Baromètre de l’ASL : Les litiges en nette hausse en 2020 

Comment l'année 2020, exceptionnelle pour l'Ecole, s'est-elle traduite en terme de conflits professionnels ? L’ASL (l'Autonome de Solidarité Laïque) publie aujourd’hui son Baromètre du climat scolaire. Alors que les chiffres semblent être de bon augure, avec une baisse importante des recours à l’association, ils sont en trompe l’œil estime l'ASL. Ils montrent une exacerbation des tensions dans l’école due sans nul doute au confinement et aux conditions exceptionnelles d’enseignement.

 

Assurant près d’un personnel de l’éducation sur deux, soit près de 500 000 adhérents, dont 53% des enseignants du premier degré et 40% des enseignants du second degré, l’association fondée en 1903 œuvre à la protection des personnels de l’enseignement public et privé laïque contre les risques inhérents à leur métier. Des risques qui ont bien évolué ces dernières décennies. Renseignements juridiques personnalisés, protection juridique professionnelle avec le recours possible à un avocat, l’ASL est le premier interlocuteur des personnels de l’éducation en cas de conflit dans le cadre professionnel, que cela soit avec les parents, les collègues ou la hiérarchie. Son baromètre, qui en est à sa dixième édition, permet un focus intéressant sur l’état du climat scolaire dans les établissements et les écoles.

 

Moins de recours à l’ASL en 2020 : situation en trompe l’œil

 

En 2020, l’ASL a reçu 3648 demandes de protection juridique professionnelle, contre 4682 en 2019, soit une baisse de 22%. Dans 90% des cas, le plaignant est « victime » d’une situation, les 10% restants relevant de l’implication de personnels ayant réagi à un conflit naissant. 4820 dossiers de demande de renseignements juridiques personnalisés ont été ouverts contre 5976 en 2019, soit une baisse de 19%.

 

Alors que ces nombres semblent rassurants, ils sont loin de décrire la réalité de l’année 2020. En analysant mois par mois les recours à l’association, on constate que 75% des dossiers ouverts l’ont été sur six mois seulement, de janvier à février puis de septembre à décembre. Selon Sylvie Guyot,  secrétaire générale de l'association, « les tensions restent importantes. L’analyse mois par mois, des chiffres et sa projection montrent qu’en année normale, le nombre de dossiers ouverts aurait été au moins égal, voir supérieur à 2019 ». Un pic est constaté en novembre 2020 en lien avec l’opposition au port du masque de certains parents d'élèves. L’annonce des réouvertures des écoles, mi-mai et mi-juin 2020, a aussi soulevé un nombre important de questions chez les personnels.

 

Outre les recours juridiques, les adhérents de l’ASL peuvent solliciter l’association pour des questions liées au métier. Lors du premier confinement, le nombre de sollicitations du service documentation s’est maintenu, avec un pic entre mai et juin (dates de réouverture des écoles).

 

Une hausse significative des violences « numériques » dans un contexte angoissant

 

La majorité des plaintes reçues concernent pour 45,7%, soit 2/3 des dossiers, des insultes et menaces, pour 24,9%, de la diffamation. La qualification des plaintes reste assez proche de celles constatées les précédentes années. Les tensions avec les familles sont toujours dues, pour leur grande majorité, à des incompréhensions liées au programme et méthode d’enseignement.

 

Pour autant, l’ASL dénombre une hausse significative des violences « numériques » : insultes, menaces et propos diffamatoires sur les réseaux sociaux, et, nouveauté, intrusion en classe virtuelle dans le but de déstabiliser l’enseignant et de le prendre à parti. L’association note « une sensibilité différente des victimes, dans un contexte particulier et anxiogène ». Les « agressions » sont vécues plus difficilement, les personnels se sentant acculés chez eux, et sans le soutien dont ils auraient pu bénéficier au sein de l’équipe éducative en temps normal.

 

L’association note, aussi, une augmentation constante, sur les trois dernières années, des questions en lien avec la responsabilité civile et pénale des agents. Une situation exacerbée par la situation sanitaire. Lors de son chat-live sur « les risques du métier pendant la pandémie » organisé à la mi-avril 2020, plus de 350 questions ont été posées aux juristes sur cette thématique.

 

Focus sur les dossiers en lien avec la protection juridique des personnels (PJP)

 

Alors que 2/3 des dossiers relèvent d’insultes, de menaces et de diffamation, 8% sont le fait d’agressions verbales ou physiques. L’association note aussi un triplement des dossiers qualifiés de « harcèlement » par les personnels, souvent en lien avec des tensions et conflits au sein des établissements et non avec les familles.

 

Pour autant, les tiers impliqués dans les dossiers PJP déclarés sont en grande majorité les parents, même si en net recul par rapport à 2019 (passant de 56 à 39%) et les élèves (passant de 22 à 19%). Un recul expliqué par la période de confinement. La catégorie « tiers non identifiés » à elle explosé, passant de 6 à 31%. Les atteintes en ligne mais aussi les intrusions en classe numérique expliquent cette hausse.

 

Dans 90% des cas, ce sont les enseignants du premier et second degré qui déclarent les sinistres avec 66% des dossiers, suivi des chefs d’établissements et directeurs d’école (Ndrl : classification de l’ASL) qui en comptabilisent 24,5%. L’ASL note aussi que les enseignants du premier degré semblent plus exposés, avec 59% des dossiers contre 35% dans le second degré, dont une grande majorité au collège, avec 20% des déclarations de sinistres.

 

Alors que les personnels de l’éducation, mais aussi les élèves et leurs familles, ont été chamboulés par la mise en place sans aucune préparation de « l’école à la maison », on note que ce sont toujours eux qui sont « au front » et subissent les incohérences des différentes décisions politiques prises par la rue de Grenelle. Il est aussi intéressant de noter, que comme dans la société en général, les agents sont de plus en plus inquiets de leur responsabilité civile et pénale. Une forme de dérive vers une judiciarisation des relations ?

 

Lilia Ben Hamouda

 

L'ASL

 

 

 

Par fjarraud , le lundi 31 mai 2021.

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