PISA : Regards croisés franco brésiliens 

Et si on donnait la parole aux enseignants sur Pisa ? C'est ce pari qui est relaté dans le dernier numéro d'Education comparée, la revue de l'AFEC. Huit articles exploitent des entretiens réalisés avec des enseignants français et brésiliens sur l'évaluation en lecture du dernier Pisa 2018. Des analyses fort différentes que fon ces professeurs il ressort que si Pisa a peu d'influence dans les établissements et les pratiques, il influe grandement sur la mise en place des évaluations nationales et toute une conception du travail enseignant et de son encadrement par la superstructure éducative. En ce sens ce regard croisé est éclairant des enjeux à venir du métier enseignant.

 

De l'intérêt d'écouter les enseignants

 

"Prendre en considération les points de vue d’enseignants sur le PISA nous semble également important car ce Programme lui-même n’hésite pas à se pencher sur l’activité de ces derniers et à leur adresser des conseils pédagogiques parfois étonnants, via ses nombreux rapports publics ou sa note mensuelle PISA à la loupe", estiment Juliana Alves Assis et Daniel Bart (Théodile Cirel), coordonnateurs de ce numéro.

 

Basé sur une série d'entretiens avec des enseignants brésiliens et français, le numéro explore largement le thème de l'enseignement de la lecture, thème central de Pisa 2018. Un exercice précis donné par Pisa est abordé par les enseignants brésiliens et français. Un premier article compare l'évaluation de la lecture dans Pisa et dans le test brésilien SAEB. Un autre parle de la lecture littéraire dans Pisa et une évaluation brésilienne et met en évidence des conceptions différentes, l'une (Pisa) plus individualiste que l'autre. La question de la compréhension dans le test Pisa fait l'objet d'un 4ème article.

 

Des rapports différents à Pisa en France et au Brésil

 

On s'intéressera plus particulièrement à l'article de Viviane Raposo Pimenta et Sibely Oliveira Silva, deux universitaires brésiliennes, sur les  regards d'enseignants brésiliens et français sur pisa.

 

L'article montre que les enseignants français et brésiliens ont un rapport très différent avec Pisa. Les uns comme les autres connaissent peu Pisa. "Le Programme semble avoir une position périphérique ou mineure dans les écoles des deux pays, puisque, selon les réponses obtenues, le PISA n’apparait pas comme un centre d’intérêt majeur des enseignants".

 

Mais ils ont des avis opposés sur la qualité pédagogique d'un exercice exemplaire de Pisa. Si la grande majorité des professeurs brésiliens y voient un outil utilisable en classe pour l'enseignement de la lecture et de la compréhension, très peu de professeurs français partagent ce point de vue. La grande majorité ne le juge pas utilisable. Les professeurs français se montrent beaucoup plus critiques que leurs homologues brésiliens.

 

L'attitude est différente aussi en ce qui concerne les résultats médiocres des élèves brésiliens et moyens des français aux tests Pisa. Les enseignants brésiliens cherchent à justifier les résultats en parlant par exemple du manque de lecture des élèves ou de leurs conditions de travail. "À l’inverse..., la majorité des professeurs de français interrogés ne cherche pas de justification aux résultats moyens de la France obtenus au test du PISA. Pour ces enseignants, comme ils ne préparent pas les élèves aux épreuves du PISA, les résultats obtenus de cette manière ne semblent causer ni surprise ni étrangeté, car il n'y a pas de cohérence entre ce qui est enseigné à l'école et ce qui est évalué dans le test".

 

Interroger Pisa au regard des politiques suivies

 

La conclusion qu'en tirent les deux universitaires, c'est que ces réactions différentes, alors que Pisa est très loin des pratiques de classe, montrent le poids de cette évaluation internationale dans les discours sur l'Ecole.

 

Et c'est en ce sens que va la conclusion générale de ce numéro d'Education comparée. "Les contributions comparatistes de ce dossier permettent de montrer combien la pluralité des démarches d’évaluation sur des objets aussi complexes que la lecture est nécessaire, tout comme leur mise en discussion, quand un programme comme le PISA se présente comme la seule référence mondiale en la matière. Mais comme on le perçoit à la lecture des articles de ce dossier, l’enjeu n’est pas seulement d’interroger les soubassements conceptuels et pratiques du PISA à la lumière d’orientations théoriques divergentes sur l’évaluation ou la littérature, ou de questionner le traitement et le devenir des contextes culturels dans une approche universaliste de la comparaison en éducation ; l’enjeu est aussi de comparer les relations entre des démarches d’évaluation nationales et internationales, et notamment les effets possibles des unes (en particulier le PISA) sur le fonctionnement des autres. C’est dire qu’au-delà des implications théoriques et méthodologiques du PISA, il convient de ne pas ignorer les « fonctions politiques » d’une telle évaluation qui touche à la conduite des affaires publiques et aux débats démocratiques en matière d’école, qui touche aux rapports entre des organisations internationales et des états et leurs institutions".

 

Pisa apparait aussi comme un instrument poussant à la mise en place des politiques de nouveau management publique qui reposent toutes sur des évaluations. Aussi la revue invite à interroger "les fondements des figures statistiques et théoriques construites par de telles démarches".

 

François Jarraud

 

Sur ce numéro

C Maroy : l'Ecole au regard du pilotage par les résultats

 

 

 

Par fjarraud , le mardi 04 mai 2021.

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