Eveline Charmeux : Pour que la démocratie entre à l'école 

La bande des 6 a frappé. Eveline Charmeux, Alain Miossec, David Sire, Jean-Louis Briand, Laurent Carle et Simon, un IEN retraité mais anonyme, publient un ouvrage qui propose un autre modèle d'école. Une école pas seulement républicaine mais démocratique.  Le livre explique pourquoi et comment c'est possible et comment cette évolution de l'école est un préalable à la construction d'une société solidaire. Mais avant cela, les 6 se livrent à un démontage en règle des réformes de JM Blanquer dans le premier degré. Entretien avec Eveline Charmeux.

 

L'ouvrage porte un programme sur lequel on va revenir. Mais n'est ce pas aussi un livre de réactions ? On sent un brin d'énervement dedans...

 

C'est un livre qui exprime un mécontentement et une grande inquiétude devant ce que l'école est en train de devenir avec les réformes de JM Blanquer.Plus on a réfléchi sur ses réformes , plus on a été convaincu de la catastrophe qu'elles représentent. On a voulu le faire savoir. D'autant qu'une bonne partie de la population reçoit ces réformes positivement.

 

Vous attaquez les réformes de JM Blanquer. Par exemple vous dites qu'il se trompe sur l'apprentissage de la lecture. Pourquoi ?

 

Il préconise l'apprentissage du déchiffrage oralisé, pas de la lecture. C'est une double erreur. La lecture est une activité visuelle qui n'a rien à voir avec l'oral. L'activité de déchiffrage oralisé est contraire à la lecture. L'oeil ne perçoit pas les choses au fur et à mesure suivant un défilement. Mais il enregistre des détails en cercle, et non en ligne. Sa réforme bafoue des connaissances scientifiques.

 

Vous critiquez l'importance accordée à la fluence. Pourquoi ?

 

Je la critique car avec elle JM BLanquer rejette des travaux scientifiques pour plaquer quelque chose de nouveau issu des neurosciences. Par exemple les travaux en linguistique ou sur le fonctionnement de l'oeil. Il les ignore. C'est inadmissible. Dans l'ouvrage je reprends les réformes de JM Blanquer et j'en démontre les erreurs scientifiques. A propos de la fluence, on peut dire qu'il est exact qu'un bon lecteur lit vite. Mais pour être capable de lire vite, la démarche qu'il préconise est contraire à la réalité: accélérer le déchiffrage. Mais le déchiffrage n'est pas de la lecture. On ne comprend pas en déchiffrant. La réalité de la lecture dépend en fait de la taille de l'empan visuel. Faire lire à voix haute très vite est juste du dressage. C'est une activité idiote. Il faut refuser ces exercices.

 

Dans le livre, vous critiquez aussi les évaluations nationales. Pourquoi ?

 

Là aussi il ignore les différentes fonctions de l'évaluation. Il y a deux sortes d'évaluation. Une évaluation formative qui ne peut être faite que par celui qui enseigne. Et une évaluation certificative. Les évaluations qui viennent d'en haut ne peuvent pas être formatives. Et une évaluation certificative ne se justifie qu'en fin de cycle. Au CE2.

 

Le projet du livre c'est celui de l'école démocratique. Mais c'est quoi une école démocratique ?

 

C'est une école qui met en pratique ce qui est écrit sur son mur : liberté , égalité, fraternité. Il n'y a pas de liberté dans l'école. Ni pour les élèves, ni pour le professeur. Les inégalités se creusent dans notre école. Quand à la fraternité où est elle quand l'école est un lieu où on se fait punir quand on s'entraide ? On explique dans le livre que ce qui caractérise la démocratie c'est la séparation des pouvoirs. Or le ministre peut être législatif et exécutif avec tous ses guides.

 

Vous citez des exemples d'écoles démocratiques. Pouvez vous en présenter une ?

 

Il y a en effet des gens qui veulent changer l'école. Par exemple en Belgique La maison des enfants. Elle marche depuis des années. C'est une école sans notes où les évaluations sont participatives.

 

Un enseignant peut-il faire évoluer les choses seul ?

 

Dans l'ouvrage on est le plus concret possible. On montre par exemple des "premières fois", des moments où les enseignants osent quelque chose. Par exemple arrêter de mettre des notes. Maria-Alice Medioni explique en détail comment elle a fait et ce qui s'est produit. On montre dans cette dernière partie du livre qu'on peut faire des quantités de choses pour changer l'école et ouvrir la porte de la démocratie. On peut par exemple introduire de l'entraide.

 

Propos recueillis par François Jarraud

Eveline Charmeux (dir). Pour que la démocratie entre à l'École. Editions du croquant. ISBN 9782365123037. 18€

 

 

 

Par fjarraud , le vendredi 26 novembre 2021.

Commentaires

  • Kimbam, le 10/01/2022 à 06:46
    Schools should be more and more advance because of the technology and the different upgrades in the learning process.
    www.bakersfield-handyman.com/

  • delacour, le 27/11/2021 à 10:15

    "Ilpréconise l'apprentissage du déchiffrage oralisé, pas de la lecture. C'est une double erreur. La lecture est une activité visuelle qui n'a rien à voir avec l'oral. L'activité de déchiffrage oralisé est contraire à la lecture. L'œil neperçoit pas les choses au fur et à mesure suivant un défilement."

    Tout à fait d'accord.

    La seule possibilité logique est de se conformer à l'invention de l'écriture, commencer par apprendre à écrire au lieu decommencer par apprendre à lire. Apprendre à lire sera une conséquence de l'écriture : un mot qu'on écrit est nécessairement compris puisqu'on a codé essentiellement du sens à travers un codage des sons. Restera à aider l'œil à apprendre à lire, à reconnaitre les mots plus qu'à les décoder, même si lecodage écrit fournit des indications quant au décodage de certaines lettres ou groupes de lettres.

    Il faudrait donc de nouvelles instructionsofficielles : apprenez à écrire, la lecture en découlera.

    Mais quand des "savants" s'obstinent à faire décoder la lettre "a" en /a/, ils inversent le cours de l'histoire. C'est le son /a/ qui a souvent été codé "a" dans 95% desoccurrences (femme et solennel..). Par contre si on voit "a" dans un texte il faut avoir beaucoup de chance pour lui attribuer un son (12 décodages possibles) et plus de 50% des "a" vus ne se décodent pas /a/, et pour y arriver que faut-il ? Avoir commencé par coder (appris à écrire) le mot concerné pour être certain de le reconnaître (et pas le décoder).

    Les enfants actuels décodeurs qui ne font pas le saut de la reconnaissance sont ceux qui n'apprennent pas à lire. Ils respectent les consignes de décodages (souvent impossible si on ne sait pas discerner lesempans sonores) et décodent /a/ dans maison ou faisions…

    En suivant la progression écrilu (voir le site),on commence par apprendre à écrire les mots, à cet instant la coordination temporelle et spatiale est facile (un phonème dans le temps, une graphie sur un axe orienté), pour les reconnaître ensuite, alors l'œil entre en jeu et lit, captant le sens même si les lettres sont parfois à la mauvaise place. (captnat le sens même si les letrtres sont prafios à la muavaise place).

    Il faut d'abord apprendre à écrire pour pouvoir apprendre à lire.

    Ferrara dans son livre "la fabuleuse histoirede l'invention de l'écriture" (Seuil2021) donne deux exemples d'analphabètes créant de toute pièce l'écriture (donc la lecture) de leur langue respective (pages 190 et suivantes). Même si on ne sait pas lire, on peut créer une écriture, l'inverse est impossible : si on ne sait pas écrire on ne peut pas lire directement. Les paléographes le savent bien.

    Pour que l'œil puisse effectuer un travail correct sans trahir l'orthographe, il faut commencer par écrire.   


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