L’exercice d’activités privées à titre lucratif 

Après avoir constaté dans la rubrique juridique du mois de décembre la perte de pouvoir d’achat dans l’Education nationale ou, au mieux, sa stagnation, et envisager sa compensation par la demande de l'indemnité dite de garantie individuelle du pouvoir d’achat, voici, ce mois ci, l’exposé des règles applicables en matière de cumul d’activités dans la fonction publique.


Ou comment travailler plus pour gagner plus en toute légalité…



L’article 25 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose :

I.- Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit.

Sont interdites, y compris si elles sont à but non lucratif, les activités privées suivantes :

1° La participation aux organes de direction de sociétés ou d'associations ne satisfaisant pas aux conditions fixées au b du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts ;

2° Le fait de donner des consultations, de procéder à des expertises et de plaider en justice dans les litiges intéressant toute personne publique, le cas échéant devant une juridiction étrangère ou internationale, sauf si cette prestation s'exerce au profit d'une personne publique ;

3° La prise, par eux-mêmes ou par personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration à laquelle ils appartiennent ou en relation avec cette dernière, d'intérêts de nature à compromettre leur indépendance.

Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public peuvent toutefois être autorisés à exercer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à titre accessoire, une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé, dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n'affecte pas leur exercice.


II.-L'interdiction d'exercer à titre professionnel une activité privée lucrative et le 1° du I ne sont pas applicables :

1° Au fonctionnaire ou agent non titulaire de droit public qui, après déclaration à l'autorité dont il relève pour l'exercice de ses fonctions, crée ou reprend une entreprise. Cette dérogation est ouverte pendant une durée maximale de deux ans à compter de cette création ou reprise et peut être prolongée pour une durée maximale d'un an. La déclaration de l'intéressé est au préalable soumise à l'examen de la commission prévue à l'article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ;

2° Au dirigeant d'une société ou d'une association ne satisfaisant pas aux conditions fixées au b du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts, lauréat d'un concours ou recruté en qualité d'agent non titulaire de droit public, qui, après déclaration à l'autorité dont il relève pour l'exercice de ses fonctions, continue à exercer son activité privée. Cette dérogation est ouverte pendant une durée maximale d'un an à compter du recrutement de l'intéressé et peut être prolongée pour une durée maximale d'un an. Sa déclaration est au préalable soumise à l'examen de la commission prévue à l'article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 précitée.


III.-Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public peuvent librement détenir des parts sociales et percevoir les bénéfices qui s'y attachent. Ils gèrent librement leur patrimoine personnel ou familial.

La production des oeuvres de l'esprit au sens des articles L. 112-1, L. 112-2 et L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle s'exerce librement, dans le respect des dispositions relatives au droit d'auteur des agents publics et sous réserve des dispositions de l'article 26 de la présente loi.

Les membres du personnel enseignant, technique ou scientifique des établissements d'enseignement et les personnes pratiquant des activités à caractère artistique peuvent exercer les professions libérales qui découlent de la nature de leurs fonctions.


IV.-Les fonctionnaires, les agents non titulaires de droit public, ainsi que les agents dont le contrat est soumis aux dispositions du code du travail en application des articles 34 et 35 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, occupant un emploi à temps non complet ou exerçant des fonctions impliquant un service à temps incomplet pour lesquels la durée du travail est inférieure ou égale à 70 % de la durée légale ou réglementaire du travail des agents publics à temps complet peuvent exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative dans les limites et conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.


V.-Sans préjudice de l'application de l'article 432-12 du code pénal, la violation du présent article donne lieu au reversement des sommes indûment perçues, par voie de retenue sur le traitement.

Les dispositions de cet article sont souvent l'objet de questions de la part de professeurs qui veulent savoir s'ils peuvent exercer une autre activité que celle d'enseignant, telle que professeur exploitant d'un club de plage, gérant, consultant, etc.…


D’autant plus que le risque de devoir reverser plusieurs années de traitement perçu est réel.


Il convient pour avoir réponse à ces questions de se reporter au décret n°2007-658 du 2 mai 2007 modifié relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l'État, un décret plutôt clair à lire et interpréter.

Article 1 Dans les conditions fixées au dernier alinéa du I de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et celles prévues par le présent décret, les fonctionnaires, les agents non titulaires de droit public et les ouvriers régis par le régime des pensions des établissements industriels de l'Etat peuvent être autorisés à cumuler une activité accessoire à leur activité principale, sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service. Cette activité peut être exercée auprès d'une personne publique ou privée. Un même agent peut être autorisé à exercer plusieurs activités accessoires.


Vous pouvez donc être autorisé à cumuler des activités accessoires mais ce n'est pas un droit. Cette autorisation peut vous être refusée si elle porte atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service.

Article 2 Les activités accessoires susceptibles d'être autorisées sont les suivantes :

I.-Dans les conditions prévues à l'article 1er du présent décret :

1° Expertise et consultation, sans préjudice des dispositions du 2° du I de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et, le cas échéant, sans préjudice des dispositions des articles L. 413-8 et suivants du code de la recherche ;

2° Enseignement et formation ;

3° Activité à caractère sportif ou culturel, y compris encadrement et animation dans les domaines sportif, culturel, ou de l'éducation populaire ;

4° Activité agricole au sens du premier alinéa de l'article L. 311-1 du code rural dans des exploitations agricoles non constituées sous forme sociale, ainsi qu'une activité exercée dans des exploitations constituées sous forme de société civile ou commerciale ;

5° Activité de conjoint collaborateur au sein d'une entreprise artisanale, commerciale ou libérale mentionnée à l'article R. 121-1 du code de commerce ;

6° Aide à domicile à un ascendant, à un descendant, à son conjoint, à son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou à son concubin, permettant au fonctionnaire, à l'agent non titulaire de droit public ou à l'ouvrier d'un établissement industriel de l'Etat de percevoir, le cas échéant, les allocations afférentes à cette aide ;

7° Travaux de faible importance réalisés chez des particuliers.


II.-Dans les conditions prévues à l'article 1er du présent décret et à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale, outre les activités mentionnées au 1°, au 2°, au 3° et au 7° du I, et sans préjudice des dispositions de la loi du 13 juillet 1983 susvisée :

1° Services à la personne ;

2° Vente de biens fabriqués personnellement par l'agent.


Ainsi, vous pourrez être autorisé à gérer l'exploitation agricole familiale (à la condition que les terres et les machines appartiennent à la famille) ou à exercer en tant que conjoint collaborateur dans une entreprise artisanale ou commerciale mais pas comme gérant(e).

Article 3 Les activités exercées à titre accessoire peuvent être également :

1° Une activité d'intérêt général exercée auprès d'une personne publique ou auprès d'une personne privée à but non lucratif ;

2° Une mission d'intérêt public de coopération internationale ou auprès d'organismes d'intérêt général à caractère international ou d'un Etat étranger, pour une durée limitée.



Article 4 Le cumul d'une activité exercée à titre accessoire mentionnée aux articles 2 et 3 avec une activité exercée à titre principal est subordonné à la délivrance d'une autorisation par l'autorité dont relève l'agent intéressé.

Toutefois et sous réserve des interdictions d'exercice d'activités privées prévues aux 1°,2° et 3° du I de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, l'exercice d'une activité bénévole au profit de personnes publiques ou privées sans but lucratif est libre.

 


Article 5 Préalablement à l'exercice de toute activité soumise à autorisation, l'intéressé adresse à l'autorité dont il relève qui lui en accuse réception, une demande écrite qui comprend les informations suivantes :

1° Identité de l'employeur ou nature de l'organisme pour le compte duquel s'exercera l'activité envisagée ;

2° Nature, durée, périodicité et conditions de rémunération de cette activité.

Toute autre information de nature à éclairer l'autorité mentionnée au premier alinéa sur l'activité accessoire envisagée peut figurer dans cette demande à l'initiative de l'agent. L'autorité peut lui demander des informations complémentaires.



Article 6 L'autorité compétente notifie sa décision dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande.

Lorsque l'autorité compétente estime ne pas disposer de toutes les informations lui permettant de statuer sur la demande, elle invite l'intéressé à la compléter dans un délai maximum de quinze jours à compter de la réception de sa demande. Le délai prévu au premier alinéa est alors porté à deux mois.

En l'absence de décision expresse écrite contraire dans le délai de réponse mentionné aux premier et deuxième alinéas, l'intéressé est réputé autorisé à exercer l'activité accessoire.

L'activité accessoire ne peut être exercée qu'en dehors des heures de service de l'intéressé



Article 7 Tout changement substantiel intervenant dans les conditions d'exercice ou de rémunération de l'activité exercée à titre accessoire par un agent est assimilé à l'exercice d'une nouvelle activité.

L'intéressé doit adresser une nouvelle demande d'autorisation à l'autorité compétente dans les conditions prévues à l'article 5.



Article 8 L'autorité dont relève l'agent peut s'opposer à tout moment à la poursuite d'une activité dont l'exercice a été autorisé, dès lors que l'intérêt du service le justifie, que les informations sur le fondement desquelles l'autorisation a été donnée apparaissent erronées ou que l'activité en cause ne revêt plus un caractère accessoire.



Article 9 Dans l'exercice d'une activité accessoire, les agents sont soumis aux dispositions de l'article 432-12 du code pénal.


Cet article 432-12 du Code pénal est relatif à la prise illégale d'intérêt :


Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende.(…)


Vous conviendrez que la probabilité, pour les enseignants, d’être concerné par ces dispositions est faible.

Retour au décret n°2007-658 modifié relatif au cumul d'activités.

Article 10 Pour tenir compte des différences de nature ou de conditions d'exercice de fonctions, des conditions particulières plus restrictives d'application du présent chapitre à certains corps, cadres d'emplois, emplois ou professions peuvent être déterminées par décret ou par les dispositions ou les statuts particuliers qui les régissent.

 

Les professeurs ne sont pas concernés par de telles mesures restrictives.


Article 11 L'agent qui, en application de la dérogation prévue au 1° du II de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et en dehors des activités mentionnées au II de l'article 2 du présent décret, se propose de créer ou de reprendre une entreprise industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole, présente une déclaration écrite à l'autorité dont il relève, deux mois au moins avant la date de création ou de reprise de cette entreprise.

Cette déclaration mentionne la forme et l'objet social de l'entreprise, son secteur et sa branche d'activités ainsi que, le cas échéant, la nature et le montant des subventions publiques dont cette entreprise bénéficie.

L'autorité compétente saisit la commission de déontologie prévue à l'article 87 de la loi du 29 janvier 1993 susvisée de cette déclaration, dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle elle l'a reçue.

La commission de déontologie rend son avis dans un délai d'un mois à compter de l'enregistrement du dossier de saisine par son secrétariat.

Toutefois, la commission peut proroger une fois ce délai pour une durée d'un mois.

L'absence d'avis de la commission à l'expiration des délais susmentionnés vaut avis favorable.

Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice des dispositions des articles L. 413-1 et suivants du code de la recherche.

L'avis de la commission est transmis à l'autorité compétente, qui en informe l'intéressé.



Article 12 L'agent mentionné au 2° du II de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée déclare par écrit à l'autorité dont il est appelé à relever, son projet de continuer à exercer une activité privée.

Lorsqu'il est recruté en qualité de fonctionnaire, il transmet cette déclaration à l'autorité compétente dès sa nomination en qualité de fonctionnaire stagiaire.

Lorsqu'il est recruté en qualité d'agent contractuel, il transmet cette déclaration à l'autorité compétente préalablement à la signature de son contrat.

L'autorité compétente saisit pour avis la commission de déontologie dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle elle est informée du projet de l'intéressé. La commission de déontologie rend son avis dans les formes et les délais définis à l'article 11. Cet avis est transmis à l'autorité compétente qui en informe l'intéressé.



Article 13 Pour l'application du présent chapitre, la commission de déontologie contrôle la compatibilité des projets de création et de reprise d'une entreprise ainsi que des projets de poursuite d'une activité au sein d'une entreprise ou d'une association, au regard des dispositions de l'article 432-12 du code pénal.

Elle examine également si le cumul d'activités envisagé porte atteinte à la dignité des fonctions publiques exercées par l'agent ou risque de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l'indépendance ou la neutralité du service dans lequel il est employé.



Article 13-1 La commission peut entendre l'agent soit à sa demande, soit sur convocation si elle le juge nécessaire. L'agent peut se faire assister par toute personne de son choix.

La commission peut recueillir auprès des personnes publiques et privées toute information nécessaire à l'accomplissement de sa mission.



Article 14 L'autorité compétente se prononce sur la déclaration de cumul d'activités au vu de l'avis rendu par la commission de déontologie. Elle apprécie également la compatibilité du cumul envisagé d'activités au regard des obligations de service qui s'imposent à l'intéressé.

Sauf décision expresse écrite contraire, le cumul d'activités peut être exercé pour une durée maximale de deux ans, prorogeable pour une durée d'un an après dépôt d'une nouvelle déclaration un mois au moins avant le terme de la première période.

Les déclarations de prolongation de l'exercice d'activités privées mentionnées aux l° et 2° du Il de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée ne font pas l'objet d'une nouvelle saisine de la commission de déontologie.

L'autorité compétente peut à tout moment s'opposer au cumul d'activités qui contrevient ou ne satisfait plus aux critères de compatibilité mentionnés à l'article 13 et au premier alinéa du présent article.

L'agent ayant bénéficié des dispositions du présent chapitre ne peut solliciter l'exercice d'un nouveau cumul au titre de la création ou de la reprise d'une entreprise avant l'écoulement d'un délai de trois ans à compter de la date à laquelle a pris fin le cumul précédent.



Article 15 Les agents mentionnés au IV de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée peuvent exercer, outre les activités accessoires mentionnées aux articles 2 et 3 du présent décret, une ou plusieurs activités privées lucratives, dans des conditions compatibles avec leurs obligations de service et sous réserve que ces activités ne portent pas atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service.


Donc, même principe que pour les fonctionnaires exerçant à temps complet.


Article 16 L'intéressé informe par écrit l'autorité dont il relève, préalablement au cumul d'activités envisagé.

Cette autorité peut à tout moment s'opposer à l'exercice ou à la poursuite de l'exercice d'une activité privée qui serait contraire aux critères de compatibilité mentionnés à l'article 15.

L'agent qui relève de plusieurs autorités est tenu d'informer par écrit chacune d'entre elles de toute activité qu'il exerce auprès d'une autre administration ou d'un autre service mentionnés à l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée.

L'activité accessoire ne peut être exercée qu'en dehors des obligations de service de l'intéressé.

L'agent est soumis aux dispositions de l'article 432-12 du code pénal.



Article 18 Indépendamment de l'application du V de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, la violation des règles mentionnées aux chapitres Ier à III du présent décret expose l'agent à une sanction disciplinaire.


Attention : La sanction pour la violation des dispositions de décret sera en application du V de l'article 25 précité, le reversement des sommes indûment perçues par voie de retenue sur le traitement.



Article 19 Pour l'application du présent décret, les demandes d'autorisation, les déclarations de cumul d'activités ainsi que les avis de la commission de déontologie et les décisions administratives prises sur leur fondement sont versés au dossier individuel de l'agent.

 

Pour information, la saisine de la Commission n’est pas obligatoire pour les professeurs de l’Education nationale.

 

Laurent Piau


 

Laurent Piau, juriste, est l'auteur de l’ouvrage Le Guide juridique des enseignants aux éditions ESF


 

Sur cet ouvrage :

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Pour commander :

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Par fjarraud , le dimanche 22 janvier 2012.

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