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Editorial : Les profs du secondaire et le malaise enseignant  

Réunion de rentrée en septembre dans un établissement secondaire  Photo CP
Le malaise des enseignants serait-il en baisse ? C'est ce que donne à penser une enquête publiée le 18 septembre par le ministère. Alors que 60% des professeurs de collège et lycée se sentaient personnellement atteints par ce sentiment de malaise en 2004, ils ne sont plus que 53% en 2005. On ne sera pas surpris d'apprendre que les agrégés en souffrent moins que les PLP, les hommes que les femmes, et les jeunes profs que les anciens.

Reste à comprendre d'où vient ce malaise. D'après l'enquête ministérielle, "les principales causes de ce sentiment de malaise seraient... « la non-prise en compte des difficultés concrètes du métier » (64 %) à laquelle les enseignants d'EPS, de philosophie-lettres et du secteur industriel accordent beaucoup d'importance (75 %), ainsi que les PLP et les professeurs comptant au moins vingt ans d'ancienneté (70 %). Le sentiment « d'une dégradation de l'image des enseignants dans la société »est partagé par 50%des enseignants, en particulier ceux de mathématiques, d'histoire-géographie et philosophie-lettres (55 %), les agrégés (57%) et les très jeunes enseignants (58 %). Vient ensuite le sentiment « d'impuissance face à l'idéal de réussite de tous » partagé par 46 % des professeurs des lycées et collèges, qui touche davantage les femmes (48%) que les hommes (42%), les professeurs de LV (54 %), les jeunes enseignants (50 %), ceux de collège et de ZEP (49 %) plus que les professeurs de LP (37 %)".

D'où une critique induite sur la formation des enseignants qui tombe à propos au moment où le ministre va proposer une réforme de la formation. Les professeurs trouvent qu'ils n'ont pas eu assez de conseils pour gérer les situations difficiles, pas assez d'analyses de pratiques professionnelles, pas assez d'échanges avec les enseignants en poste pendant la formation et pas assez d'éclairages sur la psychologie de l'adolescent. Toutes remarques qui semblent parfaitement justifiées. On n'a d'ailleurs jamais trop d'expérience et de connaissances face à des adolescents.

Reste qu'on est frappé devant les limites apportées à l'observation. D'abord par rapport au cadre d'exercice du métier. Tout se passe comme si le "malaise" ne pouvait venir que d'une impréparation personnelle au métier (au pire une préparation mal assurée par le système). Celle-ci devrait automatiquement disparaître si l'enseignant était un parfait professionnel.

Or c'est oublier que, sous la pression de la société et des politiques, le métier d'enseignant connaît une évolution rapide si ce n'est chaotique, ballotté d'une réforme l'autre. Une réalité que Christian Maroy (Université de Louvain) lie justement à la génèse du malaise enseignant. " On assiste à une diversification et à un accroissement du nombre de tâches demandées formellement aux enseignants dans la plupart des pays européens investigués par Eurydice. Au niveau du travail réel, la littérature semble de plus s'accorder sur un constat d'intensification et de complexification du travail des enseignants. L'intensification se marque moins par un allongement de la durée du travail, que par un alourdissement et une extension des tâches à réaliser, et par une complexification du travail en classe qui constitue le coeur du métier. Simultanément, on peut se demander si on n'assiste pas aussi à une différenciation assez nette des conditions d'exercice du métier selon le type d'établissement où l'on enseigne". Aussi pour lui, le "malaise" est une forme de résistance au politique. "Le malaise enseignant face aux politiques de professionnalisation et aux changements du " métier " enseignant, nous semble plus profondément lié à des formes de retrait ou de résistance face aux réformes, lorsqu'elles accentuent la déprofessionalisation des enseignants".

Peut-être est-ce le moment d'évoquer un autre malaise : celui des élèves. Car, selon Pisa, la France a la particularité de compter 81% d'élèves qui se sentent mal à l'Ecole, pratiquement le double de la moyenne Ocde. On touche là à un autre choix de l'étude : considérer que l'Ecole telle qu'elle est peut être vécue sans malaise. Pourtant, cette étude, comme une précédente sur les attentes des enseignants du primaire ouvre des pistes vers une évolution de l'école. Les professeurs attendent davantage de soutien des parents, davantage de relations avec leurs collègues, du travail d'équipe.

C'est avouer que le "malaise enseignant" reflète l'extraordinaire isolement dans lequel sont tenus les professeurs et reconnaître l'impact des réseaux éducatifs. Un effet également souligné par une récente étude américaine sur les établissements performants. Peut-être parce que la formation d'un enseignant ne doit pas se penser acquise à la sortie d'un institut mais comme une construction humaine c'est à dire sociale.

On pourra nous objecter que si l'Ecole doit certainement changer, si le taux de malaise doit baisser, l'enseignement peut-il être totalement sans épreuve ?
Etude ministérielle
Recherche de C. Maroy
Qu'est ce qui fait le succès de certains établissements ?


Par  François Jarraud , le mardi 19 septembre 2006.

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