Tania Louis : Les sciences en s'amusant 

Comment proposer des expériences scientifiques faciles à faire en classe et simples à reproduire à la maison ? Tania Louis,  docteur en virologie, auteur et médiatrice scientifique, nous guide pas à pas à travers 40 expériences de chimie, physique et biologie dans son dernier ouvrage ("Les sciences en s'amusant", de Boeck). Fabriquer des lampes à lave, faire fuir du poivre ou réaliser une chromatographie à moindre coût devient possible.  Avec leurs schémas explicatifs, ces activités ludiques trouve leur place dans les progressions pédagogiques à l'école comme au collège. " Je suis convaincue que l'on n’a pas besoin de simplifier la réalité au point de la rendre fausse pour qu’elle soit accessible ", nous dit-elle.

 

Que trouve-t-on dans votre ouvrage Les sciences en s’amusant ?

 

Cet ouvrage regroupe 40 ateliers, qui sont autant d’expériences ludiques et simples à reproduire en classe ou à la maison, avec du matériel qu’on peut se procurer facilement et qui ne coûte pas cher. L’objectif est de reproduire sous format livre ce que j’aime au quotidien dans mon métier de médiatrice scientifique : le partage d’un émerveillement à la portée de chacun !

 

Chaque double page du livre est consacrée à une expérience et donne d’un côté les indications permettant de la réaliser et de l’autre des explications scientifiques sur le phénomène observé. L’ensemble est richement illustré, avec des photographies, des schémas explicatifs et, pour la moitié des ateliers, des QR codes qui renvoient vers des vidéos. Les ateliers sont classés en quatre catégories thématiques (la chimie, la matière dans tous ses états, les phénomènes physiques et le vivant) mais, pour les plus pressés, une liste en fin d’ouvrage regroupe les expériences en fonction du matériel nécessaire pour les réaliser. Comme dans un livre de cuisine, vous pouvez ainsi identifier facilement les ateliers faisables avec ce que vous avez déjà sous la main !

 

Avec quelles préoccupations pédagogiques et scientifiques avez-vous conçu votre livre ?

 

Un des objectifs était de rendre l’ouvrage pertinent pour les enseignants (et les parents !) en rassemblant des expériences réalisables et compréhensibles pour des élèves d’âge homogène. Au départ, j’ai sélectionné les ateliers à présenter en pensant à des élèves de cycle 2. Toutes les expériences sont donc relativement faciles à faire : même si certaines sont assez longues, elles ne demandent pas de tâches motrices complexes, elles ne sont pas dangereuses et elles ne risquent pas d’abimer du matériel. J’ai également choisi des expériences aux résultats assez marquants pour plaire à des jeunes enfants : il y a des effets visuels, du son, des surprises, des défis à relever… Finalement, cela n’intéresse pas que les élèves de cycle 2 ! Ce sont des expériences que j’aime faire moi-même, et pourtant je les connais par cœur. C’est notamment pour ça que le livre s’adresse finalement aux élèves des cycles 2 et 3 : les expériences fonctionnent aussi avec des enfants un peu plus âgés, et les explications font appel à des notions qui peuvent être développées de façon plus ou moins poussée selon le niveau.

 

Un point qui me tenait à cœur était que ce livre ne soit pas une simple compilation d’expériences indépendantes les unes des autres, comme cela arrive assez souvent. On peut l’utiliser comme ça, évidemment, mais l’ordre de présentation des ateliers n’est pas aléatoire. Il y a une véritable progression pédagogique d’un atelier à l’autre et certains blocs d’ateliers, comme ceux sur l’électricité statique ou la tension de surface, peuvent servir de base à une séquence pédagogique complète pour approfondir ces notions.

Cette structuration a un autre avantage : elle permet d’aller plus loin dans les explications. Il est par exemple plus facile de faire comprendre une expérience reposant sur la dilatation thermique de l’air quand, à travers d’autres expériences, on a déjà expliqué que l’air est composé de molécules et que la température correspond à l’agitation de la matière. Je voulais que ce livre parle à tout le monde : aux personnes qui veulent juste picorer des expériences pour le plaisir et à celles qui veulent s’en servir pour découvrir et transmettre des contenus pédagogiques assez poussés. J’attends les retours des lecteurs et lectrices pour savoir si ce pari est réussi !

 

Un autre de mes défis personnels avec Les sciences en s’amusant était de ne pas transiger sur la rigueur des explications scientifiques. Celles-ci devaient être compréhensibles par tous et tenir dans un espace limité, ce qui a parfois été contraignant. Mais je suis convaincue qu’on n’a pas besoin de simplifier la réalité au point de la rendre fausse pour qu’elle soit accessible ! Pouvoir s’appuyer sur les notions abordées dans les ateliers précédents m’a, j’espère, permis d’éviter les simplifications trompeuses.

 

Quels souvenirs avez-vous de vos cours de sciences en primaire ? Et au collège ?

 

En dehors de longues heures passées à apprendre les tables de multiplication, je n’ai pas beaucoup de souvenirs de cours de sciences en primaire. Je me rappelle de quelques projets, notamment autour d’une sortie scolaire dans le bassin d’Arcachon qui nous avait amenés à travailler sur les zones d’estran. Mais je ne crois pas avoir réalisé et analysé des expériences scientifiques en classe. Si c’était le cas et que je les ai oubliées, je m’en excuse auprès de mes anciens enseignants !

 

J’ai des souvenirs plus nets du collège, où on commençait à avoir des travaux pratiques en physique-chimie et en SVT. J’aimais un peu tous mes cours, à l’époque, mais j’avais déjà une affection particulière pour les moments passés à réaliser des expériences. Ça s’est surtout précisé au lycée et ce n’est pas pour rien que j’ai fini par faire une thèse de biologie… ni que j’ai finalement choisi de me consacrer à la médiation scientifique, qui me permet de continuer à expérimenter et à apprendre.

 

Au cours de la pandémie de covid, vous avez répondu aux interrogations de nombreuses personnes sur les virus à travers les réseaux sociaux. Quel regard avez-vous sur le niveau de connaissances en science en France ?

 

Je n’ai aucune idée de ce qui se passe dans d’autres pays mais j’ai l’impression qu’il y a un certain paradoxe en France. Le niveau général de connaissances en sciences n’est pas très bon dans la population. Y compris sur des thématiques qui occupent beaucoup de place dans le débat public (la santé, l’écologie, les énergies…) et dont le vocabulaire est souvent utilisé sans être complètement compris. Pourtant, les sciences intéressent les citoyens ! Le succès de certaines chaînes YouTube de vulgarisation, d’émissions télévisées comme C’est pas sorcier, dont les replays sont toujours très regardés aujourd’hui, et même de contenus relativement complexes comme La Méthode Scientifique, sur France Culture, le montre bien.

 

Lorsque j’explique que j’ai fait de la recherche et que je travaille dans le domaine de la culture scientifique, mes interlocuteurs ont toujours de nombreuses questions, quel que soit leur âge et y compris lorsqu’il s’agit de personnes n’ayant pas d’affinités avec les sciences au quotidien. Si la culture scientifique générale n’est pas très bonne dans la population, c’est vraisemblablement parce que, quelles qu’en soient les raisons, cette curiosité et cette envie de savoir ne sont pas entretenues et nourries. Cela veut dire qu’il y a sans doute une belle marge de progression pour mieux faire !

 

Dans le milieu scolaire par exemple, les sciences peuvent malheureusement être perçues comme un outil de sélection, ce qui rebute d’emblée certains élèves. Développer les sciences dès le primaire à travers des activités ludiques pourrait contribuer à casser cette dynamique

 

Des conseils pour enseigner la virologie au collège et au lycée ?

 

A mon avis, la triste actualité de la crise sanitaire va à la fois faciliter et compliquer l’enseignement de la virologie. Faciliter parce que les élèves seront intéressés et auront de nombreuses questions. Compliquer parce que les élèves arriveront vraisemblablement avec plus de préconceptions et d’affect qu’auparavant.

 

Je n’ai pas de conseil à donner aux enseignants en termes de pédagogie, ils n’ont pas besoin de moi pour ça. Mais je pense qu’il sera important à l’avenir d’aborder la virologie en prenant le temps de construire un dialogue bienveillant avec les élèves, pour que le travail fait en classe soit constructif et génère des connaissances plutôt que des clivages.

 

Cela vaut également la peine de faire quelques recherches sur internet : de nombreux contenus vulgarisés ont été créés ces derniers mois et peuvent être utilisés en classe ! Certains sont suffisamment exacts pour être repris en l’état, mais ceux qui comportent des erreurs ont aussi un intérêt. Inciter les élèves à rechercher les informations erronées dans un document est une bonne façon de leur faire mobiliser des connaissances tout en aiguisant leur esprit critique.

 

Entretien par Julien Cabioch

 

Tania Louis, Les sciences en s'amusant : 40 activités en classe pour comprendre, pratiquer et aimer les sciences, éditions De Boeck, ISBN  978-2-8073-3072-6

La série de vidéos des P’tites Manips de Tania Louis

La folle histoire des virus

 

Dans le Café

SVT et YouTube : Regards croisés de Tania Louis et Mélanie Fenaert

 

 

 

 

Par fjarraud , le mardi 07 septembre 2021.

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