Gratuité des fournitures scolaires : Un enjeu de cohésion sociale 

Les lois Jules Ferry de 1881 et 1882 stipulent que l’école est gratuite et obligatoire. Obligatoire, elle l’est. Gratuite, un peu moins. Alors que les enseignants et enseignantes sont rémunérés par l’Etat, le bâti et le budget de fonctionnement – matériel scolaire - sont de la responsabilité des communes. Les disparités sont donc grandes d’une ville à l’autre. Alors que l’inflation s’envole, que les ménages rencontrent de plus en plus de difficultés financières, certaines villes ont fait le choix d’offrir les fournitures scolaires aux élèves de leurs écoles. D'autres, non...

 

Ne pas distinguer entre les familles

 

Le 26 aout dernier, le ministre délégué à la Ville et au Logement, Olivier Klein, annonçait au micro de Franceinfo que le gouvernement souhaitait que les élèves des quartiers populaires puissent profiter de la gratuité des fournitures scolaires dès septembre 2023. « La gratuité, c’est toujours bien, mais cela ne va pas assez loin », réagit Nageate Belahcen, co-présidente de la FCPE. « L’offre est destinée aux familles les plus modestes. Nous, nous souhaitons que la gratuité concerne tous les écoliers. Les classes moyennes rencontrent de plus en plus de difficulté à boucler leur fin de mois, et bien souvent, elles ne touchent pas l’allocation de rentrée scolaire. Ne pas distinguer les familles est un enjeu de cohésion sociale, d’égalité. C’est à l’école que se forme le citoyen de demain, il serait donc de bon ton d’apprendre très tôt aux enfants l’égalité ».

 

L’annonce du ministre Olivier Klein ne chamboulera pas le quotidien de milliers d’enfants scolarisés dans les communes de Fontenay-sous-Bois ou Arcueil dans le Val-de-Marne qui bénéficient de la distribution des fournitures scolaires depuis des dizaines d’années. 

 

À Villejuif, c’est cette année que la commune a sauté le pas, les élèves se sont vu offrir cahiers, stylos, trousses…  « C’était un engagement de campagne » explique Alain Weber conseiller à l’éducation, « Cela fait un an que nous travaillons, avec les équipes enseignantes et les parents d’élèves sur le choix des fournitures qui doivent être dans la dotation de rentrée. C’est tombé à pic avec l’inflation et les problèmes de pouvoir d’achat que rencontrent les Français ». Chaque petit Villejuifois et Villejuifoises a donc reçu dès la rentrée un sac en coton réutilisable, une trousse, de la colle, des feutres, des crayons... Les élèves scolarisés du CE1 au CM2 ont aussi eu un dictionnaire… Le tout dans un souci écologique. « Tout cela pour un coût de 140 000 euros répartis en 3500 élèves. Nous n’avons pas touché à la dotation faite aux écoles élémentaires et avons même augmenté de 7,5% la dotation à destination des maternelles ».

 

La gratuité des fournitures, un enjeu d’égalité

 

Pour Jean-Philippe Gautrais, maire de Fontenay-sous-Bois, « C’est un choix de solidarité. Cela fait quinze ans que les élèves Fontenaysiens et Fontenaysiennes bénéficient de tout le nécessaire pour aborder l’école avec sérénité, cartable compris. On estime que l’école devrait être complètement gratuite et la question des fournitures scolaires est un enjeu fondamental, surtout cette année avec l’inflation galopante. Les classes moyennes rejoignent les classes populaires dans leurs difficultés économiques ».

 

Magalie Venet, enseignante de CE2 à l’école Jules Ferry de Fontenay-sous-bois reconnaît l’investissement de la mairie pour l’éducation. « Nous bénéficions d’un budget suffisant pour ne pas avoir à demander de fournitures complémentaires. Ce sont des bricoles quand on le fait. Par exemple, je laisse les élèves choisir leur agenda, ils aiment beaucoup ça ».

 

La distribution, qui a eu lieu le 27 août dernier, a permis cette année d’équiper les élèves de maternelle en tablier. « Nos fournitures sont produites par un ESAP - établissement d’aide par le travail – avec des matériaux recyclés » note le maire.

 

Outre les fournitures scolaires, il fait bon vivre à Fontenay-sous-Bois. Tous les élèves de l’école primaire bénéficient de cycle sportifs et culturels assurés par des intervenants. « On a une grosse dotation pour le fonctionnement des écoles pour les achats de fournitures, de livres, de tableaux numériques, mais aussi pour le cycles sportifs et culturels. Nous avons un cinéma, une piscine, une patinoire, un théâtre, une médiathèque et tous les enfants de la ville bénéficient gratuitement pendant le temps scolaire de tous cet équipement. Tous les ans, 500 à 600 enfants partent dix jours en classe de découverte, à la mer, à la montagne, à la campagne… et tout cela gratuitement » ajoute le maire pour qui la gratuité pour tous est un enjeu de cohésion sociale. « Personne ne paie, personne n’est stigmatisé. L’école c’est ce qui réunit tout le monde, c’est notre priorité politique ».

 

Du côté de la restauration scolaire, qui est calculée en fonction du coefficient familial, les deux premiers coefficients ne paient pas. Et « dans un souci de mixité sociale, les classes de découverte associent toujours des écoles de quartiers favorisés à des écoles de quartier moins favorisés » explique Magali Venet « Cette municipalité a à cœur de combattre les inégalités, elle tente aussi de faire se rencontrer tous les publics. L’école devrait être gratuite, ce qui se passe à Fontenay-sous-Bois devrait être la norme. Et puis d’un point de vue de prof, c’est tout de même confortable lorsque les élèves ont tous le même matériel ».

 

Ne pas impacter les autres budgets de la commune

 

Dans une commune voisine, Arcueil, la gratuité des fournitures scolaires date aussi de plusieurs dizaines d’années. « Chaque année la pochette de rentrée est discutée avec les membres de la communauté éducative, les enseignants » raconte Jean Baptiste Bennoit, enseignant de la commune. « Beaucoup de familles vivent en hôtel social, donc clairement quand un élève vous explique qu’il n’est pas venu à la rentrée car il n’avait pas de chaussures, on se dit que ça ne peut être qu’une bonne chose ». Pour l’enseignant, co-secrétaire départemental du SNUipp-FSU, la gratuité, c’est bien mais il ne faut pas que cela impacte les autres budgets de la ville. Une inquiétude que partage la FCPE. « Ces mesures sont une très bonne chose à condition que l’on ne rogne pas sur d’autres postes de dépenses, qu’offrir les fournitures à tous les élèves n’impacte pas les budgets culturels ou autres. Il faut aussi qu’une réflexion globale soit menée sur les fournitures scolaires dans le cadre d’un parcours citoyen soucieux de l’écologie ».

 

Les habitants de Villejuif, Arcueil ou encore Fontenay-sous-Bois ont la chance de bénéficier de la gratuité des fournitures scolaires, pourtant dans des villes limitrophes, les familles n’ont pas cette chance. Une inégalité que dénonce la FCPE.  « Aujourd’hui, sur un même département, il y a énormément de disparité quant à l’offre de gratuité des fournitures. Nous demandons donc qu’il n’y ait plus d’inégalité territoriale et que l’Etat prenne en charge cette responsabilité, dans une démarche écologique mais aussi non genrée ».

 

Lilia Ben Hamouda

 

 

 

 

Par fjarraud , le mercredi 21 septembre 2022.

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