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L’éducation en Asie en 2014 : quels enjeux mondiaux ? > Messages > Peut-on parler de modèle éducatif asiatique ?
Peut-on parler de modèle éducatif asiatique ?

Lorsque nous parlons de l’Asie, de quelle Asie parlons-nous ? « A quelles Asies faisons-nous référence ? » Malgré les très nombreuses spécificités des différents systèmes éducatifs de l’Asie, les spécialistes de cet atelier ont tenté de répondre à la question de savoir s’il existe un ou plusieurs modèles ».


Mark MasonMark Mason (Unesco) propose la réponse suivante : Il existe sans doute autant de modèles qu’il y a de systèmes dans chaque juridiction. Peut-on néanmoins faire apparaître des constantes, notamment lorsqu’on constate que les 1ères places au classement PISA sont toutes occupées par un pays ou une ville asiatique. S’il existe une explication culturelle, celle-ci a de fortes chances d’être liée à un héritage confucéen ; C’est-à-dire une forte valorisation de l’éducation et la conviction que celle-ci joue un rôle essentiel d’ascenseur social. On peut aussi dégager la conviction bien ancrée que la réussite dépend davantage du travail que des capacités innées et que tout le monde peut réussir à force de travail.


Dans cette logique du travail, qu’en est-il du « par cœur » bien connu dans les pays asiatiques ? Il s’avère qu’il ne consiste pas simplement en un processus creux et superficiel de mémorisation comme on pourrait le penser. Dans leur ouvrage paru en 1996 et intitulé The Chinese Learner, David Watkins et John Biggs montrent qu’il s’agit d’un processus d’apprentissage par induction : les apprenants fabriquent du sens en généralisant des concepts à partir de et en lien avec ce qu’ils savent déjà ou ce qu’ils ont pu observer. Y aurait-il un modèle asiatique lié à l’efficacité de la pédagogie inductive ?


Dans chaque pays une constante : La volonté de moderniser le système éducatif à partir d’une très bonne connaissance des autres modèles et des nécessités de la mondialisation, mais avec des moyens et des outils différents. Egalement une volonté de concilier modernité et tradition. Dans les systèmes actuels des pays d’Asie, on est passé d’un système d’apprentissage des connaissances à « l’apprendre à apprendre » ; De plus, c’est l’ensemble de la société qui se sent concerné par la réussite scolaire, non seulement à des fins de meilleure intégration professionnelle dans le pays mais aussi comme porteuse d’une image positive pour l’extérieur.


En Indonésie depuis les années 1990 le gouvernement a pris conscience du rôle de l’éducation comme facteur de développement économique et a mis en place des moyens importants pour améliorer l’accès à l’éducation, pour rattraper le retard, des dizaines de milliers d’écoles élémentaires avaient déjà été créées dans pratiquement tous les villages depuis les années 70. Ce développement ne s’est pas fait sans difficultés : faiblesse et uniformisation excessive des contenus, dégradation de l’image des enseignants lesquels auparavant étaient bien considérés mais trop d’enseignants peu formés ont été recrutés dans l’urgence. Les derniers résultats de PISA assez faibles en Indonésie alors que les enfants sont heureux à l’école exigent de mettre en place de nouvelles actions, ce qu’ils ont commencé à faire grâce notamment à un partenariat entre l’école et l’université.


On peut donc voir que ce qui se passe en Indonésie à l’école est différent de ce qui se passe en Chine et au Japon. Y a –t-il tout de même un modèle général ou plusieurs modèles ? Est-ce que la culture fait partie du modèle ? Tous les participants l’affirment. Mais en même temps, pour faire évoluer les systèmes éducatifs, on ne peut pas se contenter de l’héritage culturel. D’ailleurs pour réussir, les 3 villes phares que sont Shanghai, Singapour et Hong-Kong s’éloignent des traditions culturelles dans toutes les réformes et sans les réformes ils n’auraient pas eu ces résultats. Et dans chaque pays, on retrouve le même credo, la société et le monde ont changé donc il faut changer l’éducation : « Look global, act local ».


Malgré les différences, tous s’entendent pour dire l’enseignement c’est la clé du développement. Les résultats de PISA d’un pays à l’autre sont inégaux, le Japon évolue lui aussi selon une combinaison de modèles mais en gardant des traditions et des valeurs, notamment le respect des personnes âgées, le nettoyage des écoles par les élèves et une grande solidarité entre les meilleurs élèves et les moins bons. L’image du modèle ayant toujours besoin d’être nuancée, il nous faut garder à l’esprit que Shanghai n’est pas toute la Chine et que Singapour et Hong-Kong sont des petites entités spécifiques. Cela dit, tous les interlocuteurs présents ont fait part de cette dichotomie entre modernité et tradition, entre tentative de se situer au niveau mondial tout en gardant sa propre culture.


Bernard HugonnierEn conclusion, Jean-Marie de Ketele propose de retenir cette idée de tensions que l’on retrouve à plusieurs niveaux : Tensions entre les cultures et l’évolution des sociétés. Entre valeurs traditionnelles et nécessité d’adapter les contenus à la mondialisation. Tensions entre reproduction de modèles coloniaux et volonté d’imitation. Tensions entre par cœur et apprentissage inductif. Tensions entre efficacité et équité, entre réussite et bien-être. Tensions entre bilinguisme et multilinguisme. Tensions entre culture de l’écrit et culture de l’oral, aujourd’hui entre culture de l’écrit et culture digitale. Bernard Hugonnier ajoute que l’école française devrait peut-être tendre vers l’enseignement par induction car notre enseignement par déduction limite les capacités de nos jeunes élèves français lorsqu’il s’agit d’utiliser les mathématiques dans la vie quotidienne. Enfin dans PISA, il existe un questionnaire sur les motivations des élèves, celles-ci sont beaucoup plus fortes dans le système asiatique. Il faudrait se pencher sur cette question dans notre pays.


Bernadette Tresfels


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