Au vu des résultats d'admissibilité, on s'y attendait. Mais, comme pour les résultats de professeurs des écoles, la réalité dépasse cette année les prévisions les plus pessimistes pour les premiers résultats du capes externe. Après les SES, où pour la première fois des postes sont restés vacants, les résultats sont tombés pour les lettres classiques, l'allemand et l'anglais. Et déjà des centaines de postes ne sont pas pourvus.
Effondrements
Les lettres classiques sont traditionnellement déficitaires. Cela tient en grande partie à la baisse du vivier d'étudiants. Mais cette année on bat les records. En 2021, pour 134 postes à pourvoir il y avait eu 66 reçus. C'était déjà très peu. Cette année pour toujours 134 postes, seulement 55 enseignants sont reçus au capes externe. Autrement dit 60% des postes ne sont pas pourvus.
Autres discipline au recrutement difficile, l'allemand comptait 156 reçus en 2021 pour 222 postes offerts. Cette année le ministère a abaissé la barre et proposé seulement 215 postes. Or il n'y a que 60 reçus, soit 28% des postes.
L'anglais se portait beaucoup mieux. En 2021 les 797 postes ont été pourvus. Cette année pour seulement 781 postes, il y a seulement 675 admis (86%). L'anglais fait ainsi son entrée dans les disciplines déficitaires.
De nouvelles chutes à craindre ?
Et c'est cela le plus grave. Après les SES, elles aussi déficitaires ce qui n'était pas le cas jusque là, la situation en anglais annonce que d'autres disciplines qui jusque là n'avaient pas de problème pour recruter vont manquer d'enseignants. On s'attend à une catastrophe en maths, mais les lettres modernes arriveront-elles à recruter normalement ? Qu'en sera t-il en histoire-géographie, une discipline qui jusque là ne manquait pas de candidats. Ou de l'espagnol ?
On notera aussi que dans les 3 disciplines, dont les résultats viennent d'être publiés, les jurys ont écarté une partie des admissibles. En anglais on comptait 904 admissibles mais le jury n'a retenu que 675 noms. En allemand pour 85 admissibles , seulement 60 sont reçus alors qu'il y a 215 postes. En lettres classiques il n'y avait que 60 admissibles pour 134 postes. Le jury a quand même écarté 5 candidats.
Il ne faut donc pas attendre de miracle du coté du jury. Les jurys n'ont pas donné le concours à tout le monde même dans les disciplines très déficitaires.
Faillite de l'offre éducative
Les conséquences de cette situation sont prévisibles. En langues anciennes, l'offre au collège et au lycée va se réduire. C'est déjà nettement le cas en allemand où le ministère n'est plus en situation d'offrir cet enseignement partout où les familles le demandent. Ou il le fait sous la forme dégradée de l'enseignement à distance.
On ne va pas revenir sur les causes de cette situation. Il y a la réforme des concours qui n'a pas du tout été anticipée. Il y a des raisons plus fondamentales comme le salaire des enseignants et la baisse continue des postes offerts aux concours depuis 2017. Baisse due au fait que le ministre a créé des postes dans le 1er degré en les finançant par des suppressions équivalentes dans le second. Il y a surtout la volonté de contractualiser les emplois publics dans l'éducation comme ailleurs pour avoir des personnels plus dociles et moins chers. Et aussi le choix d'anticiper une évolution démographique à peine amorcée dans le second degré.
Pap Ndiaye n'est pour rien dans ces choix politiques. Mais c'est lui qui doit y faire face. Or jusque là, face à une crise du recrutement sans précédent, il est bien silencieux...
François Jarraud
Second degré : Catastrophe annoncée