Grève du 13 janvier : Parole aux syndicats 

Pari réussi pour les organisations syndicales. Jeudi 13 fut un vendredi noir pour Jean-Michel Blanquer. 75% d’enseignants et enseignantes du premier degré grévistes, 60% dans le second degré selon les chiffres des différentes organisations. Le ministère quant à lui reconnait 38,48% de grévistes chez les professeurs des écoles et 23,73% chez les profs de collèges et lycée. « Stop au mépris », un cri de colère que partagent toutes les syndicats. Du côté des demandes, là aussi, elles font l’unanimité : des masques, des capteurs CO2, une communication qui ne transite pas par voie de presse… Alors que les revendications sont partagées par tous, « l’arc syndical » tiendra-t-il ?

 

Le gouvernement doit assumer sa stratégie face à la gestion du virus

 

Pour Stéphane Crochet, secrétaire général du SE-UNSA, cette grève est « l’expression d’une énorme colère sur la façon dont cette crise est gérée depuis maintenant deux ans. La profession ne supporte plus la méthode : annonces successives – toujours aux médias - stabilisées seulement les jours suivants par écrit. Les professionnels ne sont pas alertés en amont sur les changements de protocoles, on le découvre en même temps que tout le monde et dès le lendemain on a en répondre face aux familles alors que nous n’avons pas plus d’infos. Et le comble, c’est que bien souvent, ce qui est annoncé n’est pas tenable. Ce mode de gestion est insupportable. L’annonce du dimanche 2 janvier dans un article payant ne passe pas ».

 

Pour le SE-UNSA, ce qu’il faut, c’est « un changement de méthodes qui permette de respecter les personnels et leurs conditions de travail. Des réunions hebdomadaires nationales pour envisager ensemble les évolutions nécessaires et des réunions en territoire pour regarder très concrètement ce qui se passe localement ».  Concernant le dernier protocole, selon le secrétaire général, « il simplifie la vie des familles mais il met aussi en lumière l’objectif du gouvernement qui est de gérer la diffusion du virus et non plus de l’arrêter. Nous avons besoin de savoir quel est le sens de ce que l’on fait, le gouvernement n’assume toujours pas la stratégie adoptée face au virus et c’est une difficulté supplémentaire pour nous. Alors on demande quel est l’objectif poursuivi ? Ce n’est pas à nous d’assumer auprès des familles l’ambiguïté gouvernementale. Nous demandons donc avant tout un changement de méthode, stop aux changement incessants, stop aux annonces par médias interposés, des protections, des recrutements de personnels – d’abord sur les listes complémentaires. On demande aussi à faire un état des lieux de ce qu’a été la scolarité des élèves en janvier pour un aménagement possible des épreuves de spécialité, comme le contrôle continu » et concernant les masques, « fin janvier, c’est loin. Les FFP2 pour les personnels vulnérables et ceux enseignants en maternelle doivent être fournis rapidement ».

 

Une forte capacité de mobilisation

 

Pour Benoît Teste, secrétaire général de la FSU, la grève est massive car « la profession réagit à tant de mépris, à tant d’injonctions… Il y a là une forte capacité de mobilisation, les enseignants sont fiers de leur métier et refusent d’être malmenés. Au vu de la pagaille dans les écoles et les établissements depuis le 3 janvier, on peut considérer que c’est une attaque contre le métier. Alors lorsque l’on nous demande de mettre en place des protocoles impossibles, la profession réagit car nous ne supportons pas de faire semblant de faire des choses, c’est contre notre éthique. Par exemple, avoir des classes vidées de la moitié, voir des trois-quarts de nos élèves, c’est faire de l’occupationnel en classe et laisser les élèves qui sont à la maison livrés à eux-mêmes. Paradoxalement, fermer la classe est plus pertinent pédagogiquement car on met en place un suivi en distanciel pour tous les élèves. Le mode d’organisation actuel aggrave les inégalités et avec le maintien des dates d’examens pour les épreuves de spécialités, il y a une pression supplémentaire ». Et sur ces épreuves, le secrétaire général alerte sur « le manque de perspective de discussion sur leurs conditions. Il est nécessaire de faire le point au vu de la scolarité erratique des élèves, il est nécessaire qu’il y ait au moins des aménagements. Là, on n’ouvre même pas la discussion, on ne nous demande pas notre avis là-dessus. Tout cela participe à une forme de pression sur la profession ».

 

La liste des demandes de la FSU est longue, mais elle rejoint celles des principales autres organisations syndicales. « Ce que l’on veut avant tout, c’est changer de braquet. La situation actuelle mérite mieux que des promesses – vous allez avoir des masques, ce sont les collectivités qui doivent vous équiper en capteurs CO2, on leur a demandé… Ce que l’on demande, c’est ce que l’on demande depuis vingt mois : des masques chirurgicaux et FFP2 pour les personnels qui en ont besoin, des capteurs CO2, des purificateurs d’air si besoin. On en a besoin tout de suite. Du côté des capteurs, les collectivités nous disent que le fond n’est pas suffisant, alors l’État doit mettre la main à la poche, le « quoiqu’il en coûte » doit se traduire en actes. Il faut aussi recruter des enseignants notamment sur les listes complémentaires avec une perspective de titularisation. On en aura besoin, on sait qu’il y a pénurie. L’éducation nationale nous annonce qu’elle recrute mais sur des postes précaires, qui voudra y aller ? Venir travailler dans des lieux reconnus comme haut lieux de transmission du virus n’est pas très attractif, les rectorats le reconnaissent. Tout cela participe de la désorganisation des écoles ».

 

Pour Guislaine David, porte-parole du SNUipp-FSU, premier syndicat des enseignants du premier degré, « il faut sécuriser les personnels avec des masques tout de suite et pas dans trois semaines, un colissimo arriverait bien plus vite… Il faut des masques FFP2 pour les enseignants de maternelle, les AESH et les personnels qui le souhaitent. Il faut des capteurs de CO2, des purificateurs d’air là où l’on ne peut pas aérer. Il faut des tests salivaires préventifs comme à Nancy où c’est expérimenté en ce moment. Il faut mener une politique de prévention avec l’isolement des cas positifs. Il faut aussi que les élèves dont l’un des membres de la famille est positif soient isolés… » Autant de demandes qui là encore ne sont pas nouvelles.

 

Une prochaine journée de mobilisation ?

 

Pour Brendan Chabannes, co-secrétaire SUD éducation, cette grève c’est dire stop au « mépris Blanquer », « halte à la succession de protocoles qui n’assurent en rien la sécurité des agents, des élèves et de leurs familles ». Selon le responsable syndical, cette grève, « majoritaire sur tout le territoire », touche d’autant plus les AED, « ce sont des personnels qui sont en première ligne, c’est une profession précarisée dont les conditions de travail se sont singulièrement dégradées avec la crise. On sait qu’ils sont massivement mobilisés ce qui entraine une désorganisation des établissements avec la fermeture d’internats par exemples ».

 

Pour la fédération SUD, « Il ne faut plus des protocoles mais un protocole. Un protocole qui repose sur des données objectives telles que les taux de contaminations, les taux d’incidence dans le département et pas du fait du prince. Ce sont ces éléments qui permettront de décider de la nécessité ou non de fermer une classe ». Autres problématiques pointées par le responsable syndicale : le renvoi de responsabilité de la gestion de la crise aux échelons inférieurs de l’administration mais aussi le fait de laisser revenir en classe des élèves peut-être positifs, « ce n’est pas contrôler le virus, c’est organiser sa circulation ». Le responsable syndical n’exclut pas une nouvelle date de mobilisation dès la semaine prochaine, « la fédération est en attente des remontées des AG et de l’intersyndicale ».

 

Une exaspération à son comble

 

Catherine Nave-Bekhti secrétaire générale du Sgen-CFDT était aussi de la manifestation. Le syndicat, plutôt réformiste, n’a pas appelé à une grève nationale depuis 2003, c’est dire le niveau de mécontentement sur le terrain. « L’exaspération dans laquelle se trouve les personnels qui portent l’école à bouts de bras depuis maintenant près de deux ans est à son comble. Le ministère ne répond pas à nos propositions, caricature le débat en opposant ceux qui veulent ouvrir à ceux qui veulent fermer et nous demande de faire fonctionner l’école comme si tout était normal » explique la secrétaire générale. 

 

« On veut des réponses pour nos agents, on veut que l’état les protège en les équipant de masques chirurgicaux, voire de FFP2 lorsqu’ils sont face à des enfants non masqués. On attend aussi que baisse la pression sur les programmes, on nous demande de faire comme si de rien n’était, on nous demande d’envisager les examens comme si on ne sortait pas de trois années consécutives de pandémie. On veut aussi que l’on sorte du discours maintenir toutes les classes ouvertes même s’il y beaucoup de cas positifs, même si peu d’élèves sont présents. Nous ne sommes pas dans une véritable continuité pédagogique, dans certains cas il vaut mieux fermer carrément les classes et basculer en enseignement à distance. Un enseignement qui permettrait d’accompagner tous les élèves plutôt que de peu avancer en classe – faute d’élèves, et de laisser les absents se débrouiller car le Sgen-CFDT s’oppose à la double journée des enseignants, il en est hors de question. Il est primordial de maintenir le droit à l’éducation pour tous, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui » conclut la porte-parole du Sgen-CFDT.

 

Lilia Ben Hamouda

 

 

 

 

Par fjarraud , le vendredi 14 janvier 2022.

Commentaires

  • Princesse01, le 25/03/2022 à 01:53
    Je suis d'accord avec seb !
    Cdt

    [link=https://au-temps-du-sablier.com/]




  • sebseb, le 14/01/2022 à 09:04
    Non mais pourquoi même interviewer la CFDT ???? Il y a encore une semaine ils jouaient les vierges effarouchées sans appeler à la grève, comme d'habitude ! Pourquoi faire semblant quand on a tous la même image de ce faux syndicats ?
  • caroudel, le 14/01/2022 à 08:32
    Pourquoi le Ministère semble démentir les syndicats ?
    C'est simple, il compte pour base de calcul tous les personnels qui auraient pu être concernés : conseillers pédagogiques, personnels de bureau peut-être, inspecteurs, personnels en congé, remplaçants, etc. 
    Il y a donc beaucoup de personnels annexes qui ne font pas grève. le pourcentage de grèvistes est donc fortement réduit.
    Par contre les syndicats prennent pour base les personnels au contact direct des élèves, ce qui rend mieux compte de l'ampleur de la manifestation.
    D'ailleurs l'impact sur le nombre de classes et d'écoles fermées confirme les 75% de grèvistes.
    On peut sourire en voyant la précision du pourentage annoncé par le Ministère, trois centièmes destinés à laisser croire à une chiffre mathématiquement exact... 
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