lisez la suite de l'entretien avec JM Blanquer

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/03/28[...]



Expérimentation et innovation

" Ce numéro thématique d’Éducation & formations rassemble des contributions d’origines diverses dont le regroupement vient éclairer les multiples facettes de l’importance prise par la dynamique des expérimentations dans le système éducatif français. La variété des auteurs répond volontairement à la variété des acteurs qui façonnent la transformation de ce système", écrit l'introduction à ce nouveau numéro d'Education & formations, une publication de la Dgesco. Chargé de porter la parole officielle au moment des Journées, ce numéro brouille les cartes en permanence. Il mêle de véritables études présentées par des scientifiques et des articles de commande réalisés par des administratifs. Ainsi c'est à la directrice du département de l'innovation (DRDIE) qu'il demande de faire le point sur l'innovation. C'est un cardie (correspondant académique ) qui présente une expérimentation  "bottom up" ! A coté on trouve des études comme celle sur l'accompagnement de collégiens dans la recherche de stages, une expérimentation sur l'utilisation d'évaluations standardisées en CM1, ou encore une enquête de santé publique.

Education & formations n°81

http://media.education.gouv.fr/file/81/40/5/DEPP[...]



Innovations à l'Education nationale : Que de paradoxes pour Yves Reuter


On a oublié d'inviter Yves Reuter aux Journées. Pourtant il a dirigé le rapport commandé par le HCE sur les expérimentations liées à l'article 34.


Interrogé par le Café en décembre dernier, il dressait un portrait sévère de la façon dont l'éducation nationale veille aux expérimentations. Si le discours officiel les met en avant, sur le terrain les enseignants innovants sont seuls et leur travail n'est pas valorisé. " On peut dire qu'il y a encore une contradiction entre la volonté affichée par le ministre de valoriser l'expérimentation et la réalité de la mise en oeuvre."

Lisez l'entretien avec Yves Reuter

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/12[...]

Lisez le compte-rendu du rapport du HCE

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/12[...]



La Grande Lessive : Une innovation qui fait le tour du monde


"Un vrai bonheur dans le collège". Yann, un collégien de 5ème, n'en revient pas. Ce jeudi 29 mars, la cour de récréation du collège Raymond Queneau (Paris 5ème) est envahie par des cordes à linge sur lesquelles sont accrochés pas moins de 5 000 bonhommes. Dix par élève. La Grande Lessive a encore visité le collège...


"La Grande Lessive repose sur le détournement d'une pratique familiale commune et incontournable. Le dispositif propose ainsi une version accessible de l'exposition, mais aussi de la pratique artistique", nous disait en 2007, à l'occasion de la première grande lessive, la plasticienne Joëlle Gonthier. "Il s'agit le jour venu d'étendre le matin une feuille de format A4 à l'aide de pinces à linges sur un fil tendu dans un lieu convenu. Un dessin, une photographie, un collage, une peinture... réalisés pour l'occasion de préférence hors de l'école seront accrochés par leur auteur qui signera au dos de la réalisation. Le soir, chacun reprendra ce qui portera désormais trace du regard porté par d'autres".


Le 29 mars, au collège Raymond Queneau de Paris, 5 000 figurines en papier ou en carton s'agitent sous le vent dans la cour du récréation. Des élèves ont recopié des personnages de série ou de dessins animés. Certains bonhommes  portent des photos. On croit reconnaitre une mère ou une soeur. Certains sont totalement dessinés : un squelette, un animal. Tout un univers, celui des élèves, ondule au vent. Il y a aussi quelques bonhommes réalisés par le professeur. "Avec La Grande Lessive, les élèves peuvent montrer beaucoup plus facilement qu'en classe quelque chose d'eux qui va être regardé par les autres et non par le seul professeur", nous confie J Gonthier. "Ils découvrent que le regard porté transforme leur propre pratique".


Pratique sociale et crédibilité artistique


Yann, notre collégien de 5ème, est surpris. "Je ne croyais pas que ça marcherait". De fait il y a des milliers de bonshommes différents. Et les élèves se déplacent précautionneusement dans la cour de récréation pour éviter de faire tomber des bonshommes. Quand ça arrive, ils sont remis en place. Par terre un seul bonhomme a fini l'exposition avant l'heure. "Ca rend le collège vivant" explique Yann qui rit encore de la surprise des professeurs devant le spectacle donné par la cour. "Dans la classe, on a décidé d'accrocher ensemble nos bonhommes pour l'ambiance".


"A travers l'oeuvre collective qu'est la Grande Lessive, les élèves voient que le monde est grand et que chacun y a sa place", poursuit Joëlle Gonthier. "C'est la différence avec une exposition de fin d'année où on sélectionne les meilleurs et on élimine les autres. Le projet est né d'un besoin social d'être ensemble. Mais les gens ont aussi besoin d'exprimer quelque chose d'eux en relation avec les autres. Aujourd'hui, la Grande Lessive a trouvé sa crédibilité artistique. Au collège, les élèves ont travaillé sur le rapport au corps et à l'imaginaire, comment concrétiser quelque chose qui me ressemble et qui se détache de moi".


Une multinationale française


Depuis 2007, une dizaine de lessives ont eu lieu et l'événement a grandi au point de devenir mondial. Ce 29 mars, un millier d'établissements scolaires, de crèches, de places de village, étendent leurs cordes à linge. La Grande Lessive s'est levée à Tahiti, est passée à La Réunion, à Madagascar, à Beyrouth puis à Saint Louis du Sénégal et Casablanca. Le 29 dans l'après-midi, elle arrive au Canada et aux Etats-Unis. La Grande Lessive a suivi les câbles de la toile et des milliers d'acteurs se sont emparés du concept au point que c'est probablement l'événement artistique français le plus exporté. La force du concept est telle que sa diffusion se fait sans publicité, sans budget grâce à la fidélité des acteurs qui relaient ce qu'ils vivent lors des Grandes Lessives.


Innovation : Quelle place pour le bottom - up ?


"Ni crédit, ni subvention", explique Joëlle Gonthier. Ni soutien officiel. Venue du terrain, la Grande Lessive bénéficie des encouragements de l'académie de Paris, du soutien de la principale du collège, N. Civiale, de son adjointe V. Haueur et de la bonne volonté de l'équipe pédagogique du collège Queneau. Au-delà, elle profite de la complicité de tout un réseau de centaines de chefs d'établissement, d'inspecteurs, d'inspecteurs d'académie, de collectivités territoriales. Mais à un quart d'heure de l'Unesco, où se tiennent les "Journées de l'innovation", cet événement géant n'est toujours pas reconnu par le ministère de l'éducation nationale. Cette grande innovation pédagogique mobilise depuis 5 ans des milliers de personnes dans une certaine indifférence officielle.


François Jarraud


Le site de La Grande Lessive

http://www.lagrandelessive.net/

Le dossier de la première Grande Lessive

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/GrandeL[...]

A Carcassonne en 2010

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/03/g[...]


Sur le site du Café

Par fjarraud , le samedi 21 avril 2012.

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