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«Imaginaires et promesses de 10 ans de numérique en éducation»

Intervenants : Pascal Cotentin CTICE et Directeur CRDP de l’académie de Versailles en Tandem avec Marcel Lebrun Techno-pédagogue Université de Louvain-la-neuve


En dix ans, malgré les équipements maintenant généralisés et les déclarations relatives à la révolution numérique, l’école a-t-elle vraiment changé ? Les pratiques pédagogiques ont-elles réellement évolué ? Et que se passera-t-il dans dix ans ?

 

L’ambiance générale est gagnée par la couleur du temps, plutôt maussade pour cet anniversaire. Elle est au pessimisme. On a une impression de redite, le bilan est pessimiste : malgré tous nos efforts, je veux dire les efforts des praticiens, toutes nos expérimentations pédagogiques, tous nos projets innovants, l’école dans son ensemble est perçue comme  immuable, prof devant élève, frilosité, réticence devant de nouvelles pratiques. Et pourtant, nous allons voir que nous nous sommes habitués insidieusement à de nouvelles façons d’appréhender le monde, notre entourage, la relation à l’autre et à l’information, et donc forcément nous sommes de plus en plus nombreux à avoir changé notre façon d’enseigner. Et nos nouvelles intuitions ne demandent qu’à être institutionnalisées dans l’école de demain. Le numérique est entré depuis longtemps à l’école par la petite porte, et le BYOD entre par les fenêtres, à l’institution d’ouvrir en grand les portes ! Et puis 10 ans, pour une révolution, c’est bien peu, non ?

 

Les deux intervenants construisent un dialogue autour de la problématique, chaque théorie introduite par Pascal Cotentin étant illustrée par une courte vidéo-montage synthétisant le parcours de ces 10 années. Marcel Lebrun apporte ensuite ses commentaires.

 

Acte 1- Les promesses des TICE ont-elles été tenues ?

 

Eh bien oui, nous faisons tous le même constat, celui de la stagnation. Il faudra une formation des enseignants repensée autour des nouvelles pratiques et une refonte totale des programmes, d’un seul bloc, du primaire à l’université. Mais pour l’heure, à petits pas, on a cependant remarqué une lente évolution.

De quoi a-t-on parlé pendant 10 ans ? D’innovation, de nouveaux espaces…mais rien ne sera effectif sans une culture numérique partagée et une éducation aux médias.

On a découvert de nouveaux modes relationnels : l’outil abolit la distance ou l’absence de l’autre : visioconférence, chat sur les réseaux sociaux, lien entre les parents, les professeurs, les élèves sur les différentes applications de l’ENT….

Mais au bout du compte, pour Marcel Lebrun, rien n’a vraiment changé depuis les années 80, car c’est une question profonde de mentalité. Il y a eu et il y a encore des pionniers, certains ont abandonné tant l’inertie était forte, on observe bien de plus en plus d’initiatives à fins pédagogiques, des partages de pratiques entre pairs, mais les deux camps des débuts sont toujours en présence – ceux qui ont le mode de l’emploi d’outils formidables, et ceux qui ne l’ont pas. Il y a encore ceux qui y croient, et les autres.

Quel est donc l’élément fondamental qui fait défaut ?

La réflexion sur ce qu’est enseigner et ce qu’est apprendre n’a pas avancé !

Une promesse a bien été tenue : les outils sont là. Il faut maintenant développer les usages.

 

Acte 2 – Que faire dans les 10 ans à venir ?

 

L’école autrement - L’école de notre imaginaire collectif, celle de la transmission du savoir par le maître, a vécu. L’école est partout : sur la toile et dans la société.

Les équipements sont généralisés, ce n’est plus une préoccupation. Par contre, la formation des enseignants doit s’adapter aux nouvelles formes didactiques. Par exemple, celle de la classe inversée.

A voir, les vidéos de Marcel Lebrun :

http://www.ludomag.com/tag/lebrun/

La structure-classe explose, car les cours sont disponibles hors du cadre de l’institution. De nouveaux modes d’apprentissage sont favorisés, tels l’auto-formation, l’apprentissage en autonomie, la formation à distance. Si le contenu du cours est mis en vidéo, le professeur est libéré de la phase de transmission des données, et peut s’occuper des élèves et les accompagner dans leurs acquisitions et leur entraînement.

Un autre rôle du professeur est la recontextualisation des données : celles-ci sont accessibles partout, les ressources existent en grande quantité, mais elles sont décontextualisées.

Le temps passé en classe doit favoriser enfin non pas la pure transmission du savoir, bien qu’il soit fondamental, mais le développement des compétences : savoir trouver, analyser, critiquer, organiser… C’est le temps de l’interactivité et d’une relation à l’apprenant véritablement humanisée.

Cela entraîne une nécessaire refonte des programmes, organisant une cohérence dans l’acquisition des compétences citées, du collège à l’université.

Alors, annonce Marcel Lebrun, un rien provocateur, ainsi formés par l’école, nous deviendrons tous enseignants, personne n’aura plus besoin de formation spécifique pour accéder au métier !

Comment mettre à profit les avancées technologiques des 10 dernières années ? Que retenir des différentes expériences menées dans les classes ? La fabrication par le prof de ressources de qualité professionnelle, une individualisation de l’enseignement, une autonomie nouvelle donnée aux apprenants, le rattrapage de cours enregistrés et mis en ligne, les échanges entre pairs et avec le professeur hors temps de la classe, une possibilité de refaire en gardant un travail propre, sans garder trace de ses erreurs, le travail collaboratif, une évaluation formative en temps réel, un temps de parole des élèves allongé grâce aux enregistrements individuels…. On le voit, la liste est longue !

Pour revenir au sujet brûlant de la formation des enseignants, elle doit être isomorphique : faire avec eux ce qu’ils devront faire avec leurs élèves, c’est à dire l’articuler autour de toutes ces avancées des pratiques, qu’ils devront vivre eux-mêmes.

 

Acte 3. De nouveaux outils : l’apprentissage assisté par des machines

Le clou de la soirée est la présentation des 2 robots Nao, et de quelques facéties : tai chi, proposition d’aide, signes de fatigue…. Avec les aléas de toute utilisation de nouveaux outils devant un public : prise défectueuse, commandes mal réglées. Pour l’heure ces robots sont utilisés dans l’Académie de Versailles pour un travail sur le langage et la communication  avec des enfants en difficulté.

La vidéo :

http://dailygeekshow.com/2013/08/21/les-enfants-autistes-ont-desormais-un-nouvel-allie-le-robot-nao-qui-les-accompagne-dans-leur-education/

D’autres produits sont développés dans un but d’utilisation pour l’enseignement (il suffit de lancer une recherche Web)

 

Acte 4. Mesurer, évaluer.

L’évaluation prend aussi de nouvelles formes. Elle devra prendre en compte le BYOD (Bring Your Own Device‎), puisque les élèves ont leur propre environnement nomade en poche ; l’utilisation des boitiers permet une individualisation de l’évaluation, le TBI favorise une évaluation collective ; avec la tablette, l’évaluation devient nomade. L’évaluation entre pairs incite l’enseignant à formuler des critères clairs.

 

Bref, les nouveaux outils redonnent leurs lettres de noblesse à l’évaluation : elle devient plus objective, formative, en temps réel, intégrée dans le processus d’enseignement et d’apprentissage.

 

Oui, on le voit, la pédagogie de demain est déjà là, et elle est positive, ludique et efficace. Et elle ne renie en rien ses fondamentaux : l’acquisition et l’évaluation des savoirs, l’accompagnement à l’acquisition de compétences transversales et disciplinaires. Il faut juste vaincre les vieilles peurs tenaces : celles de l’enseignant qui a peur de ne plus être nécessaire à partir du moment où il sort de sa posture de passeur exclusif de savoirs disciplinaires.

 

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