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L’éducation en Asie en 2014 : quels enjeux mondiaux ? > Catégories
Que nous apprend l'Asie sur l'Ecole ?

Poussé par ses brillants résultats dans Pisa, le modèle asiatique va-t-il être importé en Europe ? Ce n'est certainement pas la conclusion du colloque sur les dynamiques systèmes éducatifs en Asie, organisé par la Revue internationale d'éducation de Sèvres du 12 au 14 juin. Pour autant le colloque a construit du savoir et amené quelques idées qui répondent aux préoccupations d'un système éducatif mal en point : le nôtre.


Après trois journées dans la thébaïde sévrienne, la centaine d'experts venus d'Asie ont conclu le colloque sur les systèmes éducatifs asiatiques en dépassant les clichés et en réfléchissant aux enjeux de l'éducation en Asie pour le reste du monde.


Présidente du Cnesco, le conseil chargé de l'évaluation du système éducatif français, Nathalie Mons a rappelé la fascination et la défiance que nous inspirent les systèmes asiatiques. Défiance car leurs résultats dans Pisa nous disent notre déclassement. Et c'est cette peur qui nous obsède et nous invite à réformer l'Ecole. A l'inverse les bons résultats dans Pisa peuvent laisser les asiatiques dans l'indifférence, comme c'est le cas à Shanghai. Fascination devant le dynamisme des pays asiatiques et de leur Ecole. En quelques dizaines d'années ils sont passés de pays où la scolarisation primaire était à construire à des pays dotés de solides systèmes éducatifs. Ils arrivent à faire les réformes qui semblent impossibles à réaliser en France. Mais N Mons rappelle aussi que le colloque a montré l'incroyable diversité des pays asiatiques au point de nier l'existence d'un modèle asiatique. N Mons relativise aussi le classement de Pisa. La dépense réelle d'éducation est surement sous évaluée par l'existence dans nombre de ces pays d'un secteur éducatif informel  très important. Le bon coté de cette réalité c'est de rappeler l'importan ce de l'éducation dans les cultures asiatiques. Les familles croient en l'éducation. Celle -ci repose souvent sur une vision holistique de l'école qui semble une réponse à bien des maux de l'Ecole.


Rangachar Govinda, université NUEPA de New Delhi (Inde), apporte un éclairage nouveau dans le colloque. D'abord en faisant entrer dans le débat le numérique, très présent dans la région. Pour lui, le numérique ouvre une nouvelle fracture dans la population scolaire. Il relève que les Moocs sont très utilisés en Inde et interrogent les examens classiques. Le numérique induit une nouvelle façon de penser dans une partie de la population. Il reflète aussi la rapidité du développement économique des pays asiatiques. C'est lui qui met l'éducation au centre des préoccupations des états avec l'obligation de l'éducation pour tous. Le développement impulse aussi de nouvelles valeurs pour l'école : multiculturalisme "qui doit devenir la règle", enseignement du développement durable. Si "le 21ème siècle sera celui de l'Asie", comme le prophétise la Banque mondiale, c'est aussi celui des transformations.


Professeure à Columbia d'origine singapourienne, Linn Goodwin insiste sur l'importance du statut de l'éducation dans les société s asiatiques. A Singapour les enseignants, même s'ils ne sont pas très bien payés, ont un statut social privilégié. La société mise sur l'éducation et les familles veillent au travail des enfants. C'est cette influence du confucianisme qui est dénoncée par Le Huu Khoa, un anthropologue, qui en montre les retombées négatives. Juin, le mois des examens, est aussi celui des suicides de jeunes.


"Il n'y a pas de panacée", affirme Linn Goodwin. "Pas de miracles, ni de leçons". "Le miracle éducatif n'existe pas", confirme Nathalie Mons. De cette "rencontre unique" , l'occident ne va pas tirer un modèle à importer. Le modèle n'existe pas. Pour autant "ce miroir nous renvoie à des analyses nationales", affirme N Mons. Alors essayons de tenter un bilan final.


Ce voyage virtuel en Asie met en évidence le lien entre développement économique et éducatif. C'est cette pression qui impose des changements éducatifs. Sous cette pression, partout en Asie, le modèle du par coeur est interrogé et remplacé par des formes plus participatives et actives d'enseignement. Partout l'intérêt des systèmes éducatifs se porte sur leur dimension inclusive. On l'a vu au Japon où elle est traditionnellement installée. Mais même à Singapour l'élitisme est remis en question par la volonté d'inclure tout le monde et le curriculum en tient compte. C'est la dimension holistique évoquée par N Mons. Partout aussi se crée de nouveaux équilibres entre école publique et secteur privé alors que la demande éducative augmente. La leçon de l'Asie c'est aussi l'importance de la famille et de ses valeurs dans l'effort éducatif. Il faut "croire en l'éducation". La dernière leçon d'Asie c'est son optimisme. Alors qu'en Europe rien ne semble possible, à commencer par la réforme de l'éducation, en Asie on y croit et tout est possible. De fait les systèmes éducatifs se transforment et se développent.


François Jarraud