Une revalorisation en forme de décrochage salarial 

C'est plus ou c'est moins ? C'est en même temps ! Le gouvernement a annoncé le 28 juin une hausse du point Fonction publique à hauteur de 3.5%. Voilà pour le plus. Mais par rapport à une inflation déjà à 5.2% en mai 2022 et probablement à 6.8% sur l'année 2022, ces 3.5% officialisent en fait un décrochage salarial. La revalorisation gouvernementale se traduit par une baisse du pouvoir d'achat de 1.7 dès aujourd'hui à 3.3% en décembre... D'où une déception certaine du coté des syndicats.

 

Un point gelé depuis plus de 10 ans

 

Le gouvernement a annoncé le 28 juin l'augmentation du point Fonction publique qui sert de base pour le calcul des salaires des agents des trois fonctions publiques. Ce point est gelé depuis le début du premier quinquennat d'E. Macron en 2017. Il avait connu un dégel en juillet 2016 et une augmentation en février 2017. De juillet 2010 à juillet 2016 le point n'avait pas bougé.

 

Cette augmentation est donc historique. Elle intervient après une décennie où la valeur du point a très peu bougé. Au 1er juillet, le point sera revalorisé de 3.5%. Ce sera pris en compte sur la paye d'août avec effet rétroactif. On trouvera sur le site du Se-Unsa les nouvelles grilles indiciaires prenant en compte cette augmentation.

 

Une hausse très en deçà de l'inflation

 

Mais l'augmentation est nettement inférieure à l'inflation. Sur un an, celle-ci atteint 5.2% en mai 2022. La Banque de France et l'Insee annoncent une inflation de 6.8% sur l'ensemble de l'année 2022. Si on prend en compte le pouvoir d'achat perdu depuis 2010, on est encore plus loin. Il faudrait relever le point de 16% pour maintenir le pouvoir d'achat perdu en 2010.

 

Rendez-vous manqué pour les syndicats

 

On comprend dès lors les commentaires des syndicats. Pour le Se-Unsa, " une réelle revalorisation des rémunérations et des carrières dont dépend l’attractivité de la fonction publique est nécessaire et indispensable. Aujourd’hui, nous n’y sommes pas et même l’urgence à compenser l’inflation est un rendez-vous manqué".

 

Pour la Fsu, " après un quinquennat entier qui s’est acharné à maintenir le point gelé, cette augmentation ne saurait compenser les pertes ni réparer les conséquences lourdes pour les conditions de vie d'un grand nombre de personnels, en particulier les bas salaires et les plus précaires... La FSU considère donc ces 3,5% comme une étape largement insuffisante et qui en appelle une autre sans délai, tant cette augmentation est en décalage avec la réalité de l'évolution de coût de la vie. La FSU exige que soit rapidement concerté un mécanisme pérenne d'indexation des salaires sur l'augmentation des prix". La Fsu et la Cgt attendent une hausse de 10%.

 

La France, une particularité en Europe

 

En France le salaire d'entrée dans le métier enseignant varie de 26 537€ dans le premier degré à 29 065 dans le second. Dans 16 pays européens sur 39 les enseignants touchent moins qu'en France. Il s'agit principalement de pays pauvres d'Europe centrale : Albanie, Bulgarie, Serbie ou moins pauvres : Hongrie et Pologne par exemple. Nos voisins font généralement mieux : 51 695€ en Allemagne à l'école primaire, 59 935 en lycée; 30 550 dans le primaire et 34 121 en Espagne, 32 010 et 39 817 en Belgique française, 39 504 aux Pays Bas. Le record est détenu par le Luxembourg, la Suisse et le Lichtenstein. Les enseignants suisses de maternelle touchent 69 967€, 75 012 à l'école élémentaire, 83 606 au collège et 94 162 au lycée.

 

Seconde particularité de la France : l'évolution de carrière y est particulièrement lente. Par rapport au salaire d 'entrée dans le métier, au bout de 10 ans le salaire a augmenté de 13%, de 21% au bout de 15 ans. Il augmente de 70% mais seulement en fin de carrière. Les taux d'augmentation sont plus forts dans la plupart des pays. Il y a tout un groupe de pays où dès 15 ans d'ancienneté on a une forte revalorisation salariale. Ainsi aux Pays Bas les salaires augmentent de 75% dans les 15 premières années avant de faire plus que doubler en fin de carrière. En Irlande c'est 62 et 88%, tout comme en Pologne. Même au Luxembourg , où les salaires sont très élevés, la hausse est de 39% au bout de 15 ans et 75% en fin de carrière. Enfin il y a des pays où la hausse salariale est faible : l'Espagne par exemple où elle culmine à 42% en fin de carrière ou l'Allemagne avec 31%.

 

Troisième particularité française : les enseignants français ont vu leur salaire stagner entre 2014 et 2020. Sur ces 5 années scolaires , la hausse salariale en France est de 2% dans le 1er degré en début de carrière et 3% dans le second degré. L'Italie n'a pas fait mieux. L'Espagne a fait le double. Partout ailleurs, sauf dans 8 pays où les salaires ont diminué, on a connu des hausses à 2 voire 3 chiffres. Champion de la revalorisation : la Roumanie : 198% de hausse, suivie par la Bulgarie (93%) et la Lettonie (70%). Le cas le plus courant est une hausse de 10 à 20%. Allemagne, Pologne, Autriche, Suède, Hongrie, Irlande sont dans ces eaux. Il reste 8 pays où les salaire sont baissé : -2% en Belgique et au Portugal, -1% en Norvège, -12% au Luxembourg.

 

François Jarraud

 

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Par fjarraud , le mercredi 29 juin 2022.

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