Parcoursup : Un bilan inégalitaire du quinquennat 

"Parcoursup est un objet étrange" affirme le 4ème rapport du Comité éthique et scientifique de Parcoursup. Faisant le bilan des 4 premières années du dispositif, le comité admire la machine mise en place et recommande d'aller plus loin dans le grand mercato en veillant à l'harmonisation des notes des lycées. Il n'en reste pas moins que le système rejette 109 000 néobacheliers et principalement ceux d'origine populaire. Ainsi près de la moitié des bacheliers professionnels ne sont pas admis et un quart des bacheliers technologiques. Un bachelier général sur dix ne trouve pas d'issue dans Parcoursup. Le droit d'accès aux études supérieures a décidément vécu.

 

Un bilan positif

 

Ce 4ème rapport du Comité éthique et scientifique de Parcoursup fait le bilan de la mise en place il y a 4 ans de Parcoursup. Pour le Comité le bilan est positif. Il souligne l'adaptabilité de Parcoursup qui a su traiter de nouvelles formations et faire face à la montée des demandes. Il souligne aussi que Parcoursup oblige les acteurs du supérieur et, de plus en plus, ceux du second degré à travailler ensemble. "Pour la première fois un début de réalité pour ce qui n'était jusque là qu'un slogan : le continuum Bac-3 / Bac+3".

 

Mais un jeune sur cinq n'a pas accès au supérieur

 

Mais regardons le bilan au regard de l'avenir des néobacheliers. En 2021, 94% des néobacheliers inscrits sur la plateforme ont reçu une proposition. Mais seulement 82% d'entre eux l'ont accepté au final. 109 000 jeunes n'ont pas été admis dans une formation proposée par Parcoursup. 19 000 n'ont d'ailleurs reçu aucune proposition. Certes une partie d'entre eux a trouvé à l'étranger ou hors Parcoursup une formation. Mais cela fait quand même un jeune sur cinq rejeté par Parcoursup.  On mesure à quel point le dispositif a rendu l'accès au supérieur difficile.

 

Un bachelier professionnel sur deux

 

C'est aggravé par le profil des candidats non admis.  Ainsi seulement 60% des bacheliers professionnels est admis dans une formation Parcoursup. 22% a refusé la proposition qui lui était faite et 18% (un sur cinq) n'a reçu aucune proposition. La moitié de ces non admis y croyait et a tenté sa chance jusqu'à fin aout.

 

C'est mieux pour les bacheliers technologiques : 76% sont admis et un sur quatre n'a pas accepté la proposition ou n'en a pas eu. 11% des bacheliers généraux restent aussi sur le carreau.

 

A l'évidence Parcoursup est l'instrument d'un tri social des candidats. Cela se voit aussi dans le traitement des quotas de boursiers, de bacheliers professionnels en STS  et technologiques en IUT.

 

La faillite des quotas

 

Officiellement ces quotas sont là pour faciliter l'accès au supérieur des élèves défavorisés. Et dans une certaine mesure ça marche. Ainsi le pourcentage de boursiers ayant accepté une proposition dans Parcoursup est passé de 20 à 25% depuis 2018. En CPGE on est passé de 11 à 12%. Mais si on y regarde de plus près il faut constater que cette part a diminué dans les formations les plus prestigieuses : écoles d'ingénieurs, CPGE scientifiques. Comme l'écrit le comité "l'institution de quotas si elle a montré son efficacité ne peut ainsi à elle seule suffire".

 

C'est pire quand on regarde les quotas de bacheliers professionnels en STS et de bacheliers technologiques en IUT. Pour ces derniers on observe un plafonnement depuis 3 ans avec 31% de bacheliers technologiques en IUT. Les bacheliers généraux prennent la majorité des places : 60%.

 

L'accès des bacheliers professionnels aux STS a lui carrément diminué passant de 32 à 31% entre 2019 et 2020.

 

Des propositions dans la logique de la sélection

 

Le Comité fait des propositions pour remédier à ces situations. Elles vont toutes dans l'affirmation du dispositif et d'un grand marché sélectif de l'accès au supérieur.

 

Ainsi pour améliorer l'accès des bacheliers technologiques et professionnels aux IUT et STS, le comité recommande de "surbooker" d'environ 10% les propositions dans ces formations. On pourrait ainsi gagner près de 6000 places, sans que cela coute quoique ce soit.

 

Le comité demande aussi d'en finir avec la distinction entre filière sélective et non sélective. Avec raison, il souligne que toutes les filières sont devenues sélectives. Mais mettre fin à  cette distinction c'est enterrer définitivement le principe du droit d'accès au supérieur pour les bacheliers, un principe qui était une réalité il y a peu et qui est lié à la démocratisation du bac. Il est clair que ce principe est une utopie pour le comité. Mais les utopies ont aussi leur fonction.

 

Une logique qui remonte vers le lycée

 

L'autre recommandation pour lutter contre les inégalités c'est de rendre le système plus transparent et plus juste scolairement. Le comité n'ose pas demander le retour d'épreuves nationales terminales au bac. Mais il demande une harmonisation des notes  du controle continu, comme c'était prévu avec les épreuves communes imaginés par JM BLanquer. " Si l’on considère les « notes du bac » comme les notes pour l’accès à l’enseignement supérieur, comme c’est le cas avec Parcoursup, il importe que les notes soient le reflet fidèle du niveau du candidat", écrit le comité. "Il est nécessaire d’expliquer ce distinguo aux lycéens et à leurs parents. Les cas d’échec au baccalauréat général ou technologique, devenus de plus en plus rares, doivent être traités individuellement avec attention, autrement que par une inflation générale des notations. Attribuer des notes inconsidérément élevées à un élève lui garantit peut-être un baccalauréat que de toutes façons il aurait obtenu, mais brouille plus sûrement son orientation et hypothèque sa réussite dans le supérieur".

 

De façon habile mais un peu perverse, le comité agite deux arguments. " Au fil du temps c’est la préparation à l’enseignement supérieur qui s’est affirmée comme enjeu principal de ces trois années de lycée. Dès lors, les enseignants des lycées auront sûrement à coeur cette harmonisation en vue de l’orientation et la réussite de leurs élèves dans le supérieur, au nom de ces valeurs d’égalité républicaine qui motivaient leur attachement aux épreuves nationales du bac.... Si elle est rigoureuse, cette harmonisation ôtera toute raison d’être à la prise en compte du lycée d’origine par les CEV, au bénéfice de la transparence des critères de classement. L’harmonisation permettrait même d’envisager l’anonymisation des lycées d’origine." On ne saurait plus clairement dire que sans cette harmonisation les établissements du supérieur ont raison d'affecter les candidats au vu de leur lycée d'origine. Ils justifient une pratique d'une grande injustice sociale.

 

Un système pervers ?

 

On découvre la perversité de Parcoursup. La logique du tri, qui a remplacé le droit d'accès au supérieur, n'est plus remise en question. Parcoursup pousse à la faire remonter dans le second degré. Le bac-3 / bac +3, la collaboration entre second degré et supérieur (avec par exemple l'avis du chef d'établissement pour l'admission en STS) installés avec Parcoursup banalise la logique sélective et l'installe dans le lycée.

 

Avec Parcoursup le regard ne voit plus le manque de places dans le supérieur par rapport à la promesse républicaine d'accès au bac et aux études supérieures. Il ne regarde pas la dégradation des formations des bacheliers professionnels grâce à la réforme Blanquer qui justifie ensuite la sélection de ces jeunes en raison de leur taux d'échec. Avec Parcoursup la République s'habitue à trier ses enfants en raison de leur lycée d'origine et de leur origine sociale.

 

François Jarraud

 

Le rapport

 

 

Par fjarraud , le mercredi 02 mars 2022.

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