Doctorant sur l'utilisation pédagogique des jeux vidéo, professeur d'histoire géographie au collège de l'Europe à Chelles (77), Romain Vincent lance une revue (vidéo) mensuelle sur son sujet préféré. C'est l'occasion de faire le point sur le jeu vidéo et ses usages en classe.

Vous lancez une revue mensuelle sur le jeu vidéo et l'histoire. Dans quel but ?

 La revue offre une partie actualités sur les sorties de jeux vidéos historiques et une seconde partie sur la recherche sur le jeu vidéo. Cette revue me permet , à coté de ma thèse, de garder une fenêtre de vulgarisation pour réfléchir sur ces sujets. Son public compte des enseignants et des étudiants en histoire qui s'intéressent aux jeux vidéos et aussi des joueurs.

A quoi sert la partie actualités de la revue ?

Elle me permet de mettre en avant des jeux qui passent généralement sous le radar. Les grosses productions occupent l'espace médiatique. Généralement elles ne parlent pas de politique. Pour la revue je pars à la recherche de productions indépendantes ou amateurs. Par exemple je vais présenter un jeu tchèque sur la Tchécoslovaquie d'après guerre. Les producteurs indépendants prennent le risque de parler politique.

Dans la partie "analyse" du numéro 1 de la revue, vous traitez d'un article de Clément Dussarps qui aboutit à une conclusion positive sur les jeux vidéos. Il dit qu'ils sont porteurs de savoirs et de motivation. Le jeu vidéo peut motiver les élèves ?

L'étude de Dussarps porte sur des joueurs et non des élèves en classe. Pour moi si le jeu transmet des apprentissages il le fait après un nombre d'heures énorme : des centaines d'heures. Au final les joueurs ont appris des noms de pays et de personnages mais après une dépense en heures gigantesque. Finalement l'étude montre surtout le coût d'entrée dans les apprentissages. Une mauvaise lecture ce serait de dire que le jeu vidéo conduit à l'histoire. C'est le contraire. Les joueurs ont déjà des affinités avec l'histoire.

Le jeu vidéo est-il porteur de savoirs ?

Je suis allé voir une séance en classe de Crusader Kings dans un lycée. Là le jeu est imposé par le professeur. Les élèves peinent à le maitriser sur le temps réduit de la classe même si l'utilisation du jeu a duré 3 heures, ce qui est un temps long pour l'école. A la fin des 3 heures les élèves ont surtout appris à jouer à Crusader Kings. Il y a un écart  entre le  monde de la classe et le jeu à la maison.

Le jeu vidéo permet il un apprentissage autonome ?

De quel apprentissage parle t-on ? Le jeu vidéo n'est pas un bon outil pour apprendre du factuel. D'ailleurs que veut dire "en jouant" ? En classe le jeu est transformé. A la maison on joue pour jouer . L'accent est mis sur le plaisir ludique. L'étude de C Dussarps montre que certaines expériences de jeu peuvent développer des apprentissages parce que le joueur après la partie va faire des recherches complémentaires. Mais c'est socialement situé. Quel joueur a le réflexe d'ouvrir un livre après le jeu ? Ce n'est pas le jeu qui développe ce comportement mais le contexte social du joueur.

Quelle place a le jeu vidéo en classe en histoire et quelle place devrait-il avoir ?

Sa place est paradoxale. Il entre bien e classe mais souvent sans jouer. Par exemple le jeu Assassin's Creed n'entre pas sous forme du jeu mais d'une vidéo. L'enseignant branche sa console sur le vidéoprojecteur et utilise le jeu comme illustration. Les élèves ne jouent pas. Il y a du jeu en classe mais pas de jeu. Car jouer à Assassin's Creed ne sert pas l'histoire scolaire. Il est utilisé pour les reconstitutions de villes du passé sans que le play soit mobilisé. L' Assassin's Creed de l'école n'est pas celui de la maison.

Il faut d'ailleurs faire attention à l'utilisation de jeux comme Call of Duty ou Battle field. Car le jeu a un effet de réel sur les élèves. Il est difficile pour les élèves de sortir de la puissance des images. Par suite comparer cette oeuvre de fiction avec des documents historiques peut s'avérer très difficile pour certains élèves.

Propos recueillis par François Jarraud

Le site de R Vincent avec la revue

Enseigner l'histoire avec le jeu vidéo ?