Education à la sexualité : Une politique publique à inventer 

C'est le premier rapport de l'Inspection générale que Pap Ndiaye sort du placard. Le ministère publie le rapport de juillet 2021 d'Evelyne Liouville et Anne-Marie Romulus sur "l'éducation à la sexualité en milieu scolaire". Il interroge l'existence même d'une politique publique d'éducation à la sexualité. Et il montre que moins d'un élève sur cinq à l'école, au collège et au lycée, a suivi les 3 séances d'EAS prévues par les textes. Les inspectrices générales invitent à introduire l'EAS dans les programmes officiels des disciplines et à faire organiser les séances par les chefs d'établissement. Il demande aussi une sensibilisation des parents à l'EAS.

 

Une circulaire purement théorique

 

 " Au-delà de l’effectivité de la mise en oeuvre de l’EAS, cette mission pose la question de l’existence et de la réalité de cette politique publique. « Cachée » essentiellement dans la politique éducative sociale et de santé menée par le ministère de l’éducation nationale et dans les stratégies nationales ou plans interministériels sur la santé, l’égalité et la protection de l’enfance, l’EAS peine en effet à s’affirmer en tant que politique publique au sens premier du terme", écrivent d'emblée Evelyne Liouville et Anne-Marie Romulus.

 

Ce n'est portant pas faute de circulaires et de textes officiels. Introduite dans l'Education nationale en 1973, l'EAS fait l'objet officiellement de 3 séances annuelles depuis une loi de 2001. Les circulaires se sont succédées, ce qui n'est pas bon signe. D'ailleurs P Ndiaye vient d'en ajouter une. Au moment de la rédaction du rapport la dernière circulaire datait de 2018. Jugée trop synthétique par les autrices, elle " se veut à la fois consciente de la nécessité de prendre en compte les sujets sensibles et soucieuse d’éviter les polémiques, notamment sur le contenu dans l’enseignement primaire", notent les deux inspectrices. "« il ne s’agit pas d’une éducation explicite à la sexualité » : une affirmation qui peut susciter des remarques…"

 

"Synthétique" ça veut dire que la circulaire ne se penche pas sur la réalisation de l'EAS et qu'elle préfère s'en tenir à l'abstrait. La circulaire ne prévoit pas de moyens horaires, restent floue sur les "séances", qui peuvent aussi bien correspondre à un point d'un programme disciplinaire et sur la prise en charge du public (un groupe ? une classe ? un niveau ?).

 

Moins d'un élève sur cinq a reçu l'enseignement prévu par les textes

 

Allons directement aux résultats. Selon une enquête menée dans une académie, la part des élèves ayant bénéficié des 3 séances d'EAS est de 16% à l'école élémentaire, 18% au collège et 13% au lycée. La plupart des élèves passent à travers l'EAS. " Force est de constater que bien des élèves traversent leur scolarité sans avoir bénéficié d’une seule séance d’EAS, si l’on excepte les apports des programmes des disciplines liées aux sciences de la vie, aux sciences médicosociales et à la prévention santé environnement, portant sur des aspects essentiellement physiologiques", écrivent les autrices.

 

Si on regarde de plus près on voit que les différents thèmes de l'AES sont abordés dans des proportions différentes. Ainsi moins d'un établissement secondaire sur trois traite de la prévention des LGBTphobies quand une majorité aborde l'égalité entre filles et garçons.

 

L'EAS est aussi largement exfiltrée de la scolarité ordinaire. Elle est largement confiée à des intervenants extérieurs, peu d'enseignants y participant.

 

Comme le dit le rapport, " la question de la spécificité de l’EAS peut se poser. L’éducation à la sexualité concerne en effet un domaine « pas comme les autres » car elle touche à la sphère publique, aux structurations sociales et politiques ; elle touche aussi aux valeurs portées dans la sphère privée et à l’intimité de l’individu". Le rapport montre des parents plutôt positifs devant l'EAS. Mais on se rappelle les campagnes contre l'EAS qui avaient eu un écho important notamment dans le premier degré quand la droite faisait campagne contre "la théorie du genre". Le soupçon est toujours là. ET il le sera tant qu'il sera politiquement rentable.

 

Dans leurs recommandations, les inspectrices  invitent à introduire l'EAS dans les programmes officiels des disciplines au delà de la SVT et de l'EMC. Elles souhaitent que le chef d'établissement établisse le planning des séances d'EAS. Et elles sollicitent un document ministériel "comportant les attentes, les moyens et l'évaluation de l'EAS.".

 

François Jarraud

 

Le rapport

 

 

 

Par fjarraud , le vendredi 07 octobre 2022.

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