Danièle Adad est professeure des écoles, formatrice à l’ESPE de l’université Paris-Est Créteil. Elle a rédigé de nombreux livres à destination des enseignants et enseignantes du premier degré. Elle prodigue des conseils aux enseignants en ce début d’année.

Quels conseils pour un enseignant qui fait sa première rentrée en maternelle ?

Pour la rentrée, comme pour le reste de l’année, il y a plusieurs points à privilégier. Il faut, tout d’abord, avoir une vigilance particulière quant à l’adaptation au milieu. La classe est un lieu très nouveau pour les tout petits et les petits mais c’est généralement aussi un nouveau milieu pour les autres, avec de nouvelles personnes, de nouvelles habitudes, un nouveau matériel…Il faut aussi privilégier la manipulation libre. Parfois, lorsque l’on est un jeune enseignant, on s’imagine qu’il faut donner des consignes tout de suite. Permettre aux élèves de manipuler librement, c’est leur permettre une première découverte de l’outil et éviter une forme de frustration. Ensuite, l’enseignant peut proposer des consignes en s’appuyant sur la première phase de manipulation de l’enfant, cela permettra de développer l’autonomie de l’élève qui doit être force de proposition pour faire évoluer la consigne. L’enseignant garde toujours la main puisqu’il propose le matériel.

Penser l’espace classe est aussi très important. Quel que soit le matériel mis à disposition des élèves, il faut qu’il un ait un objectif pédagogique derrière, et cet objectif doit être explicité aux élèves. Je conseille d’avoir une vision à long terme, de penser ses objectifs en ayant à l’esprit les objectifs de fin de cycle. On trace des traits pour apprendre à former des lettres et pour pouvoir écrire un jour, par exemple.

Il faut aussi accueillir les productions des élèves. L’enseignant ne doit pas rester focaliser sur ce qu’il attend d’une activité mais doit voir ce qu’a produit l’élève pour y déceler ce que celui-ci a été capable de faire. C’est la définition même de l’évaluation positive.

Et en élémentaire ?

Au niveau de la manipulation, du sens donné aux apprentissages, de l’autonomie, mes conseils sont les mêmes que pour la maternelle. Si les enseignants et enseignantes arrivent à mettre en place ces recommandations, l’élève sera bien plus créatif et acteur de ses apprentissages, et non un simple exécutant. J’ajouterai que pour l’élémentaire, il est judicieux d’harmoniser les pratiques sur tous les cycles. Harmoniser sur toute l’école – parfois c’est déjà le cas, il suffit de se renseigner auprès de l’équipe pédagogique – permet de gagner un temps précieux sur le plan pédagogique. On peut, par exemple, décider que le cahier de correspondance aura toujours un protège-cahier jaune. Les élèves ne perdraient pas le temps de s’adapter au nouvel environnement.

Je conseillerai aussi d’accueillir les productions des élèves en cherchant ce que l’élève sait faire, même si cela ne correspond pas au résultat attendu afin que chacun se sente compétent. Là encore, c’est de l’évaluation positive.

Sur quelle base doit-il ou elle bâtir sa relation aux élèves ?

À la rentrée, le professeur doit se présenter. Qu’il soit titulaire, stagiaire, contractuel, T1…, il doit se sentir légitime, avoir confiance en lui. Lorsque l’on entre en classe, on doit revêtir le « costume » du prof afin d’avoir une posture qui inspire confiance aux élèves. Si on se présente en s’excusant d’être là, l’année risque d’être compliquée…Si on a confiance en soi, on a confiance en nos élèves, on va inspirer confiance à nos élèves et cela va générer de la confiance entre eux. C’est une sorte de cercle vertueux.

D’ailleurs, je déconseille – comme on le voit souvent – de rédiger les règles de vie de la classe dès le début de l’année. Créer les règles de vie dès le début, c’est leur dire « je sais que tu vas bavarder, que tu vas courir, que tu ne vas pas écouter … », c’est rompre la confiance avant même qu’elle soit instaurée.

Et aux parents ?

Comme pour les élèves, il faut avoir confiance en soi, ou au moins feindre d’avoir confiance en soi afin d’inspirer confiance aux parents. On ne s’excuse pas d’être là – quel que soit notre statut. La rencontre avec les parents est aussi l’occasion de formaliser le mode de communication – cahier de liaison… Et puis, il ne faut jamais oublier que les parents nous confient ce qu’ils ont de plus cher.

Et aux collègues ?

Les collègues ont envie de voir une personne investie et force de proposition. Il faut savoir aussi entendre les conseils des titulaires plus anciens de l’école mais il faut aussi savoir garder son libre arbitraire. Écouter les collègues ne suffit pas forcément appliquer ce qu’ils nous conseillent si on estime que ce n’est pas ce qui nous convient.

Propos recueillis par Lilia Ben Hamouda