Paroles de manifestants : ras-le-bol ! 

A la manifestation parisienne du jeudi 13 janvier, c’est l’exaspération qui prévalait. Un ras-le-bol des protocoles sanitaires ingérables, certes, mais aussi, si ce n’est surtout, un ras-le-bol de la gestion managériale du ministre Blanquer très souvent nommé sur les pancartes des manifestants. Le manque de moyens, le manque de reconnaissance, le manque de communication… autant d’éléments qui justifient le nombre massif de grévistes et de manifestants. 75% dans le premier degré, 60% dans le second selon les organisations syndicales. Un mouvement d’ampleur rarement égalé sous ce quinquennat.

 

On nous méprise

 

Anne-Sophie est venue manifester avec sa collègue directrice. Toutes deux enseignent en maternelle à Bures sur Yvette (91) avec leur collègue qui elle enseigne à Saulx-les-chartreux, elles protestent contre le manque de « respect absolu depuis maintenant deux ans, voire cinq. On est face à un gouvernement qui nous méprise complétement.  Nous directeurs, on nous dit qu’on est formidables mais on ne reçoit aucun soutien, pire, on nous méprise. Dans mon école, il y a eu un cas mardi, et là je viens d’annoncer aux parents qu’il y avait d’autres cas et qu’on repartait donc sur sept jours de tests… C’est épuisant, invivable pour tout le monde, nous mais aussi les parents. Ce serait bien plus simple de fermer la classe. Là on n’enseigne pas, on garde les enfants »

 

La crise sanitaire, la goutte d’eau qui fait déborder le vase

 

Clara Da Silva est professeure de philosophie dans un lycée du cinquième arrondissement parisien. Déléguée du personnel FO, elle manifeste dans la bonne humeur même si son exaspération est à son comble. « Cela fait cinq ans que l’on voit l’école se faire détruire par Jean-Michel Blanquer, ce n’est pas qu’une question de protocole. C’est la destruction d’un service public. La gestion de la crise sanitaire est la goutte d’eau qui fait déborder le vase déjà bien plein avec la réforme du lycée en 2019. Dans notre lycée, où les grèves ne sont pas particulièrement suivies, nous sommes 60% de grévistes cette fois-ci, ce qui est énorme et significatif. Les conditions d’hygiènes sont déplorables, les agents ne sont pas remplacés, les services vies scolaires sont débordées, les chefs sont épuisés… »

 

M. Antoine, prof de maths est en grève comme une majorité de ses collègues de l’école alsacienne, prestigieux établissement privé du sixième arrondissement. « Que ce soit du primaire, de l’administration, de la direction ou du second degré, nous sommes tous très mobilisés. A l’école alsacienne, on est plutôt bien soignés, on a des masques, on a des capteurs CO2 mais ce n’est pas le cas ailleurs. C’est insupportable… Y en a ras-le-bol de la politique menée ces dernières années, on se sent mal traités que ce soit sur la réforme des retraites, de la réforme du bac… On est face à un ministre avec lequel nul dialogue n’est possible. Le protocole sanitaire est le symbole de ce manque de dialogue ». « La crise sanitaire est venue cristallisée un très fort mécontentement et les contre-vérités constantes de Blanquer sur les non-remplacements, sur une situation où l’école serait prétendument en bonne état… Tout cela cela ne passe plus ! » renchérit son collègue François Colodiet, professeur d’histoire géographie.

 

Laurence Cantoillat de l’école maternelle Victor Hugo de Sevran, Brahmi Chaker AESH en école élémentaire à Saint Ouen et Florence Mendy de l’école élémentaire Denise Albert de Sevran sont en grève et manifestent ensemble. « L’application des protocoles successifs est ingérable, on ne peut pas travailler dans de bonnes conditions, on a de moins en moins d’élèves. Nous faisons office de garderie » explique Laurence. Pour Brahmi, c’est un cumul. « Blanquer ne fait que du rafistolage. Nous les AESH sommes délaissés depuis des années, cette dernière épidémie a exacerbé les choses. Pour rappel, lorsque les classes fermaient, ou ferment encore, nous les AESH devions aller de classe en classe. Le brassage c’est nous. Notre travail c’est de la précarité, nous sommes les invisibles de l’éducation nationale ». Florence termine sur ces mots, « nous ce que l’on veut, c’est exercer notre métier, c’est enseigner, pas gérer des protocoles impossibles… On nous demande d’improviser constamment, on doit gérer l’hémorragie sans aucun accompagnement. C’est plus possible pour les élèves, c’est plus possible pour les parents et bien entendu, ce n’est plus possible pour nous ».

 

Les parents, aussi dans la rue

 

Samir Alioua, administrateur national de la FCPE, était aussi du cortège. « Nous sommes fatigués des changements répétitifs de protocoles, et cette semaine, on a battu un record, trois en moins de cinq jours. Cela fait deux ans que la FCPE fait des recommandations pour gérer cette crise : recrutement massif d’enseignants, de médecins scolaires, de psychologues de l’éducation nationale… La dernière annonce de Castex, ce n’est que de la poudre aux yeux, ce que l’on demande pour nos enfants, c’est une meilleure gestion de la crise sanitaire avec des capteurs CO2 dans les classes, responsabilité dont se défausse le gouvernement sur les collectivités territoriales. Pour toutes ces raisons, nous avons appelés les parents à se mobiliser aux côtés des équipes pédagogiques ».

 

Et les personnels de direction aussi

 

Fait assez rare, les personnels de direction étaient en grève et de manifestation. Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du principal syndicat des chefs d'établissement (SNPDEN), manifestait aux côtés de ses collègues. « Après vingt-deux mois de crise sanitaire, le sentiment d’épuisement et d’exaspération des collègues personnels de direction est à son comble. Nous avons conscience que c’est la crise et qu’en temps de crise, il faut parfois prendre rapidement des décisions mais le gouvernement aurait pu gagner en efficacité en étant plus respectueux. Là les collègues en ont assez, ce qui explique notre présence aujourd’hui. On estime que 30% de nos adhérents sont grévistes, ce qui est assez inédit. Ce sont à la fois des conditions d’exercices dégradés depuis longtemps et le format de cette crise, avec un nombre de cas de plus en plus important à gérer, qui ont eu raison de notre patience »

 

Propos recueillis par Lilia Ben Hamouda

 

 

 

 

Par fjarraud , le vendredi 14 janvier 2022.

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