Claire Lommé : La rentrée et ses illusions... 

"On croit que ce qu’on comprend". Mais comment enseigner cela ? Pourtant la rentrée est pleine d'illusions, de moments où on croit que tout est possible. Claire Lommé nous emmène sur la piste de ces illusions. Vous n'allez pas en croire vos yeux...

 

La rentrée est derrière nous et nous voilà bientôt au cœur du mois de septembre. Il nous faut reprendre le(s) rythme(s), réussir à composer une musique entraînante, harmonieuse, avec forcément de l’allegro, du vivace, mais en n’oubliant pas de nous ménager des moments piano, voire pianissimo. Une musique qui nous ressemble, à chacun, avec le moins de fausses notes et de discordances possible. Et tout cela rapidement. Pas facile. Ça, c’est pour le côté jardin.

 

Côté cour, nous découvrons nos élèves. Chacun d’entre eux est unique, beaucoup ont besoin d’une aide particulière. Alors nous consignons les PAI (projet d’accueil individualisé). Nous prenons connaissance des PAP (plan d’accompagnement personnalisé). Nous réfléchissons à qui aurait besoin d’un PPRE (programme personnalisé de réussite éducative). Nous nous renseignons sur les passés scolaires douloureux. Nous sommes attentifs à qui se tient le ventre, qui a besoin d’aller souvent aux toilettes, qui a le regard dur ou fuyant, qui se met tout au fond pour cacher ses difficultés d’écriture. Les CEC (conseils école collège) n’ayant pas toujours pu avoir lieu à cause du covid, nous n’avons pas tous les éléments nécessaires. Alors nous faisons ce que nous avons appris à faire (en plus de savoir parler la langue acronymique de l’éducation nationale) : nous nous débrouillons pour faire au mieux pour nos élèves. C’est un travail de fourmi, pratiquement invisible de l’extérieur. Et pourtant, il est tellement important. Nous travaillons en acte le rapport à l’école de ces enfants : d’une part leur rapport aux savoirs et aux apprentissages, d’autre part leur rapport à l’autre. C’est leur image d’eux-mêmes qui est en transformation.

 

Pour moi, tout ce travail est aromatisé, parfum mathématiques. Si j’ouvre mon agenda de bord à la page de la semaine, que vois-je se profiler ?

 

En sixième, nous allons parler histoire des maths, représentation des nombres, en entamant un grand voyage dans le temps et l’espace : des Mésopotamiens aux Mayas, du temps des pyramides à celui des Shadoks, nous allons réinterroger nos certitudes et secouer avec vigueur nos habitudes ; pourquoi représenter les nombres tel que nous le faisons ? Pourquoi la base 10 serait-elle la « meilleure » ? D’où sort ce puissant nombre zéro ? Nous passerons par des lectures de BD, des études d’objets historiques, nous dénicherons une erreur dans une table antique romaine…

 

Et en cinquième, nous n’allons pas en croire nos yeux. Ou nos cerveaux, je ne sais pas. Voyez plutôt :

Source : https://ivno.over-blog.com/2021/01/l-illusion-de-jastrow.html

 

Quelle est la pièce la plus courte, selon vous ? Mmmmh ? Alors ? Je vous entends mal, de là où je suis, mais je présume que vous répondez : la pièce n°1. J’aurais été d’accord avec vous, avant de visiter le Musée de l’illusion, à Paris, cet été. Mais je ne le suis plus. Enfin, plus précisément, je sais que vous vous trompez, même si j’ai toujours du mal à y croire : les deux pièces sont superposables. Si, si. Regardez, si j’intervertis les deux pièces, sans trucage :

 

Bim, la pièce n°2 semble être devenue la plus petite… Non mais quand même, c’est fou, non ?

 

Cette illusion se nomme l’illusion de Jastrow. Elle est vraiment spectaculaire et a pour moi plusieurs vertus pédagogiques : elle me permet d’entrer d’un coup d’un seul dans mon projet Regards de géomètre, avec l’association Maths en Scène, dans le thème des illusions. Comme j’ai fabriqué de grandes pièces en carton, elle me donne une première occasion de manipuler, de faire manipuler les élèves. Elle m’amène à parler longueur, périmètre, aire, mais aussi translation, nouvelle notion pour les élèves :

 

 



https://view.genial.ly/611b8ae60b994b0dcd09ec90, par Juliette Hernando

 


Et puis cette activité nous amènera à débattre, je pense, histoire de mettre la parole au centre de nos apprentissages dès le début de l’année. Je pourrai évaluer des compétences, comme « Prélever et reformuler des informations utiles », « Proposer une conjecture », « S’exprimer clairement », au travers d’une production écrite individuelle. Lors de la séance suivante, je pourrai faire un retour sur les productions, pour montrer des façons différentes d’exprimer son point de vue, dans le fond et dans la forme, histoire que tout soit clair : on a le droit à différentes méthodologies et personne ne risque rien.

 

Et puis, en cerise sur le gâteau, je pourrai caser ma devise, qui a des airs de mantra : « on ne croit pas ce qu’on voit, on croit ce qu’on comprend ». Bon, vivement demain, que je rencontre mes élèves de 5e !

 

Claire Lommé

 

 

 

Par fjarraud , le mardi 07 septembre 2021.

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