La gifle 

Par François Jarraud


Il y a des gifles qui atterrissent mollement. D'autres claquent en arrivant à destination. La gifle distribuée par le professeur de technologie de Berlaimont  fait un sacré vacarme. Aucune liste de discussion d'enseignants n'y a échappé. Cette affaire a bien davantage fait parler les profs que le rapport Pochard. Certes ce bruit fait écho au tapage médiatique d'autant plus surprenant que cette affaire aurait peut-être pu trouver son exutoire dans le cadre local. Mais l'écho a été encore plus fort chez les enseignants. C'est ce  que l'on voudrait ici comprendre.

 

Pourtant les enseignants ne partagent pas la même position sur l'événement. Certains manifestent une solidarité totale avec un collègue. Disons que c'est en gros l'attitude la plus répandue chez les enseignants du secondaire. D'autres peuvent faire preuve de sympathie, se rappelant parfois des dérapages qu'ils peuvent juger similaires, tout en condamnant. C'est souvent l'attitude des instits, pourtant plus fréquemment mis devant ce genre de situation.

 

Ces postures évoquent immédiatement les travaux des sociologues sur le malaise dans l'enseignement. Celui des enseignants dont on sait qu'il touche la moitié des profs du secondaire (53% selon une étude ministérielle) lié à "la non prise en compte des difficultés concrètes du métier" et au sentiment "d'une dégradation de l'image des enseignants". On l'entend très clairement chez cette collègue qui écrit "nous sommes une profession de couards" avant de vanter la résistance des chauffeurs de bus. Ou chez ce prof qui fat le parallèle avec la gifle de Bayrou "il ne s'agit que d'un simple professeur de collège. La morale de la fable selon que l'on est grand ou petit s'illustre ici". Mais on pense aussi au malaise des élèves et à Pisa 2003 qui établissait que 81% des collégiens français se sentent mal à l'école.

 

Une autre lecture serait davantage idéologique. Il y a chez les enseignants comme dans la société française l'aspiration à l'ordre, telle cette enseignante qui rappelle que "de son temps" les élèves se prenaient des torgnoles à l'école et "il y avait moins de violence". Plus calmement tel autre rappelle l'article 433-5 du Code pénal qui énumère les peines encourues pour outrage à une personne chargée d'une mission de service public.

 

Mais le grand clivage est ailleurs dans ce que l'incident ravive du métier d'enseignant. "Combien d'entre nous se font insulter, bousculer sans pouvoir rien dire" écrit ce professeur toulousain. "Notre métier est de former et non d'éduquer". Un autre collègue explique que c'est la réforme des programmes qui motive l'incident : "depuis 2005 les professeurs de technologie sont soumis à une refondation complète de leur programme : ceci explique-t-il cela ?". Ce à quoi répond la remarque d'une instit : "la question posée me semble être celle de la place ambiguë de l'enseignant qui est à la fois juge et parti. Il est au cœur du conflit et doit le régler. Quelque part il est dans la toute puissance". Toute puissance enfantine, toute puissance du maître en attendant la justice…

Surle Café,le malaise enseignant

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/[...]

 

Une gifle embarrassante

"On ne va pas dire que la gifle est une réaction justifiée. Mais il y a une réaction disproportionnée et trop rapide des autorités. C'est disproportionné par rapport au fait que quelqu'un craque". "C'est un geste blâmable, mais aller en justice, c'est un peu disproportionné. Il y a des limites!". Pour une fois, les profs du Sgen-Cfdt et les parents de la Peep sont d'accord :la détention durant 24 heures et la plainte en justice contre l'enseignant qui a giflé un de ses élèves sont considérées comme exagérées par les syndicats et les associations de parents.

 

Et sur Internet, les professeurs de technologie, ceux d'autres disciplines se solidarisent avec un collègue,quitte à dénoncer un prétendu laxisme. "Bientôt on ne pourra même plus punir ou sanctionner un élève sans avoir les parents ou l'administration sur le dos" écrit un professeur de technologie.

 

On mesure alors l'embarras de l'administration. Ne pas sévir c'est encourager les passages à l'acte.  Le faire c'est prendre le risque d'une double peine alors que l'enseignant a déjà beaucoup payé…

 

Enfin cette affaire pose la question du malaise enseignant. La chasse à la rentabilité, l'absence d'une politique de seconde carrière ne permettent pas à l'administration de trouver des solutions humaines pour les enseignants qui sont usés et deviennent fragiles. Cette gifle claque aussi sur la joue de l'institution.

Dépêche AFP

http://www.vousnousils.fr/page.php?P=data/autour_de_nous/l_act[...]

 

Darcos minimise la gifle

"C'est un fait divers, dans lequel une insulte inacceptable conduit à un geste tout aussi déplacé. Mais se contenter de condamner un peu rapidement cet enseignant serait méconnaître la réalité de la vie de beaucoup de professeurs, notamment dans les collèges où ils sont confrontés à une population d'élèves difficiles, qui connaissent peu ou mal les règles de la vie sociale".  Dans un entretien au Parisien, X. Darcos excuse  presque le professeur gifleur.

 

Pour le ministre "cette affaire révèle des dérèglements, dont les premières victimes sont les enseignants : dans 99 cas sur 100, ce sont les professeurs qui sont touchés par des agressions de tous ordres, pas l'inverse", une affirmation que contredit les chiffres mêmes du ministère qui établissent que la violence scolaire s'exerce très majoritairement entre jeunes.

 

Le ministre pense régler la question en "restaurant l'autorité". Cette affaire ne fait en tout cas que me conforter dans l'idée, initiée il y a quelques semaines, de faire rédiger pour la rentrée prochaine un code de la paix scolaire".

Article du Parisien

http://www.leparisien.com/home/info/vivremieux/articles[...]

Sur le Café , éditorial de janvier 2008

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2008/01/17012008Accueil.aspx

 

Succès des pétitions en faveur du prof gifleur

Près de 20 000 personnes ont signé la pétition de soutien ouverte par le Snes en faveur du professeur ayant giflé un élève de 6ème. Le Snes n'est pas seul : le Se-unsa, le Sgen appellent à défendre ce collègue qui sera jugé fin mars.

Communiqué Se-Unsa

http://www.se-unsa.org/page_cadres.php?id=41

Communiqué Snes

http://www.lille.snes.edu/spip9/spip.php?article1369

 

Sur le site du Café
Par fjarraud , le vendredi 15 février 2008.

Partenaires

Nos annonces