Lycée : Pour les filles, un retour en arrière de 20 ans  

Voilà une étude qui va mettre en difficulté le ministère dans son obstination à maintenir la réforme du lycée. "Depuis la réforme, quel que soit le parcours scientifique suivi, le nombre de filles chute massivement et la part des filles régresse brutalement au profit des garçons". Le Collectif maths & sciences, qui regroupe plus d'une vingtaine d'associations d'enseignants du second degré (Apmep, Udppc), d'enseignants du supérieur (Cfem, Smf etc.) et d'associations scientifiques (Femmes et maths, femmes ingénieures etc.) lance un cri d'alarme. La réforme du lycée a plus qu'annulés les efforts pour rééquilibrer la part des filles dans les disciplines scientifiques du lycée. Elle aboutit à un vrai retour en arrière. Une réforme profondément réactionnaire.

 

Chute de la part des filles dans les enseignements scientifiques

 

Le collectif maths & sciences se base sur les statistiques du nombre d'élèves de la terminale S avant 2020 et des doublettes de spécialités scientifiques (maths, NSI, physique chimie, SVT, sciences de l'ingénieur) après 2019.

 

Son verdict est sans appel. Alors que le nombre d'élèves suivant un enseignement scientifique diminue par rapport à 2019, la part des filles s'effondre littéralement. Si le nombre d'élèves en terminale baisse de 3% entre 2019 et 2021, celui des effectifs scientifiques diminue de 20% pour les garçons et 28% pour les filles. On passe de 105 000 garçons à 84 000 et de 94 000 filles à 68 000.

 

L'écart entre les genres est déjà net. Mais il devient vertigineux si on lui associe un enseignement de maths : l'effectif des garçons diminue de 37%, celui des filles de 61% ! Si on regarde le nombre de jeunes terminales scientifiques suivant 6 heures de maths ou plus, ils sont 105 000 garçons en 2019, avant la réforme, et seulement 66 000 en 2021. Pour les filles on passe de 94 000 à 36 000.

 

Si on augmente la part des maths pour la passer à 8 heures et plus par semaine, on compte 31 000 garçons aussi bien en 2019 qu'en 2021. Mais les filles passent de 18 000 à 13 000 seulement. Ainsi, pour le collectif, la part des filles chute dans tous les parcours scientifiques avec la réforme du bac.

 

Retour 20 ans en arrière

 

 

 


"Un long combat contre les inégalités filles – garçons au lycée avait permis de faire progresser le taux de filles en formation scientifique au lycée de 40,2 à 47,5% entre 1994 et 2019", écrit le collectif. "Ces effets sont encore très en dessous des besoins nécessaires pour parvenir à un équilibre femme – homme souhaitable dans les études supérieures et les carrières scientifiques". Avec la réforme du lycée on revient aux taux des années 1990.

 

Les filles suivant 6 heures de maths représentaient 47% des élèves en 2015. Elles ne font plus que 43% en 2021. Celles qui suivent au moins 8 h de maths représentaient 39% des élèves en 2015. Elles représentent 29% actuellement.

 

Le collectif maths & sciences apporte des explications à ce recul spectaculaire. Il estime qu'en avançant les choix à la fin de la seconde on a augmenté le poids des stéréotypes dans les choix des élèves. Une fois le choix fait, l'absence des maths dans le tronc commun rend impossible un changement d'avis. D'autre part l'obligation d'abandonner une des trois spécialités à la fin de la première se fait au détriment des maths pour les filles, davantage attires par la biologie et la santé.

 

Le collectif demande donc un rééquilibrage entre les 3 options comme c'était le cas en S et un rééquilibrage entre tronc commun et spécialités.

 

Au final c'est tout l'équilibre de la réforme qui est interrogé.  Déjà ségrégative socialement, encore davantage que l'ex série S, la nouvelle voie scientifique issue de la réforme du lycée l'est aussi davantage selon le genre. On mesure le caractère profondément réactionnaire de cette réforme imposée par JM Blanquer mais que P Ndiaye semble vouloir perpétuer.

 

François Jarraud

 

L'étude

 

 

 

 

Par fjarraud , le jeudi 06 octobre 2022.

Commentaires

  • e6c17f69, le 19/10/2022 à 22:43
    Je ne me suis pas amusé à vérifier l'étude, donc on va partir du principe que les données sont correctes.
    En revanche les explications fournies par le "collectif maths & sciences" me semblent relever plus du dogme que le la rationalité scientifique.
    "on a augmenté le poids des stéréotypes dans les choix des élèves", c'est une hypothèse pourquoi pas, mais avant de l'affirmer il faut le démontrer.
    De même, il faudrait également démontrer que si les filles abandonnent les maths c'est à cause de ces stéréotypes et non pas tout simplement par choix.
  • Ilagam, le 07/10/2022 à 12:39
    Deux réflexions personnelles:
    - les "vraies" mathématiques n'ont commencé pour moi qu'après le bac car, jusqu'en terminale, c'était surtout une accumulation de protocoles à appliquer (partie "calcul") et de théorèmes et propriétés à faire intervenir dans le bon ordre pour résoudre le problème (partie "géométrie"). Bref, surtout des automatismes à acquérir (partie "calcul") et des "raisonnements types" à maîtriser pour pouvoir les reconnaître dans les problèmes soumis (partie "géométrie").
    - imposer à des scientifiques expérimentaux de devoir décider entre une spécialité expérimentale (physique-chimie, SI) et la spécialité "outil" indispensable pour la poursuite de leurs études (mathématiques en EDS, les programmes de "maths complémentaires" étant très insuffisants, quoiqu'en dise le ministère pour la majorité des poursuites d'étude à dominante SVT et SPC ou SI par la suite) est un non-sens pour ceux qui se destinent vraiment à ces carrières.

    Dernière remarque: vu qu'on prive du niveau nécessaire en maths (je répète que le contenu des maths "complémentaires" ne permet pas de suivre aisément en licence 1er année) pour apprécier les "vraies maths" qui commenceront (dans tous les cas, la réforme du lycée n'ayant pas permis de sortir de la classification que j'explicite au début) pour la licence 1er année (quelle que soit la spécialisation expérimentale à priori "choisie" en bac) on se prive donc d'élèves qui pourraient apprécier ces "vraies maths" et changer de spécialisation.
    Malheureusement, avec cette n-ième réforme, cela touchera (puisqu'on conseille, en lycée, de garder plutôt SPC que maths à ceux qui se destinent à priori à des carrières dans la santé et la biologie) davantage de filles, filles qui "perdent" de fait une opportunité de devenir éventuellement mathématicienne.
    N'oublions pas qu'à 18 ans, on choisit parfois par "défaut" son orientation et, à force de faire sauter toutes les passerelles qui existaient il y a quelques décennies et dont j'ai pu profiter, on élimine de fait des possibles "rencontres avec une discipline" la première année du supérieur.
  • Laggron, le 06/10/2022 à 13:30
    Peu importe la répartition des hommes et des femmes dans les matières. La seule chose qui compte est la qualité des enseignements et la compétences des élèves qui sortent de la formation. Je suis mathématicien, lorsque je travaille ou recrute un autre mathématicien, je ne regarde pas son sexe, la longueur de ses cheveux, l'épaisseur de sa poitrine, la largeur de ses épaules ou la forme de ses organes génitaux, je regarde sa compétence en mathématiques. Si plus d'hommes sont attirés par les mathématiques, il est en ici et ce n'est en aucun cas une alarme. Cela veut seulement dire que plus de femmes excelleront ailleurs.
  • Remiremont88, le 06/10/2022 à 09:20
    Ne faudrait-il pas s'interroger sur le responsabilités collectives dans cette réforme Blanquer avec,  d'un côté,  des scientifiques, et plus particulièrement des mathématiciens, estimant qu'il y avait en S des élèves qui n'avaient rien à y faire car ne se destinant pas à des carrières scientifiques ou seulement de niveau moyen, et du côté des sciences humaines des enseignants qui souffraient de voir les meilleurs élèves en S ? 
    En même temps Parcoursup se substituait au baccalauréat...
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