Apprendre à distance et inégalités  

Alors que tous les élèves du second degré abordent une seconde semaine d'enseignement à distance qui sera suivie pour la majorité d'entre eux d'une nouvelle période d'enseignement alternant présence et enseignement à distance, la question de l'efficacité des apprentissages scolaires avec le numérique se pose de façon évidente. André Tricot (Université Montpellier 3) apporte des réponses éclairantes dans le dernier numéro de la revue Education et sociétés (n°45).Pour lui, si le numérique "permet de desserrer un peu trois contraintes qui pèsent sur les apprentissages scolaires... il n'est pas sur que (cet) allègement soit au bénéfice de tous". Sa recherche confirme le risque d'aggravation des inégalités sociales.

 

Un vieux rêve pédagogique

 

Pouvoir dépasser les lourdes contraintes de temps, de lieu, des savoirs à apprendre et de la manière de les apprendre, liées aux apprentissages scolaires est un vieux rêve des pédagogues. Andre Tricot rappelle que le numérique lui a donné un nouvel élan. " La révolution numérique a laissé entrevoir une nouvelle possibilité d’exercer moins de contraintes sur les élèves, leur permettant des apprentissages scolaires moins subis et plus heureux". Tout son article veut analyser la véracité de ces possibilités en s'appuyant sur des revues de littérature.

 

Le numérique et les contraintes de temps et de lieu

 

Ainsi pour la première fois le numérique permet de s'affranchir des contraintes de temps : on peut apprendre à n'importe quel moment n'importe où, ce qui est une liberté inouie. Mais André Tricot nous invite à déchanter. Une étude portant sur des étudiants néerlandais en enseignement à distance montre que tous n'ont pas la capacité de gérer leur temps d'apprentissage. Parce qu'en fait " apprendre des connaissances scolaires requiert du temps. C’est la responsabilité de cette contrainte qui est déplacée : elle ne relève plus de l’enseignant ou enseignante, mais de l’élève, or l’assumer et la mettre en oeuvre est difficile pour certains, jeunes ou moins jeunes", explique André Tricot. La contrainte de lieu semble elle aussi levée. Mais il faut toujours un lieu pour apprendre à la maison. Et ceux qui n'en disposent pas sont pénalisés.

 

Faciliter l'apprentissage des savoirs ?

 

" Le numérique soulage-t-il la contrainte des savoirs à apprendre ?", demande encore A Tricot. Le numérique met à notre portée tout le savoir du monde. En apparence il n'y a qu'à se baisser pour le ramasser quand on en a besoin. Mais en réalité ce sont des données et non des savoirs qui sont à disposition." Les bibliothèques rendent les savoirs disponibles depuis des siècles. Le numérique ne change pas le fait que ce sont des données et non les connaissances qui sont rendues disponibles. Les autodidactes sont probablement des gens exceptionnels, hier comme aujourd’hui", dit A Tricot.

 

De nouvelles exigences

 

André Tricot analyse encore d'autres idées : vaut-il mieux regarder un cours ou une vidéo ? Prendre des notes à la main ou sur un ordinateur ? Lire un texte sur papier ou sur écran ? Etudier avec un document multimédia ? Très souvent il va contre ce qui semble évident.

 

" La littérature empirique dans le domaine du numérique pour l’enseignement montre que ces nouvelles manières d’apprendre constituent très souvent non des solutions de facilité, mais de nouvelles exigences. Aux élèves il demande souvent plus d’attention, d’autonomie et d’efforts. Aux enseignants et enseignantes il demande de non seulement faire leur métier, mais de concevoir des ressources de manière extrêmement précise et de rester attentifs à tout ce qui se passe quand les élèves travaillent avec ces ressources, conclut A Tricot. " Le numérique permet de desserrer un peu, à des degrés divers, trois contraintes qui pèsent sur les apprentissages scolaires : de temps, de lieu et de manière d’apprendre. Il ne semble pas avoir d’effet sur celle des savoirs enseignés. Il n’est pas du tout sûr que l’allègement des trois contraintes soit au bénéfice de tous".

 

Ce sont ces préoccupations qu'affrontent les enseignants du second degré en ce moment. Comment amener les élèves à apprendre à la maison ? Comment ne pas en perdre ? C4est un vrai défi.

 

F Jarraud

 

Le numérique permet-il des apprentissages scolaires moins contraints ? Une revue de la littérature,     André Tricot, Education et sociétés n°45

 

Education et sociétés n°45

 

 

 

Par fjarraud , le mercredi 28 avril 2021.

Commentaires

  • bmorel, le 17/05/2021 à 10:30
    L'enseignement à distance est à priori merveilleux : les élèves vont à leur rythme, donc les rapides ne s'ennuient pas et les plus lents peuvent prendre le temps de comprendre le cours et de faire leurs exercices. Etant enseignante en mathématiques, je sais à quel point les élèves ont des rythmes différents et souvent difficiles à concilier...
    C'était la théorie... mais avec le recul et l'expérience des confinements, nous constatons que nous "perdons" une bonne partie des élèves : certains ne font plus rien...d'autre prennent l'habitude de faire tous les exercices avec leurs cours sous le nez, au retour en classe ils ,n'ont pas retenu grand chose... 
    En fait l'enseignement à distance demande aux enfants d'être des adultes, ce qu'ils ne sont pas: les responsabilités sont trop grandes.
    Par ailleurs, les visioconférences, c'est épuisant! De nombreux élèves se plaignent de maux de tête, d'yeux...
    Enfin, rien ne vaut le regard d'un élève pour que l'enseignant perçoive s'il suit ou non, s'il a compris ou non. Et cette inetraction enseignant-élève est très stimulante.

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