Laurence De Cock : Des « explorateurs de l’Histoire » pour questionner le passé 

« Les explorateurs de l’Histoire », ce sont, pour le moment, deux romans de 96 pages à destination d’un jeune public – entre 8 et 10 ans- pour vivre l’Histoire, la questionner pour mieux la comprendre. C’est un exercice nouveau pour l’autrice Laurence De Cock, historienne et didacticienne. « Cela n’a pas toujours été évident - je ne devais pas expliquer les choses comme j’en avais l’habitude par mon métier, c’est l’aventure elle-même qui devait s’en charger – mais finalement, je me suis prise au jeu avec plaisir » explique-t-elle. Trois albums par an sont prévus par la maison d’édition Nathan. Une façon d’appréhender l’Histoire de façon originale et ludique mais surtout d’apprendre à la questionner dans une démarche scientifique.

 

Jeudi prochain paraitront « Les explorateurs de l’Histoire » une collection de petits romans historiques à destination des enfants à partir de 8 ans. De quoi s’agit-il ?

 

Il s’agit d’une petite collection historique aux éditions Nathan qui part de la volonté de faire entrer les enfants dans la compréhension historique à partir de la fiction et de la méthode de l’histoire. Partir de questions d’enfants, au présent, et les faire voyager dans le temps afin qu’ils trouvent d’eux-mêmes la réponse par une enquête historienne. C’est à la fois une aventure fictionnelle avec des personnages qui vivent une aventure dans la période dans laquelle ils voyagent mais c’est aussi une façon de réfléchir à comment on recherche une réponse dans l’histoire. Cela amène à comprendre ce qu’est une source, ce qu’est une trace, ce qu’est un témoin, comment on se perd dans le passé. Derrière, et de façon très implicite, il y a toute une réflexion sur faire de l’Histoire avec les enfants.

 

S’agit-il de romans ?

 

Oui, dans ces petits romans de 96 pages, destinés à des enfants déjà lecteurs, trois personnages principaux vivent des aventures extraordinaires. Deux enfants, Jules et Sara, frères et sœurs, ont un super baby-sitter qu’ils adorent qui s’appelle Éole. Celui-ci appartient à la tribu très secrète des « passeurs de temps », tribu dont les membres ont la capacité de faire voyager dans le temps.

 

Ainsi, quand les enfants sont gardés par Éole, les réponses aux différentes questions qu’ils lui posent se transforment rapidement en aventures prodigieuses. Dans le roman « Christophe Colomb a-t-il découvert l’Amérique ? », Jules et Sara questionnent le baby-sitter après avoir entendu aux informations que l’on déboulonnait la statue de Colomb et dans « pourquoi a-t-on inventé l’école ? », Jules, de mauvaise humeur, ne comprend pas pourquoi l’école est obligatoire…. La question de départ de ces petites histoires est donc toujours une question du présent et pour y répondre, Éole emmène les enfants dans la période historique qui contient la réponse à leur question. Mais cela reste un roman fictionnel, avec toute un univers régit par des règles précises. Par exemple, les aventures que vivent les enfants sont sous le sceau du secret, s’ils venaient à en parler, tous leurs souvenirs seraient effacés… Le pitch est donc toujours le même, ce qui change c’est la question de l’enfant et l’aventure pour aller chercher la réponse.

 

A la différence d’un roman historique classique, à la fin du livre, on retrouve une question d’enfant à un historien, Patrick Boucheron et Olivier Loubes pour ces deux premiers livres. Quatre pages dans lesquelles ces derniers se mettent à hauteur d’enfant pour répondre. Dans une dernière page, je présente les sources et les différentes méthodes d’investigation d’un historien ou une historienne. En complément, des contenus additionnels avec encore plus de sources et d’explications sont disponibles en ligne.

 

Finalement, ce sont des livres pour aborder l’Histoire par le biais de roman mais pas du roman national ?

 

L’offre de littérature de jeunesse, en lien avec l’Histoire, est encore beaucoup trop centrée sur les grands personnages, les rois, Jeanne d’Arc… Cela ne permet pas d’avoir une vraie réflexion sur ce qu’est l’Histoire. Je n’ai rien contre le fait de travailler sur les grands personnages, mais ce qui m’intéresse c’est d’expliquer comment ils se sont construits comme grands personnages, comment problématiser le passé. Il s’agit de redonner de l’importance à l’environnement historique. Le personnage principal Christophe Colomb dans un livre, Jules Ferry dans l’autre, n’est qu’un acteur parmi d’autres. L’arrière-plan social, les gens ordinaires, les enfants de l’époque jouent un rôle prépondérant dans le fait historique. Finalement, ces romans permettent d’interroger la façon dont les choses se sont concrètement passées, comment vivaient les hommes, les femmes, les enfants à ces périodes.

 

Mon pari, c’est que la fiction rendra naturel le fait que le passé se questionne, et c’est là un enjeu fondamental. Le passé ne doit pas être perçu comme allant de soi, mais doit être interrogé. C’est toute la démarche de la collection « les explorateurs de l’Histoire », aller sur les traces du passé pour résoudre une énigme, les enfants ont un problème ? Alors il faut qu’ils trouvent des réponses.

 

Cette collection, ce sont donc des romans historiques pour défendre l’importance de la discipline historique au service de la compréhension du monde, une discipline historique éloignée de celle poussiéreuse du roman national.

 

Un outil pédagogique ou des romans de lecture plaisir ?

 

C’est un livre de lecture au sens propre du terme, un livre que les enfants lisent seuls au coucher ou en lecture partagée avec leurs parents… C’est un roman avant tout. Mais cela peut aussi être une lecture suivie en classe qui permet d’aborder la période de l’Histoire étudiée. Les dernières pages et les contenus additionnels par exemple renforcent cette dimension d’apprentissage et peuvent, à mon sens, constituer un bon support pédagogique

 

Une démarche qui permet finalement d’apprendre à reconnaître un fake new ?

 

En effet, la méthode d’investigation historienne présentée dans les romans de la collection permet d’apprendre à vérifier la source, à chercher par soi-même une réponse à une question et participe, en effet, à administrer une preuve, à être dans une démarche expérimentale.

 

Propos recueillis par Lilia Ben Hamouda

 

 

Par fjarraud , le mercredi 09 mars 2022.

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