Le film (confiné) de la semaine : « Le Retour de la Panthère rose » de Blake Edwards 

Scellée en 1964 avec leur première (et illustre) collaboration artistique, « La Panthère rose », la complicité créatrice du réalisateur Blake Edwards et de son acteur fétiche Peter Sellers n’en finit pas de déclencher des gags à ressorts et des rires en cascades. Même si tous deux n’atteignent pas ici le génie comique et le burlesque merveilleux de « The Party »[1968], ils s’en donnent encore à cœur joie dans « Le Retour de la Panthère rose » », sorti en 1977. De nouveau en quête du colossal joyau convoité par tous les voleurs de la planète, l’inspecteur français Clouseau, mélange hilarant de Sherlock Holmes et Gaston La Gaffe, s’envole vers l’émirat de Lubash, point de départ d’aventures rocambolesques et de catastrophes hilarantes.

 

Clouseau le manchot au pays du joyau perdu

 

C’est la panthère rose,  en collant fume-cigarette géant et numéro de claquettes, silhouette malicieuse et primesautière, qui fait les présentations et le générique, souligné par la musique élégante de drôlerie de Henri Mancini, défile faisant scintiller de mille feux les stars de cette comédie extravagante,  en une pluie de couleurs comme sur les enseignes du music-hall.  Par contraste, la voix appelant les musulmans à la prière s’élève du haut de la mosquée. Et des touristes visitent un musée grandiose décoré de mosaïques caractéristique de la civilisation arabe. Le guide grandiloquent invite les visiteurs à se rapprocher d’un précieux objet sous cloche transparente. Il s’agit d’un énorme diamant, devenu emblème national de l’émirat de Lubasch. Et ce diamant exceptionnel (doté d’un nom félin à cause du ‘crapaud’ au fond duquel en transparence on distingue ‘la silhouette d’une panthère rose frétillante’) est protégé de la convoitise des cambrioleurs de tous poils par un système de protection ultra-perfectionné (et qui semble inviolable), un système dont l’orateur enthousiaste démontre l’efficacité en direct…

 

La séquence nocturne suivante nous laisse deviner dans l’obscurité la silhouette élancée et souple d’un voleur vêtu de noir en train de déjouer, à l’aide d’une arbalète et d’une pince à sucre grand format en acier, tous les pièges, électroniques, tendus par les gardiens du bijou sacré. Le travail achevé, un faux pas, l’alarme déclenchée, la fuite sur les terrasses, le passage sur un filin tendu entre deux immeubles  et, en un clin d’oeil, l’intrus inconnu  distancie les hommes en armes à ses trousses.

 

Voilà le contexte (en terre étrangère) qui conduit à l’indispensable intervention d’un policier français qui a déjà fait ses preuves en récupérant la fameuse ‘Panthère rose’. Notre homme souffre pourtant d’une réputation calamiteuse auprès de son supérieur hiérarchique, le capitaine Dreyfus, lequel l’a renvoyé en mission de terrain comme simple gardien de la paix, incapable d’arrêter des bandits venant de rafler la caisse de la banque voisine et prenant la fuite sous ses yeux  à bord d’une automobile stationné devant lui, tandis qu’il tente de verbaliser un joueur d’accordéon supposé aveugle et son chimpanzé habile à faire la manche, tous deux probables guetteurs pour les criminels fuyards.

 

Mission impossible pour inspecteur au flair infaillible

 

Réclamé par l’Emir en personne auprès des autorités françaises, Clouseau est rétabli dans ses fonctions par un supérieur qui rêve de rayer de la surface de la terre cet agent incompétent et semeur perpétuel de désordres. Dès la descente de l’avion, sa laborieuse installation dans un palace où il n’a pas réservé prend des allures de parcours du combattant. Clouseau visiblement (en dépit de son intime conviction) n’a pas les codes. Mais il est capable d’en inventer d’autres en avançant.

 

Au rythme (haletant) du « Retour de la Panthère rose », nous découvrons l’enquêteur français (Peter Sellers), son regard ahuri, sa démarche de biais, ses tenues impayables, son parler dyslexique), refusant de céder son sac au bagagiste de l’hôtel, coîncé dans un des battants de la porte d’entrée tournante…et cédant avec naturel son manteau, son chapeau et ses gants à un voleur à la tire qu’il a pris pour un employé du palace.

 

Mais comment s’y prend-t-il pour accumuler à un tel rythme fautes de goût, bourdes et défauts répétés de discernement ? Regardons-le se battre avec un puissant aspirateur capable d’avaler un perroquet vert et de le recracher sans dommage pour le curieux volatile. Voyons comment avec un groom complice, il se transforme en serviette de bain accrochée à l’intérieur d’une cabine de sauna en cours d’ébullition tout en découvrant par le hublot le dos nu de Lady Litton (l’épouse d’un gentleman-cambrioleur qu’il surveille et soupçonne de complicité avec son mari) en train de prendre une douche.

 

Avouons qu’il est souvent difficile de le suivre. Le voici par exemple détruisant une piscine et faisant involontairement plonger dans le plan d’eau un véhicule puis un second, des camionnettes empruntées pour assoir les différentes identités de réparateur (à chaque fois démasquées) utilisées pour s’introduire sans succès dans la propriété de suspects.

Nous ne dirons pas comment sa façon très originale de faire la cour à la belle lady à la longue chevelure blonde lui permettra de ‘brûler’ les étapes  dans sa quête insensée et brouillonne du diamant éternel et ce, en présence du mari de la dame, et d’un sinistre sbire représentant de l’émir et armé de funestes intentions.

 

Du burlesque à l’absurde, mise en scène fantasque pour clown désarmant

 

Subtile et gracieuse animation d’une ravissante panthère rose en ouverture (joyeuse) et en clôture (ironique), multiplication des situations ubuesques, dialogues invraisemblables du double sens à l’insensé, vie réelle des objets dotés de pouvoirs surnaturels, faux morts (échappant aux tirs on ne sait par quels hasards), vrais cadavres (lestés hors-champ, comme si leur fin ne comptait pas), comportements délirants jusqu’à l’absurde. Blake Edwards n’a peur de rien : tous les coups sont permis au point que la vitesse et le chevauchement des gags et autres cocasseries démonétisent une chasse à l’homme et une course au trésor, figures conventionnelles du thriller ou du film d’espionnage, comme si les ressorts dramatiques des aventures à la James Bond n’étaient que des grosses ficelles dont la fiction loufoque et débridée se moque allègrement.

 

Dès que nous découvrons Clouseau, lors d’une séquence originelle, rentrant chez lui à pas feutrés appelant à voix basse quelqu’un qu’on ne voit pas et que l’inconnu, jeune serviteur asiatique amateur de kung-fu, , sort du réfrigérateur pour engager avec son maître un combat au corps-à-corps en saccageant l’appartement et en cognant sans ménagement son employeur, nous nous attendons à tout. Et Peter Sellers dans la peau de l’inspecteur Clouseau, ose tout : sourire ravageur, visage d’enfant attardé et obstination candide, il transforment son personnage en clown rêveur et acrobate transformiste, bombe à fragmentations jusqu’au débordement tumultueux de rire et d’humanité. Oublions les facilités et savourons sans rechigner cette comédie salutaire, menée tambour battant.

 

Samra Bonvoisin

« Le Retour de la Panthère rose », Visible sur arte.tv jusqu’au 27.04.21

 

 

 

Par fjarraud , le mercredi 07 avril 2021.

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