Christiane Chaule : Un projet culturel pour penser l’exil 

Comment mettre en œuvre un projet culturel à l’Ecole ? Comment amener ainsi les élèves à s’engager et se fédérer dans la cité scolaire pour développer la conscience d’être citoyens du monde ? C’est l’enjeu du beau projet « Paroles d’exil » mené au lycée Foch de Rodez. Christiane Chaule, professeure de Lettres, l’a déployé autour d’une question : et si l’exil rassemblait au lieu d’exclure ? Le travail invite deux classes de 2nde et des primo-arrivants en UPE2A à coopérer pour mieux se connaitre. Au menu de ce projet fédérateur : lectures variées, échanges et rencontres, réalisation de fresques avec un artiste mexicain en résidence dans l’établissement, collaboration avec une étudiante au conservatoire d’art dramatique … Eclairages en mosaïque sur un projet susceptible d’apprendre à regarder autrement le monde….

 

Christiane Chaule, vous êtes professeure de Français en seconde, pouvez-nous dire pour quelle raison vous avez réalisé ce projet culturel  sur le thème de  l’exil ?

 

C.C. : Les images de migrants échoués sur les plages, interceptés sur des embarcations de fortune, entassés dans des camps ou des jungles  nous  ont tous émus. Tous ? Ce n’est pas si sûr, il n’est qu’à entendre certains propos haineux pour en douter.  Dans cette masse d’informations et de photographies non contextualisées, Les adolescents ont du mal à s’y retrouver et se contentent parfois des explications les plus simplistes ou de celles qui dérangent le moins leur confort personnel : « On ne peut pas s’occuper de toute la misère du monde », « on a bien assez de soucis comme ça », « il n’y a même pas de places pour nous dans cette société, alors, pensez bien, pour tous  ces migrants ! », « ils viennent pour l’argent »...et j’en passe. Dans le meilleur des cas, ils ignorent le problème ; dans le pire, ils contribuent, à l’aide des réseaux sociaux, à répandre des contre-vérités et des propos nauséabonds.

 

Notre établissement est situé au centre-ville de la préfecture d’un département rural qui  fut longtemps enclavé. Le phénomène migratoire y est moins perceptible que dans les régions frontalières et littorales ou que dans les grandes métropoles. Cependant, nous accueillons  des jeunes allophones venus d’horizons divers. Les élèves du lycée  général et ceux du lycée professionnel se côtoient peu  et tout ce petit monde  ignorait même  la présence des UPE2A dans les murs de notre établissement.  Nous avons donc voulu inverser la tendance et  montrer à nos élèves  la chance qu’ils ont de pouvoir échanger avec  ces jeunes  primo-arrivants. Sans faire dans le misérabilisme, le pathos ou le néo-colonialisme, il s’agissait, de manière très pragmatique, de partager des activités communes.  Les uns apportant les rudiments de la langue française, une entraide,  les autres, un regard, une réflexion, une maturité bénéfiques à l’épanouissement de tous.

 

C’est ainsi qu’est né le projet culturel intitulé « Paroles d’exil ».  L’objectif premier était de donner du sens à cette thématique. Les flux migratoires sont souvent abordés en Histoire-Géographie par le biais  de statistiques, graphiques et autres croquis. La question de l’Autre ou de l’Exil est traitée au travers de textes littéraires et philosophiques parfois éloignés de la réalité du quotidien. De même, les documents iconographiques et les caricatures ne peuvent être décryptés qu’avec un certain nombre de clés et de connaissances.

 

Pouvez-nous dire en quelques mots comment s’est déroulé le projet ?

 

C.C: Nous avons  essayé de varier les approches en alternant les textes anciens (Ovide, Du Bellay...) et  d’autres plus contemporains (Assia Djébar,...), des textes très théoriques (Lévi-Strauss...) et des témoignages concrets (interview radiophonique de l’auteure franco laotienne May Kham). Cela permettait de mettre un visage sur un concept, de suivre, pas à pas, l’expérience personnelle d’un exilé, de comprendre le cheminement souvent douloureux de ce déracinement.

 

Nous tenions également à varier les supports : la bande dessinée de l’auteur Meybeck qui milite pour faire connaître l’existence des Centres de rétention administrative ; les caricatures du monde entier proposées par l’exposition itinérante « Tous migrants » de « Cartooning for Peace », les sculptures de Catalano, les installations de  et performances  de JR ou Ernest Pignon Ernest, les films comme  « Petit Pays ». Pour éviter l’aspect rébarbatif et unilatéral, les élèves ont  sollicité l’aide des professeurs documentalistes afin de  choisir  des romans sur l’exil  et les ont présentés à leurs camarades.

 

Ainsi, tout au long de l’année, nous avons pu travailler les séquences  au programme (théâtre, poésie, roman, récits de vie, argumentation) en gardant en ligne de mire notre fil conducteur. Nous souhaitions également aborder les aspects positifs de l’exil.  Nous avons donc analysé  les œuvres d’exilés célèbres qui ont permis d’enrichir le regard et la culture du pays d’accueil et de la culture universelle (Picasso, Neruda, Machado, Hugo, ...pour ne citer qu’eux). Nous avions à cœur d’explorer  tous les continents (l’Afrique avec Gaël Faye,  l’Océanie et autres îles avec « Jacques Damour » de Zola, Gauguin, Brel, l’Asie avec May Kham, ...).  Enfin, nous voulions également montrer que les causes d’exil peuvent être multiples. Les élèves ont pu rendre compte de toutes ces expériences dans leur journal culturel.

 

Y a-t-il eu une réalisation finale ?

 

C.C : Oui, pour synthétiser ce travail de recherches effectué par les 3 classes (secondes et UPE2A), nous avons réalisé au cours de divers ateliers, deux fresques  (10 m et 18m)  à l’aide d’un artiste mexicain en résidence dans l’établissement. Ces fresques intitulées « Paroles d’exil », représentent chacune un Quetzalcoatl, symbole de vie et d’une culture aztèque anéantie, métaphore  également du cheminement souvent douloureux des exilés. On pourra y voir aussi le flot migratoire, les vagues déferlant et  happant les individus, souvent au péril de leur vie. On reconnaîtra çà et là des portraits, des œuvres, des photos, des articles de journaux...et on lira des bribes de paroles d’exilés anonymes ou célèbres. Ainsi, chaque élève a pu apporter son propre témoignage par rapport à cette rencontre physique ou livresque par le biais de cette création.  Une étudiante au conservatoire d’Art dramatique les a aidés à mettre en scène la présentation de ce travail lors du vernissage en ponctuant la cérémonie de lectures de poèmes , de passages  du « Bonheur » d’Emmanuel  Darley ou d’extraits du recueil de nouvelles « Exils » publié par l’UNICEF.

 

Et après ?

 

C.C : Ces fresques seront exposées dans l’établissement de manière pérenne et susciteront peut-être la réflexion, apporteront  un autre regard sur les migrants et inciteront les élèves à se documenter sur le sujet, à lire des romans, des essais ou de simples témoignages sur la question.

 

Aurélie Gaubert, vous intervenez auprès des UPE2A,  pouvez-vous nous dire ce que ce projet  a apporté à vos élèves allophones ?

 

A.G : Le thème de l'exil est bien évidemment étroitement lié au parcours de chacun des élèves du dispositif, mais il est délicat de l'aborder en classe : certains refusent de parler de leur histoire, alors que d'autres au contraire en ressentent le besoin. L'enseignant ne mesure pas toujours à quel point chaque mot, chaque phrase peut bouleverser l'élève, faire écho à un passé plus ou moins douloureux. Il s'agissait donc de travailler sur le thème de l'exil avec les classes de seconde, sans que les élèves d'UPE2A se sentent mal à l'aise.

 

Les textes liés à l'exil leur ont permis d'aborder ce thème sans nécessairement se livrer. Nous avons ainsi pu nous appuyer sur plusieurs extraits : Victor Hugo,  May Kham, Gaël Faye, Glykos, ou encore Shaun Tan. Les œuvres artistiques ont aussi permis de travailler l'écrit comme l'oral sur ce thème : Ignacio Gonzalez, Bruno Catalano, Frida Kahlo, Mona Hatoum.

Si les contraintes sanitaires n'ont pas permis aux élèves d'échanger aussi souvent que prévu avec les classes de seconde, des rencontres ont été possibles, et c'est tous ensemble qu'ils ont pu interroger Ignacio Gonzalez, May Kham, ou Meybeck sur leurs œuvres.

 

Enfin, la réalisation de la fresque a permis de mettre en commun les mots, les phrases, les images qu'ils ont choisis pour évoquer l'exil. Ainsi, chacun a pu s'impliquer librement, de manière plus ou moins personnelle, intime, dans ce projet. Et c'est avec fierté que les élèves passent aujourd'hui devant la fresque en reconnaissant ici ou là la vision qu'ils ont bien voulu donner de l'exil.

 

Etienne,  vous étiez  élève en classe  de seconde, comment avez-vous vécu ce projet sur l’exil ?

E.D :   Le thème de l’année a été l’exil, un thème que je ne connaissais que de loin à travers des chiffres et des bouts de vérités issues de journaux télévisés,  bref une image assez décousue et mal construite de cette réalité qui touche pourtant le monde depuis toujours.

Cette année a donc commencé par des généralités sur l’exil,  les différents types d’exil. Nous avons ensuite parlé de l’exil des artistes, un point qui m’a paru assez lointain étant donné qu’il touche assez peu de personnes. Après cela, venait le premier roman de l’année, « Petit Pays » de Gaël Faye, et là encore, une certaine distance s’imposait entre moi, un lycéen français et Gaby le héros du roman. Dans un pays la haine est le maître mot, entraînant vengeance et désolation, pour ma part, j’ai plutôt l’impression de vivre dans un pays égalitaire bien que la France ne soit pas non plus neutre à tous les niveaux. Notre année se poursuivait donc par la lecture du « Journal d’une enfant survivante », de May Kham. Ce livre raconte donc l’histoire des hmongs, un peuple qui habitait au Laos qui a fini par se faire massacrer par ses propres frères. May Kham, originaire de cette ethnie, nous raconte sa propre histoire, la chute de son peuple et son départ pour la France. Sa situation familiale est déjà très complexe et à cela s’ajoutent les difficultés pour se faire accepter et respecter dans cette terre d’accueil. Son livre est une tranche de réalité qui se rapproche plus de ma propre réalité, la majeure partie du livre se déroulant dans mon propre pays. Par la suite, nous avons eu la chance de pouvoir discuter avec l’auteur, qui nous a fait prendre conscience de l’engagement nécessaire à la réalisation d’un tel témoignage.

 

Pour continuer sur le thème de l’exil, nous avons eu le choix entre des dizaines d’œuvres traitant de ce thème. Pour ma part, j’ai choisi « Entre deux mondes » d’Olivier Norek, et c’est cette lecture qui m’a ouvert les yeux sur des réalités que j’ignorais sur mon propre pays, la France. Le témoignage commence déjà sur la quatrième de couverture où il est écrit : « Adam a découvert en France un endroit où l’on peut tuer sans conséquences. » Cet endroit était la jungle de Calais, le plus grand bidonville d’Europe, il y a encore quelques années. Cette phrase est déjà tellement révélatrice de toutes les conditions infâmes et réelles que nous présente ce roman.

 

La dernière œuvre sur l’exil que nous avons découverte a été « CRA » de Meybeck, une BD nous exposant, comme « Entre deux mondes », une réalité sur la France. CRA est en fait l’acronyme de Centre de rétention administrative. Ces centres ont pour but d’accueillir les sans-papiers avant de les rapatrier dans leurs pays d’origine. Cela laisse place à des internements abusifs, de telle sorte que même des citoyens français se sont retrouvés dans ces centres. Nous avons ensuite rencontré l’auteur qui nous a montré les photos  qui se cachaient derrière ses vignettes. Il nous a également parlé de son parcours et des actions de l’association dont il est membre. Le style de la BD assez caricatural a mis de la distance entre cette réalité et moi, par contre,  la rencontre avec l’auteur a contribué à me faire prendre conscience de l’ampleur du problème.

 

Et qu’avez-vous pensé de la réalisation de la fresque ?

 

E.D. : Cette fresque est le fruit d’un travail commun entre des classes du lycée, les UPE2A et l’artiste Ignacio Gonzales. De notre côté, nous fournissions des collages, des citations, des illustrations, … et l’artiste se chargeait de former un ensemble cohérent et beau. Ce projet est assez original dans sa réalisation, permettant à un artiste accompli de prendre des idées nouvelles afin d’illustrer un thème bien trop peu connu. Pour ma part, au-delà d’une œuvre d’art, c’était des témoignages et des paroles sur l’exil que je voulais voir apparaître sur cette fresque. Bien que la forme soit importante, je me demande ce que révèle en définitive le fond de cette œuvre, elle ne nous donne que des bribes d’une réalité si complexe et d’un autre côté, comment dépeindre tout ce qu’il se passe derrière ce simple mot qu’est « exil » ? A mon avis,  cette œuvre peut jouer un rôle dans la diffusion de cette réalité, sans pour autant nous en révéler beaucoup plus. Dans tous les cas, seules les personnes qui iront au-delà des chiffres pourront commencer à comprendre tout ce que l’exil représente, que ce soit à l’échelle du monde ou à l’échelle de l’homme. Pour conclure, je dirai que cette fresque joue son rôle si elle permet à des individus de remettre en question leur vision limitée et donc réductrice sur l’exil.

 

Ignacio Gonzalez, vous êtes d’origine mexicaine et vous êtes intervenu dans ce projet en tant qu’artiste en résidence, pouvez-vous nous dire ce que vous retenez de cette expérience d’échange avec les jeunes ?

 

IG : Je pense que cette œuvre peut aider à sensibiliser les élèves qu’ils aient  participé directement ou indirectement à  la réalisation de ce projet. La fresque n’est qu’une partie de ce projet. J'espère que chaque fois qu’ils la regarderont, ils  se rappelleront du processus de création,  les aspects  positifs et négatifs,  mais surtout j'espère qu’ils n’oublieront pas tous ces gens qui pour différentes raisons sont obligés de quitter leur pays.  La fresque en plus d'une expression esthétique leur parle d'une réalité sociale à laquelle nous appartenons. J'espère qu’elle sensibilisera les élèves et les incitera à devenir des citoyens du monde conscients, actifs, justes et prêts à réagir au service de la fraternité.  J'espère que cette œuvre participera (au moins un peu) à la consolidation d'un monde plus humain.

 

Meybeck, vous avez rencontré les lycéens en tant qu’auteur de bande dessinée : quelle ont été vos impressions sur ces échanges ?

 

M. : J'ai trouvé les jeunes lycéens très intéressés et ouverts à mon intervention, une grande qualité d'écoute, les questions étaient pertinentes, on voit aussi que le travail avait été bien préparé en amont, ce qui est toujours très important. Pour moi personnellement, c'est gratifiant de voir que mon travail peut intéresser des jeunes gens, mais je pense que c'est aussi enrichissant pour eux de découvrir des artistes qu'ils ne verront pas forcément dans les grands médias, et qui abordent de façon personnelle des problématiques sociétales sous un autre angle que celui qui est montré habituellement. Pour moi c'est important de sensibiliser des jeunes aux problèmes de la migration en l’occurrence avec la lorgnette des gens qui les vivent, et non comme un problème de société traité de façon déshumanisée et pleine de fantasmes et de peur dissimulées sous une fausse objectivité.

 

May Kham, vous avez participé à ce projet en tant qu’auteure  franco-laotienne exilée, vous avez échangé avec les élèves autour de votre livre « Journal d’une enfant survivante », pensez-vous que ce genre d’expérience soit nécessaire pour les jeunes ?

 

M.K : L’exil est une malédiction et une chance. Tout dépend de ceux qui l’ont subi et de ce qu’ils en ont appris. Car chaque douleur est une leçon de la vie. Ceux qui ont connu l’exil à cause de tant de raisons ; guerre, misère, persécution etc…Ceux-là feront, dans le « confort » d’une terre d’accueil, d’un autre monde plus « riche » l’expérience du déni, de la remise en question ou de la résilience. On n’a jamais fini d’apprendre…Et je le réalise encore au contact de la jeunesse, surtout au lycée Foch. Il y a plus de 10 ans, lorsque, invitée par Christiane Chaule, au lycée Foch, j’ai réalisé que notre jeunesse, nos enfants, avaient bien plus de questionnements intelligents que nous ne le pensions. Ils sont curieux des autres, de la vie…Leur curiosité devient une exploration du monde et des différentes réalités. Cependant, en 2021 comme en 2011, je leur ai répété la même chose : « Soyez toujours compatissants, tolérants et surtout s’il vous plait, croyez en vous et ayez par-dessus tout l’ESPRIT CRITIQUE. Car tant de personnes utiliseront toujours l’utopie, l’idéalisme de la jeunesse pour les fourvoyer dans des chemins extrêmes »…Mais je leur fais confiance.

 

Pour moi, l’exil est à la fois douleur et chance. Douleur, car le monde n’a pas changé dans son obscurantisme. Qu’il y a des petits peuples qui meurent en silence…Douleur car je fais toujours le même cauchemar. Je suis toujours cette enfant qui pleure de faim, mourante dans la boue et je me réveille dans cette réalité en me disant : « Cet Exil, cette résilience, cette vie de voyages et de rêves, je l’ai rêvé. Ce n’était pas réel » Et je me réveille en sueur, le cœur prêt à exploser, alors que mes enfants et mon homme me consolent, dans ce présent.  Chance, car, lorsque je me réveille, ma réalité, après tant de souffrance, est belle…Et même dans cette beauté irréelle car toujours dans l’éternelle culpabilité de tout enfant traumatisé et survivant, je continue à prendre soin de mon prochain, à être dans la compassion car l’autre est moi. Car nous sommes tous liés. Les questions des élèves, de cette jeunesse étaient des questions venant du cœur, des questions de doutes, d’espoir, de désenchantement mais aussi d’innocence. Depuis mes interventions, une dizaine d’élèves m’ont envoyé des messages : « Vous m’avez sauvé. Je voulais me suicider ». Cette phrase de Balavoine citée dans mon livre volontairement est très profonde : « Toute la misère du monde n’est rien à côté d’Un Adieu »…Elle démontre que pour la jeunesse, le manichéisme est souvent influence. Point de jugement. L’innocence est ce qui manque cruellement à la plupart de ces adultes qui ont oublié leurs rêves d’enfants. Merci à vous et restez toujours debout, avec l’esprit critique et les yeux grands ouverts sur le monde, sans concessions mais avec compassion.

 

Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut

 

Un vademecum de Christine Chaule pour mettre en œuvre un projet culturel

 

 

 

 

Par fjarraud , le lundi 06 septembre 2021.

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