L'Unesco alerte sur le décrochage des garçons 

Phénomène jusque là réservé aux pays les plus développés, le décrochage scolaire des garçons gagne aujourd'hui les pays les plus pauvres. C'est ce que montre un nouveau rapport de l'Unesco. La pauvreté reste le facteur principal de décrochage. Mais l'Unesco pointe aussi la culture viriliste et les stéréotypes de genre.

 

Les garçons davantage à risque d'être déscolarisés

 

"Afin d’assurer l’accès de tous à une éducation de qualité et équitable ainsi que la promotion des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie, des actions transformatrices en matière de genre sont nécessaires", rappelle l'Unesco. L'organisation internationale n'oublie pas les filles qui, au niveau mondial, ont toujours moins de chances d'accéder à l'école primaire que les garçons. Le problème des filles c'est d'accéder à l'école primaire. Celui des garçons c'est de rester à l'école du primaire au supérieur.

 

Les dernières données internationales montrent, en 2020 la déscolarisation de l'enseignement primaire et secondaire de 259 millions d'enfants  dont 132 millions de garçons. Ceux-ci sont donc davantage à risque d'être déscolarisés. Et cela commence dès le primaire en Afrique subsaharienne et dans le monde arabe. Dans l'enseignement supérieur, au niveau mondial, les filles dominent avec 100 femmes pour 88 hommes.

 

Alors que le décrochage des garçons était jusque là un problème de pays développés, il gagne maintenant des pays en voie de développement selon l'Unesco. Dans 73 pays il y a moins de garçons que de filles dès le lycée. Dans 130 sur 142 pays, les garçons sont plus nombreux à redoubler que les filles dès le primaire. Globalement, à l'âge de 10 ans, les garçons s'en sortent moins bien que les filles en lecture. Un résultat qui s'inverse en maths.

 

Ce résultat là nous intéresse directement car c'est aussi dans nos écoles que se construit cette différence entre filles fortes en lecture et garçons forts en maths. C'est aussi très tôt que se construit en France l'inégalité de réussite scolaire entre filles et garçons : 94% des filles ont le brevet contre 87% des garçons; 92% ont le bac contre 82% des garçons.

 

Les normes de genre mises en accusation

 

Et le rapport de l'Unesco nous intéresse tout aussi directement quand il cherche les facteurs qui expliquent le décrochage des garçons. Si l'Unesco pointe bien sur la pauvreté des familles dans le décrochage des garçons, l'organisation montre aussi la place des attentes de genre. "Les normes et les attentes de genre ont une influence sur la motivation et la volonté d’apprendre des garçons. Dans de nombreux cas, les activités scolaires et certains sujets sont considérés comme incompatibles avec les expressions de la masculinité et, par conséquent, l’éducation est impopulaire auprès des garçons", écrit l'Unesco.

 

Les stéréotypes touchent aussi l'institution scolaire. "Les pratiques telles que la répartition en classes homogènes et la non-mixité contribuent à la faible motivation, aux mauvais résultats et au décrochage scolaire des garçons. Une discipline très sévère, des châtiments corporels et d’autres formes de violence fondée sur le genre en milieu scolaire ont des répercussions négatives sur la réussite scolaire et le niveau d’instruction des garçons. La peur et les violences subies sont à l’origine d’une augmentation de l’absentéisme et peuvent contribuer à l’abandon de la scolarité. Les garçons sont plus susceptibles que les filles de subir des brimades physiques".

 

Le rapport de l'Unesco est moins prolixe sur les remèdes. "Les politiques ne se sont pour ainsi dire pas intéressées aux inégalités qui existent entre les genres dans le domaine de l’éducation et qui désavantagent les garçons. Les politiques existantes sont principalement mises en place dans les pays à revenu élevé. Les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire sont peu nombreux à avoir mis en place des politiques spécifiques permettant d’améliorer la situation des garçons quant à la scolarisation et l’achèvement de la scolarité dans l’enseignement primaire ou secondaire".

 

Pour l'Unesco les programmes prometteurs sont ceux qui attaquent les stéréotypes de genre à la racine, c'est à dire à l'école primaire. A un âge où les enfants n'ont pas encore intériorisé les normes de genre. Autrement dit il faut commencer très tôt puisque la division genrée des compétences (lecture filles, maths garçons) se construit, en France, dès le début de l'école primaire, en fait dès le CP comme le montrent les données ministérielles. On retrouve là une vieille question franco-française : l'utilité de la démarche des ABCD de l'égalité, assassinés par le populisme de droite et d'extrême droite.

 

François Jarraud

 

Rapport Unesco

 

 

 

 

Par fjarraud , le mercredi 20 avril 2022.

Commentaires

  • Amytrezan, le 20/04/2022 à 15:32
    La mondialisation du décrochage n’est pas étonnant. La coupure entre la culture de l’école et celle du monde actuel devient partout criante. L’école construite sur le modèle rationaliste moderniste d’émancipation n’apparait plus en mesure de contenir les impasses écologiques qu’il a produites. En outre, la mondialisation libérale avance partout en contradiction avec les valeurs de l’école. Comment croire à la raison, la collaboration, l’entraide quand la domination économique, sociale, militaire, ou de genre, est partout plus libérée, affirmée.

    Pour comprendre le monde, aujourd’hui un enfant bénéficie d’un média supplémentaire : Internet. L’école n’est plus la seule référence. Elle est une référence qui apparait coupée de la réalité, douteuse, voire fallacieuse. Il serait intéressant de repérer le décrochage scolaire partout où les conditions sociales sont plus difficiles.

    Globalement les filles réussissent mieux jusqu’au lycée puis plafonnent. Une des raisons semble la posture des filles plus conformiste, en réponse à l’attente qui leur ait faite. Elles résistent mieux au décrochage qui se développent, mais peinent à se faire valoir au moment de faire carrière. Pour les garçons de classes moins favorisées, le décrochage est par contre précoce.

    Un autre stéréotype (revendiqué par certains féministes américains même) est alimenté par le constat d’une préférence en moyenne des garçons pour l’action sur le monde, tandis que les filles seraient plus tournées vers le soin au monde, à la souffrance. Or l’action sur le monde apparait dans l’impasse, le modèle moderniste d’émancipation est en crise. Ce serait donc la posture peut-être la plus masculine qui serait dans l’impasse...

    Faut-il alors uniquement travailler avec les élèves sur ces stéréotypes ? Le travail sur les stéréotypes, pas toujours très subtil, parfois moraliste, peut malheureusement alimenter le ressenti d’un décalage entre la culture de l’école et celle du monde. Et renforcer ainsi, à rebours du but visé, le décrochage scolaire !!

    Est-il utile d’aborder la question du genre en soi pour remédier à ce décrochage plus masculin ? Pourquoi ne pas repenser avec tous, les disciplines à l’aune du lien avec le monde, avec l’action possible sur le monde. Nos enseignements doivent à la fois être moins formels, et en même temps plus réflexifs sur la capacité de l’école à associer émancipation et prise en compte de l’ensemble des dimensions du monde.

    Mais la question déborde bien sûr le champ de l’école, dont la culture ne peut être en contradiction constante avec celle du monde. Avant d’attendre de l’école qu’elle fasse mine de cautériser des plaies bien réelles, la politique doit reprendre ses droits !

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