Par Françoise Solliec

Depuis la publication du livre de Marie Duru-Bellat, l’inflation scolaire est une question à la mode. Dans un débat organisé par la Ligue de l’enseignement au salon de l'éducation, Philippe Frémeaux, rédacteur en chef d’Alternatives Economiques et Yannick Bodin, sénateur, donnaient leur point de vue à ce sujet.

Pour Philippe Frémeaux, la question de l’inflation scolaire se pose assez naturellement dans le contexte actuel de réduction des dépenses et de non remplacement de fonctionnaires partant en retraite. La thèse de l’inflation est soutenue par deux courants assez différents. Le premier, nostalgique de l’ordre établi d’avant le collège unique, verrait bien en retour en arrière sur le tronc commun et l’allongement des études. Le second, partisan de l’égalité du droit à l’éducation, s’interroge sur le bien fondé d’une politique éducative qui conduirait à un nombre sans cesse croissant de diplômés.

Cependant, à l’ouvrage de Marie Duru-Bellat, représentatif de ce second courant, celui d’Eric Maurin, La nouvelle question scolaire, répond en appelant à une nouvelle phase de démocratisation scolaire, qui bénéficiera à toute la société. Dans tous les pays où il est pratiqué l’investissement dans un système unique de formation accroît le succès des élèves des couches sociales les plus défavorisées, sans remettre en cause celui des autres.

Ce n’est en effet pas le nombre de diplômés qui va déterminer la dynamique de demande des entreprises, bien que le système éducatif ait un effet structurant sur le système économique. La demande de qualification est de plus en plus en grande pour les cadres intermédiaires, non parce qu’ils sont plus diplômés, mais parce que ces fonctions supposent davantage de technicité et de prise de responsabilités.

Par ailleurs le niveau de qualification d’un emploi donné est souvent dépendant des choix sociaux effectués. Ainsi en France, les services à la personne ont plutôt été « réservés » à des demandeurs d’emploi non qualifiés (par le biais d’incitations, d’aides et de primes diverses) mais d’autres choix ont été effectués dans d’autres pays.

Actuellement, il y a consensus sur un seul point qui est la nécessité de développer l’enseignement supérieur. De même, compte tenu des évolutions démographiques, il ne peut être question de réduire l’investissement consenti en maternelle, dont l’enseignement est une des originalités françaises. La réduction du nombre de fonctionnaires devra donc être supportée au niveau du collège et du lycée, avec deux arguments : les élèves travaillent trop et il y a trop d’options possibles. Mais que peut signifier la fin du collège unique annoncée par Nicolas Sarkozy, sans position forte sur ce que doit être l’objectif éducatif et au moment où on revient sur l’idée de l’apprentissage précoce ?

Pour Yannick Bodin, qui fut longtemps conseiller régional d’Ile de France avant d’être sénateur, la massification réalisée ces trente dernières années ne s’est pas accompagnée d’une véritable démocratisation. Le choix a été fait de faire du collège un pré-lycée, définissant ainsi une voie d’excellence unique. Les lycées professionnels et l’apprentissage ont eu bien du mal à se faire une place respectée dans le système éducatif et encore aujourd’hui la réponse la plus immédiate de formation aux demandes de l’entreprise n’est que rarement le fait de l’éducation nationale.

Il n’en reste pas moins que la structure sociale des élèves de classe préparatoire aux grandes écoles s’est dégradée en termes de mixité sociale, conduisant à des expériences diverses pour élargir le recrutement des élèves des grandes écoles, dont la plus connue est sans doute l’accord passé par Sciences-Po avec les lycées des zones d’éducation prioritaire. Le rapport de Yannick Bodin au Sénat « dresse un état des lieux de la situation et formule des recommandations pragmatiques, destinées à mieux valoriser le potentiel de chacun de nos jeunes, en mettant fin à ce qui s'apparente, par certains aspects, à une forme de « délit d'initié » ».