Budget 2023 : Une revalorisation qui courra après l'inflation 

"L’Education nationale bénéficiera d’une hausse historique (+3,6 milliards) de ses crédits". S'exprimant dans Les Echos le 7 août, le ministre des Comptes publics a repris une formule malheureuse. Mais le rapport sur la loi de finances 2023 confirme ce chiffre qui représente une hausse de 6.3% du budget de l'enseignement scolaire. Si l'effort est réel, il est à relativiser au regard d'une inflation qui augmente au même rythme. La "revalorisation" va courir après l'inflation. Et on peut se demander si le gouvernement s'est donné les moyens nécessaires au "nouveau pacte" qu'il veut imposer aux enseignants. Reste que la répartition de ces crédits en année d'élections professionnelles ne sera pas simple...

 

Une hausse historique ?

 

"Le Gouvernement a fait de l'éducation l'une de ses priorités du nouveau quinquennat. Dans les premier et second degrés, l’ambition de renforcer l’attractivité du métier d’enseignant conduit à un rehaussement de + 3,6 Md€ des crédits du ministère de l’Education nationale, permettant de poursuivre et d’amplifier la revalorisation des rémunérations des personnels enseignants dès la rentrée 2023 et d’engager l’accompagnement du Pacte pour les enseignants". Le document préparatoire à la loi de Finances 2023 accorde à l'enseignement scolaire un budget (hors pensions) de 60.2 milliards d'euros en 2023 soit 3.6 milliards de plus qu'en 2022. Il augmente de 6.3%.

 

C'est cette hausse qui est présentée comme "historique" par Gabriel Attal. La formule est malheureuse. Car elle a déjà été tellement usée sous le quinquennat précédent ! Notamment par JM Blanquer à propos du budget 2022 et de son action de 2017 à 2022. Or les enseignants ont vu concrètement en 2022 qu'une "hausse historique" ne concernait qu'une minorité d'entre eux et restait dans des dimensions quasi indétectables pour ses bénéficiaires.

 

Grignotée par l'inflation

 

Plutôt "qu'historique" la hausse du budget est importante et semble ouvrir de vraies opportunités. Mais elle reste inférieure à l'effort produit entre 2016 et 2017 avec une hausse du budget de l'éducation nationale qui n'était "que" de 4.4% mais dans une période où l'inflation stagnait à 1%.

 

Car l'inflation c'est ce qui ramène l'effort "historique" a des dimensions triviales. La hausse budgétaire de 2023 doit déjà tenir compte de la revalorisation du point fonction publique effective depuis juillet 2022. Cette augmentation de 3.5% représente un peu moins de 2 milliards qui diminuent d'autant la "hausse historique". Avec l'évolution naturelle de la masse salariale liée à l'ancienneté (ce que les experts appellent le glissement vieillesse technicité) (environ 400 millions), le gouvernement va disposer d'environ 1.3 milliard disponible pour une nouvelle politique éducative.

 

Des engagements intenables

 

Or celle-ci est triple. "L’engagement du président de la République de la poursuite de la hausse des salaires sera tenu et aucun enseignant n’entrera dans la carrière à moins de 2.000 euros nets", dit G Attal. Mais le document budgétaire est plus précis. " Dans les premier et second degrés, l’ambition de renforcer l’attractivité du métier d’enseignant conduit à un rehaussement de + 3,6 Md€ des crédits du ministère de l’Education nationale, permettant de poursuivre et d’amplifier la revalorisation des rémunérations des personnels enseignants dès la rentrée 2023 et d’engager l’accompagnement du Pacte pour les enseignants".

 

Le gouvernement veut à la fois revaloriser, améliorer l'attractivité et changer le métier enseignant grâce au "nouveau Pacte".

 

G Attal a pris l'engagement d'un début de carrière des enseignants à 2000 euros nets dès 2023. Mais il doit aussi revaloriser les autres enseignants, à l'exception des enseignants en fin de carrière qu'il a exclu de cette démarche. Durant la campagne électorale, E Macron a parlé d'une hausse de 10% pour tous les enseignants (soit 6 milliards) allant à 20% pour ceux entrant dans le "nouveau pacte". Car, c'est la troisième mission de Pap Ndiaye : il doit lancer les nouveaux pactes à la rentrée 2023. Et changer le statut des enseignants n'est possible que s'ils y gagnent quelque chose.

 

Des moyens finalement insuffisants

 

On voit donc que le ministre va devoir négocier sur trois fronts avec des moyens qui moyens qui vont fondre au rythme de l'inflation. Il est de 6.2% actuellement. Il pourrait augmenter à l'avenir.

 

Pap Ndiaye n'a pas avec le budget 2023 les moyens de faire tout cela. Soit il compensera l'inflation auprès des enseignants. Mais dans ce cas il n'aura pas la possibilité de revaloriser et encore moins d'imposer le nouveau pacte. Soit, une nouvelle année, il limitera drastiquement la revalorisation, par exemple aux enseignants débutants et à ceux entrants dans le "nouveau pacte" en laissant les autres face à l'inflation. Pap Ndiaye n'a pas obtenu les moyens lui permettant d'atteindre en 2023 les trois objectifs inscrits à son budget.

 

Des syndicats prudents

 

Dans cette situation, Pap Ndiaye a une opportunité à saisir. 2023 est une année d'élection professionnelle et la division syndicale pourrait être au maximum.

 

Reste que les annonces gouvernementales ont été accueillies froidement. Dans Le Monde (du 17 août) , Stéphane Crochet, secrétaire général du Se Unsa, dit "ne plus vouloir croire au Père Noël". "Nous avons été habitués par le passé à des discours séducteurs qui se sont soldés par des déceptions. L'enveloppe est importante mais les besoins le sont tout autant". Sur France Tv Info, Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes Fsu, est tout aussi prudente. "On a appris à se méfier des effets d'annonce", dit-elle."Ce sont des chiffres en valeur absolue. Il faut voir ce que cela donne par rapport à l'inflation". Elle réagit aussi à l'annonce des 2000€ en début de carrière. "Il faut penser aussi au reste de la carrière", dit-elle. "Est ce que cela veut dire que d'ici quelques mois un enseignant débutant gagnera la même chose que moi, qu'il n'y aura pas de perspective d'évolution de carrière ?"

 

Les vraies priorités du gouvernement

 

Pour mieux saisir la situation de Pap Ndiaye on peut comparer son budget à celui des autres priorités du gouvernement. Avec +6.3% l'enseignement scolaire semble privilégié. Mais la Défense obtient +7.3%, la police +9.5% et le Travail une hausse spectaculaire de 28%.

 

Tout cela dans un budget qui évolue vers plus de rigueur. Globalement les administrations publiques centrales (les missions ministérielles) voient leurs dépenses diminuer de 5% en 2023. Le Plan de relance passe de 13 à 4 milliards par exemple.

 

François Jarraud

 

Dans Les Echos

 

 

Par fjarraud , le lundi 22 août 2022.

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