Peut-on critiquer le gouvernement et enseigner la résolution de problèmes mathématiques ? 

"La priorité sera donnée à l’école et à nos enseignants, qui seront plus libres, plus respectés". Cette promesse électorale, inscrite dans sa Lettre aux Français du 3 mars, Emmanuel Macron ne l'a pas tenu le 11 février 2022. Ce jour là il envoyait Richard Cabassut, un formateur en didactique des mathématiques, sur les roses et appuyait la décision de la rectrice de Strasbourg, Elisabeth Laporte, de lui retirer une formation du Plan Maths au motif que dans une réunion du conseil de l'Inspe de Strasbourg il a critiqué la réforme gouvernementale. Une décision portée par Richard Cabassut auprès du ministre, du premier ministre puis du président de la République en pure perte. Avec Emmanuel Macron, pour travailler il faut la carte du parti ?

 

Critiquer le gouvernement est-ce être incompétent ?

 

 "Ce qui me scandalise c'est que les propos de la rectrice sur la déontologie ne sont pas dénoncés par ses supérieurs. Cela peut être dangereux pour l'avenir", nous a dit Richard Cabassut. Maitre de conférence et formateur en didactique des maths, il se voit confier une formation du plan Maths dans l'académie de Strasbourg. Mais le 9 février 2021, en tant qu'élu FSU au Conseil de l'Inspe de Strasbourg, il critique la réforme de la formation gouvernementale. Il apprend alors que la formation qu'il assurait dans l'académie de Strasbourg lui est brutalement retirée.

 

"J'ai cru qu'en suivant les voies réglementaires une réponse satisfaisante serait apportée à mes demandes. Mais il n'en a rien été". Le 14 juin 2021, le conseil de l'Inspe de Strasbourg adopte par 11 voix contre 3 une motion  rappelant qu'on doit distinguer la position d'élu au conseil permettant une expression libre et la compétence professionnelle. "Je ne me suis jamais exprimé dans mes fonctions professionnelles contre cette réforme de la formation des maitres", explique Richard Cabassut. Je ne vois pas le lien entre le thème de la résolution de problèmes en mathématiques et celui de la réforme de la formation des maitres".

 

Pourtant le 23 juin 2021, il rencontre, à sa demande, la rectrice  qui soutient qu'il y a un problème déontologique entre d'une part prendre position contre la réforme comme élu dans un conseil et d'autre part assurer une formation nationale organisée par le ministère sur la résolution de problèmes en maths.

 

Le silence de MM Blanquer, Castex et Macron

 

Richard Cabassut n'en croit pas ses oreilles. Il ne veut pas y croire. Alors il écrit. D'abord à JM Blanquer le 21 septembre pour lui demander "sa position sur la vision déontologique de la rectrice". Le 4 novembre il reçoit une réponse du directeur de cabinet de JM Blanquer qui lui répond qu'il transmet à la Dgesco. Depuis silence...

 

Le 24 décembre 2021, Richard Cabassut écrit au premier ministre. Toujours pour demander ce qu'il pense de la position de la rectrice de Strasbourg sur la déontologie des élus au conseil de l'Inspe. Un mois plus tard, le 24 janvier 2022, le chef de cabinet de J Castex lui répond qu'il a transmis sa lettre à JM BLanquer. Depuis silence...

 

Ce même 24 décembre, Richard Cabassut écrit aussi au président de la République pour lui demander ce qu'il pense de la conception de la rectrice en matière déontologique. Et Emmanuel Macron lui répond, le 11 février, à travers son chef de cabinet, qu'il a signalé sa question à JM BLanquer "qui vous tiendra informé de la suite susceptible d'y être réservé". Depuis toujours pas de nouvelles.

 

Personne pour désapprouver la rectrice ?

 

" Les ministres et le président contactés, n’ont pas désapprouvé la position de la rectrice, représentant du gouvernement", constate R Cabassut. Pour lui, la décision de la rectrice a porté atteinte à son intégrité et à sa réputation professionnelle. Mais , au delà, "cette décision peut être dangereuse pour l'avenir. Elle indique qu’à tout moment un élu peut être entravé dans une mission de formation sur la résolution de problèmes en mathématiques du seul fait de critiques lors d’une réunion d'un conseil d'Inspe... Cette position dénature le rôle d’un conseil d’institut. Comme son nom l’indique, un conseil d’institut de formation, exprime les conseils et points de vue des différents représentants élus. En indiquant qu’une expression critique d’un élu dans un conseil d’institut pose un problème déontologique, la rectrice de l’académie de Strasbourg, représentante du gouvernement, exerce une pression sur l’exercice professionnel des membres élus, ce qui risque de transformer les conseils en simples caisses d’enregistrement, dans une conception verticale du pouvoir, ce qui peut conduire à la mise en place de réformes, comme celle de la formation des maîtres, qui produisent des défauts majeurs qu’une écoute attentive des conseils aurait pu éviter".

 

Aujourd'hui les deux protagonistes ont quitté la scène. La rectrice de Strasbourg vient d'être démise de ses fonctions. Mais pour R Cabassut, cela vient de sa mauvaise gestion des sections internationales, qui a fait du bruit en Alsace, et non du suivi de son dossier. Et R Cabassut a pris sa retraite. Plus précisément il lui reste une formation du plan maths à faire, dans une autre académie, le 5 avril. On verra si la publication de cet article confirme que la conception de la rectrice est celle du gouvernement...

 

François Jarraud

 

 

 

Par fjarraud , le lundi 07 mars 2022.

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