JM Blanquer : "L'innovation : un état d'esprit insufflé dans le système" 

"On ne peut pas compter seulement sur l'innovation spontanée des acteurs". Jean-Michel Blanquer, directeur général de l'enseignement scolaire, montre les objectifs du Département de l'innovation (DRDIE) du ministère et de l'article 34. Encourager les acteurs et aider à la réussite éducative de tous...


Pour vous, où en est l'innovation dans le système éducatif français ?


Nous avons promu l'innovation au coeur du système éducatif avec la création du Département de la recherche et du développement, de l'innovation et de l'expérimentation au ministère (DRDIE) et la mise en place de Cardie dans les académies. Si l'innovation est consubstantielle à l'éducation, c'est surtout un état d'esprit qu'il faut insuffler dans le système. On ne peut pas compter seulement sur l'innovation spontanée des acteurs. Les innovations véritables nécessitent un écosystème qui repose sur la stimulation entre les niveaux concernés. Il est donc inévitable d'institutionnaliser l'innovation. C'est ce qu'on fait avec le DRDIE et en insufflant l'état d'esprit dans le réseau avec des écrits sur l'innovation, notre méthodologie de l'innovation et les Journées de l'innovation.


Pour vous l'innovation c'est quelque chose qui change les paradigmes ou un repérage de bonnes pratiques ?


Il faut distinguer l'expérimentation, qui suppose un protocole et une méthodologie précise de l'innovation qui est plus large et fait référence à la capacité des acteurs à proposer quelque chose de nouveau dans leur pratique. Souvent c'est proche de quelque chose que d'autres ont pu faire mais avec une rupture d'un paradigme pédagogique. C'est ce changement de paradigme qui fait l'innovation. Il y a deux écueils que nous évitons avec le développement institutionnel de l'innovation : faire de l'innovation,  un simple mot valise superficiel et bureaucratiser l'innovation.  .


L'article 34 de la loi de 2005 vise des expérimentations ou des innovations ?


Beaucoup d'acteurs pensent que l'institution est castratrice et que l'innovation est contraire aux règles. Or, l'esprit de l'article 34 c'est qu'on ne peut plus dire qu'un enseignant ou un établissement ne peuvent réaliser une bonne idée parce qu'elle serait bridée par l'institution. L'article 34 est un message aux acteurs. L'article 34 maintient des règles mais il précise que l'institution encourage l'expérimentation. Il renvoie aussi à une méthodologie : l'évaluation. Comme personne n'a la vérité infuse, il faut avancer par la preuve et l'expérimentation. On commence maintenant à avoir plusieurs politiques évaluées. Par exemple, le programme PARLER dans l'académie de Lyon, dont les résultats n'ont pas a été a la hauteur attendue mais qui nous aide à progresser sur la lecture. L'innovation peut aussi être une rampe de lancement. Par  exemple "la mallette des parents" a d'abord concerné 540 collèges. Aujourd'hui elle en  touche 1300.


Peut-on vraiment dire que "la mallette des parents" est innovante puisqu'elle reprend des dispositifs antérieurs ? PARLER, vous le mentionnez, n'a pas été une pleine réussite. Est-ce une innovation ?


Justement on voit que chaque expérimentation est un cas particulier. La mallette des parents c'est tout simple et peu couteux avec malgré tout des effets mesurés scientifiquement. C'est comme Soyouz ! Le fait qu'il y ait eu des précédents dans le passé, c'est possible. Mais jamais on n'a eu de programme aussi systématique. Pour la mallette, on a créé un protocole, des appuis pour les acteurs, un nom qui fait référence. PARLER est plus sophistiqué. C'est Ariane ! Pour innover il faut les deux, Soyouz et Ariane.


Avec l'article 34 et le réseau des CARDIE, l'innovation est pilotée par en haut. Est-ce une nécessité ?


Le ministère existe et il est normal que l'innovation connaisse un cadre national. C'est un atout pour la France. Cela nous permet de faire des propositions au niveau européen. Par exemple, le système informatisé de repérage des décrocheurs que nous avons imaginé a été exposé à Amiens à des chefs d'établissement européens. On a vu leur intérêt. On n'a pas à rougir de l'inventivité du système français. Il montre l'intérêt d'un service public national.


Quand on interroge les Inspecteurs d'académie, on découvre que l'innovation article 34 est aussi un moyen de gérer des manques d'heures et de répondre à des protestations locales sur la DGH. Y Reuter, dans le rapport qu'il a réalisé pour le HCE, témoigne de la résistance d'enseignants contre l'innovation officielle. Il montre aussi des professeurs innovants laissés à l'abandon. N'est-ce pas là le prix à payer pour cette institutionnalisation de l'innovation ?


On peut se complaire dans des discours de la déploration. Mais, aujourd'hui, nier que le système est très engagé dans l'innovation c'est vraiment accompagner les éléments de faiblesse que l'on déplore. Il y a une vraie dynamique de l'innovation. Je l'ai personnellement rencontrée.  Quand on visite un établissement qui fait "cours le matin sport l'après midi", on voit des élèves plus assidus. Ce n'est pas une invention du ministère. Evidemment, 100% des professeurs ne se sont pas appropriés l'innovation. Mais la réalité est contagieuse. Le terrain fait la démonstration que les lignes bougent. On ne peut pas se baser sur des insuffisances pour dire que l'innovation n'avance pas.


La critique c'est plutôt que plus ca vient d'en haut plus le champ de l'innovations se rétrécit...


On ne souhaite pas du tout que le ministère inspire toutes les innovations. Ce qui est fait en permanence c'est l'appui aux volontés locales d'innover. On ne doit pas opposer le local et le national.


N'y a-t-il pas une contradiction entre cet intérêt pour l'innovation et la qualité de la formation actuelle des enseignants ?


Le sous-entendu de cette question c'est que la formation des enseignants ne serait pas suffisante. Cela je ne le crois pas. La responsabilisation des université dans leur formation va justement mener à plus d'innovations dans leur formation. Dans la formation continue, le poids de l'innovation est plus important. Des thématiques sont devenues clés dans la vie des enseignants comme les TICE. La réforme complète des programmes que l'on a mené de façon cohérente est elle même porteuse d'innovation car elle inclut de nouvelles progressions, de nouveaux outils mais aussi de nouvelles approches comme le lien entre les programmes et le Livret personnel de compétences. Dans cette nouvelle organisation, nous avons donné plus d'autonomie à l'élève. L'innovation est un véritable appui à l'objectif de qualifier tous les jeunes qui quittent le système éducatif. C'est une aide à la personnalisation de l'enseignement.


Propos recueillis par François Jarraud en février 2012.


Les Journées de l'innovation

http://www.eduscol.education.fr/cid59102/les-journees-de-l[...]



Par fjarraud , le mercredi 28 mars 2012.

Partenaires

Nos annonces